Une vidéo publiée le 21 juin sur différents réseaux sociaux montrant trois hommes à terre, inconscients, prétend témoigner des premières violences commises par le nouveau pouvoir iranien au lendemain de l’élection d’Ebrahim Raïssi comme président du pays. Elle est bien récente et prise en Iran, mais plusieurs détails à l’image permettent de savoir qu’elle n’a rien à voir avec une répression des civils.
La police est intervenue dans ces heurts. Des vidéos montrent les forces anti-émeutes pousser et frapper des protestataires.
Mais le 21 juin, une vidéo a prétendu à tort montrer les abus commis par les forces de l’ordre. On y voit trois hommes à terre, entourés de civils qui tentent de les secourir, l’un réalisant notamment un massage cardiaque.
La vidéo a été publiée notamment avec cette légende : “Le régime commence le massacre après l’élection” avec le hashtag utilisé pour relayer les violences à Yasuj.
Si les forces de l’ordre en Iran sont coutumières des répressions dans le sang de mouvements de protestation, cette vidéo n’a en fait rien à voir avec des événements de cette nature.
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Que voit-on à l’image ?
Une recherche d’image inversée avec l’outil Invid WeVerify (voir ici comment procéder) ne donne aucun résultat pour cette vidéo. Elle est donc probablement récente. Mais impossible de la trouver dans son juste contexte de cette façon.
Des détails de la vidéo donnent des indices essentiels. D’abord, on remarque qu’aucun des trois corps ne porte de traces de blessures, et on ne voit pas de sang, comme on pourrait s’y attendre si ces hommes étaient victimes de la répression policière. On n’entend personne s’en prendre à la police dans la vidéo, seulement des personnes en train de pleurer et d’autres réclamant que quelqu’un fasse des massages cardiaques.
On remarque surtout que les trois hommes sont pieds nus : il aurait été très improbable qu’ils soient allés manifester sans chaussures.
Deux autres détails ont leur importance : on aperçoit brièvement une plaque d’immatriculation de mobylette, qui indique le nombre ‘562”, qui est un de ceux qu’on retrouve sur les plaques de la province du Khouzestan, et pas de celle du Kohguilouyeh-et-Bouyer-Ahmad.
On peut aussi remarquer que la montre d’un des hommes tentant de secourir les victimes indique environ 11 h 45.
Une recherche en persan au sujet de la mort de trois jeunes hommes au Khouzestan permet de trouver des articles rapportant l’asphyxie au gaz de trois hommes à Baghmalek , un petit village de cette province, le 20 juin.
Selon les secouristes locaux, l’information de l’accident qui a coûté la vie à ces trois hommes leur est parvenue vers 10 h 30, ce qui correspond avec l’heure, un peu plus tardive, qu’on voit dans la vidéo.
Le 21 juin, la police de Yasuj a, par ailleurs, affirmé que la vidéo n’était pas tournée à Yasuj et montrait bien l’incident en question à Baghmalek.
Conclusion
Cette vidéo documente un fait divers survenu à Baghamlek, et non pas des violences policières commises par le nouveau pouvoir iranien à Yasuj.
À Yasuj, “la connexion internet a été coupée” suite aux violences
Si cette vidéo ne montre pas un incident à Yasuj, il est cependant exact que la police s’est rendue sur les lieux pour réprimer des affrontements entre tribus qui s’opposent pour le contrôle du conseil municipal.
Contactée, Niki Mahjoub, une journaliste basée à Londres pour la télévision en persan “Iran international”, a suivi les manifestations à Yasuj. Selon elle, elles ont commencé lorsque des habitants ont affirmé qu’il y avait eu des fraudes durant l’élection. Les autorités locales ont nié, mais n’ont pas convaincu.
Selon le procureur local, plus de 100 personnes ont été arrêtées. La connexion internet a été coupée depuis, mais dans de nombreuses vidéos, on entend des coups de feu. Il n’y a cependant aucun mort jusqu’ici. Nous n’avons aucune information sur les blessés.
Il ne faut pas oublier que la répression des manifestations en Iran se passe le plus souvent dans la violence, comme on l’a vu en novembre 2019, lorsque 1 500 personnes ont été tuées.
Selon les médias locaux, des manifestations se poursuivaient à Yasuj, le 23 juin, et la connexion internet n’avait pas été rétablie.