Depuis le début de la pandémie, la faim dans le monde progresse et s’est aggravée à cause des conflits, du Covid-19 et de la crise climatique. L’ONG Oxfam met en garde contre ce “cocktail explosif des trois C” qui a plongé, entre 2020 et 2021, 155 millions de personnes dans une insécurité alimentaire extrême.
Alors que l’Agence des Nations unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) doit publier, lundi 12 juillet, un rapport sur l’état de la sécurité alimentaire dans le monde, l’ONG Oxfam révèle dans un rapport rendu public vendredi que le nombre de personnes en situation de famine a été multiplié par six depuis le début de la pandémie.
“Le nombre de personnes vivant dans des conditions de famine a considérablement augmenté, atteignant 521 814 personnes”, peut-on lire dans le document, qui s’appuie notamment sur des chiffres de l’ONU.
Par ailleurs, selon l’ONG, en 2021, 155 millions de personnes, réparties dans 55 pays, sont confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire extrêmes. Cela concerne 20 millions de personnes supplémentaires par rapport à l’année 2020.
D’après la FAO, l’état d’insécurité alimentaire aiguë survient lorsque la vie d’une personne est menacée à cause de son incapacité à consommer assez de nourriture. La famine est le plus haut stade d’insécurité alimentaire. “Si plus de 20 % des ménages ne peuvent pas se nourrir, que le taux de malnutrition dépasse les 30 % et que les décès se multiplient, on ne peut plus parler de situation d’’urgence’ humanitaire, mais de ‘famine‘”, précise Oxfam.
Les conflits, la première cause des crises alimentaires
Même si plusieurs rapports prédisaient déjà pour 2021 une aggravation des crises alimentaires dans le monde, “la hausse est réellement très conséquente, notamment pour les personnes en conditions proches de la famine”, assure à France 24 Hélène Botreau, chargée de plaidoyer sécurité alimentaire et agriculture à Oxfam France.
Cette situation alarmante s’explique par le “cocktail explosif des trois ‘C’ : les conflits, la Covid-19 et la crise climatique”, écrit Oxfam dans son rapport, allant dans le même sens que les conclusions du rapport du Réseau mondial contre les crises alimentaires, un organisme réunissant des grandes organisations internationales et des ONG
“Le facteur principal dans ces grandes crises alimentaires, c’est les conflits. Sans les conflits, il n’y aurait pas ce genre de problèmes extrêmes”, expliquait sur France 24 Luca Russo, analyste à la FAO et inquiet au sujet de la situation en Éthiopie, en République démocratique du Congo, au Yémen et en Syrie.
Dans son rapport publié le 15 mai, le Réseau mondial contre les crises alimentaires identifie, en effet, dix pays où résident le plus grand nombre de personnes en insécurité alimentaire aiguë en 2020. Parmi eux, huit sont en proie à la guerre : le Yémen, le Soudan du Sud, le Soudan, le Niger, la Somalie, le Tchad, le nord du Nigeria et le Burkina Faso.
Dans ces pays, “la guerre et l’insécurité ont perturbé les circuits d’accès à la nourriture et le fonctionnement des services sanitaires et de santé de base, affectant gravement l’état nutritionnel des personnes les plus vulnérables, en particulier les femmes et les enfants”, est-il écrit dans le rapport.
Selon des chiffres issus du Réseau mondial contre les crises alimentaires et cité dans le rapport d’Oxfam, “la pandémie a plongé près de 100 millions de personnes résidant dans 23 pays déchirés par un conflit dans une insécurité alimentaire de niveau critique ou au-delà”.
Sécheresses, inondations et tempêtes, trois phénomènes climatiques inquiétants
Ces trois facteurs sont bien connus des observateurs et ne sont pas nouveaux. Mais ces derniers mois, la pandémie de Covid-19 et ses conséquences socio-économiques se sont ajoutées à ces problèmes. “Le chômage de masse et la production alimentaire gravement perturbée ont entraîné une hausse de 40 % des prix alimentaires mondiaux, la plus forte hausse depuis plus de dix ans”, rappelle ainsi Oxfam.
Le cyclone Amphan en Inde, les inondations au Tchad, la tempête tropicale Iota en Amérique centrale… Ces derniers mois, les aléas climatiques se sont multipliés, réduisant l’accès aux denrées alimentaires pour les populations. Les événements climatiques extrêmes ont plongé “près de 16 millions de personnes dans 15 pays dans des niveaux d’insécurité alimentaire critiques”, rapporte Oxfam.
“À cause de la sécheresse, les terres sont plus sèches et moins fertiles. Cela impacte la qualité des rendements et de la qualité nutritionnelle des cultures et cela augmente les prix car les cultures se réduisent”, explique Hélène Botreau.
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Les inondations et les tempêtes ont aussi des conséquences désastreuses, notamment des coulées de boue et l’érosion des sols. “Elles détruisent les systèmes d’irrigation, les infrastructures agricoles, les récoltes, ainsi que les stockages de semences et de denrées”, cite la chargée de plaidoyer.
Les conséquences se répercutent ensuite sur les populations pastorales. “Ces aléas entraînent des pertes économiques qui sont directement supportées par les producteurs. Or, en général, ces derniers font partie des communautés les plus pauvres et marginalisées”, affirme Hélène Botreau.
Une déclaration conjointe pour combler le manque de financements
Face à ces fléaux, Oxfam demande aux gouvernements de “financer intégralement l’appel humanitaire des Nations unies et soutenir un fonds mondial dédié à la protection sociale”, ainsi que de “garantir un accès humanitaire dans les zones de conflit et ne plus utiliser la faim comme arme de guerre”.
Les ministres des Affaires étrangères du G20 ont adopté, fin juin, à Matera, dans le sud de l’Italie, une déclaration dont l’objectif est de contribuer à éradiquer la famine. Mais ce texte en dix points se résume à une série de constats et d’objectifs sans valeur contraignante. “Si les tendances actuelles se poursuivent, le nombre de personnes souffrant de la faim pourrait atteindre 840 millions d’ici 2030”, ont ainsi mis en garde les signataires, alors que l’ONU a pour objectif d’éradiquer la faim d’ici 2030. Or, selon une étude de la FAO, il faudrait entre 39 et 50 milliards de dollars de plus par an pour y parvenir.