Deux jihadistes présumés accusés d’avoir joué un rôle clé dans l’attaque du village de Solhan, qui a fait au moins 132 morts dans la nuit du 4 au 5 juin, ont été mis en examen pour “terrorisme”, a annoncé mardi le procureur du Burkina Faso.
Deux jihadistes présumés, dont le “chef d’une base terroriste”, accusés d’avoir joué un rôle clé dans l’attaque du village de Solhan, dans le nord-est du Burkina Faso, qui a fait au moins 132 morts, ont été mis en examen pour “terrorisme”, a indiqué mardi 29 juin la justice burkinabè.
“Après l’attaque terroriste perpétrée à Solhan, une enquête (…) a abouti à la présentation le 25 juin à la section antiterroriste de notre parquet de deux individus : Mano Tidjani alias Ali et Woba Dikouré”, indique un communiqué d’Émile Zerbo, procureur du Burkina.
Âgés de 28 ans et de nationalité burkinabè, ils ont été “mis en examen et placés sous mandat de dépôt” après l’ouverture d’une information judiciaire contre eux pour “association de malfaiteurs, assassinats, tentative d’assassinats, vols, détention illégale d’arme à feu et de minutions, dégradation volontaire de biens mobiliers et immobiliers, toutes infractions en lien avec le terrorisme”, précise le texte.
Le pillage comme source de financement
Dans la nuit du 4 au 5 juin, des hommes armés – dont “des jeunes âgés de 12 à 14 ans” selon les autorités – ont attaqué le village de Solhan, dans le Nord-Est, tuant au moins 132 personnes selon le gouvernement, 160 selon des sources locales.
Ce massacre, qui a provoqué une vive émotion, constitue l’attaque la plus meurtrière au Burkina Faso depuis le début des violences jihadistes en 2015.
“L’enquête démontre” que cette attaque “a été décidée le 21 mai (…) dans l’objectif de piller des biens, le pillage étant la principale source de financement du groupe auquel appartiennent les deux mis en examen”, selon le procureur.
Émile Zerbo confirme que les deux jihadistes présumés sont membres d’une composante du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda et qui sévit dans plusieurs pays du Sahel.
Mano Tidjani alias “Ali” est le chef d’une “base terroriste” située dans une forêt de Boundoré (nord) tandis que Woba Dikouré est un “simple combattant”, selon le communiqué.
Leur groupe intervient au Burkina Faso avec “des incursions sur les territoires nigérien et béninois”, et est responsable “de précédentes attaques à Solhan et à Sebba, à Boundoré et Koholoko à la frontière du Niger”, ajoute-t-il.
L’enquête a aussi permis d’identifier ce groupe comme celui ayant perpétré l’attaque du 6 novembre 2019 sur l’axe Ouragou-Boungou (sud-est) contre un convoi minier, qui avait fait au moins 37 morts.
“Des enfants tuant des enfants”
En parallèle, plusieurs membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont appelé lundi à combattre l’utilisation des enfants dans les guerres, alors que le porte-parole du gouvernement Ousséni Tamboura avait évoqué la semaine dernière la participation d’adolescents à l’attaque de Solhan.
“Ces enfants ne sont souvent pas plus grands que les armes qu’ils portent, a dénoncé l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, lors d’une visioconférence de chefs d’État sur le sujet des enfants dans les conflits. On leur apprend à commettre des crimes de guerre avant même de savoir compter. Pour ne citer qu’un exemple, au début du mois, dans le village de Solhan dans la région du Sahel, un groupe armé non étatique a tué plus de 130 civils, dont beaucoup d’enfants. Ce groupe armé ? Principalement des 12-14 ans. Des enfants tuant des enfants.”
Sans dire que les enfants avaient constitué la majeure partie des assaillants comme l’évoquait Linda Thomas-Greenfield, Ousséni Tamboura avait précisé que cette information venait de suspects arrêtés quelques jours avant l’attaque.
Présidente en exercice du Conseil de sécurité et à l’origine de l’organisation de sa session lundi, Kersti Kaljulaid, présidente de l’Estonie, s’est aussi insurgée contre l’utilisation des enfants dans les guerres. Elle a évoqué une petite fille centrafricaine, Graciela, devenue orpheline et enlevée par un groupe armé en 2014.
“Elle n’a eu d’autre choix que d’en faire partie, pour faire la cuisine et apprendre à se battre”, a déploré Kersti Kaljulaid, indiquant que son histoire s’était finalement bien terminée et qu’elle avait pu “commencer une nouvelle vie”.
En 2020, “la situation des enfants dans les conflits armés a été marquée par un nombre élevé et soutenu de violations graves”, a-t-elle poursuivi. Et la pandémie de Covid-19 n’a rien arrangé pour cette “cible facile”.
Selon le dernier rapport du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, plus de 26 000 violations graves contre des enfants ont été répertoriées, soit une forte hausse par rapport à 2019.
Avec AFP