En France, le variant Delta représente entre 9 et 10 % des nouvelles contaminations, a mercredi annoncé le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Les Français, y compris les plus fragiles, ne sont pas vaccinés en nombre suffisant pour faire rempart à l’émergence de ce variant.
Même si plusieurs études attestent de l’efficacité des vaccins contre cette nouvelle forme du Covid-19, face à la vitesse de propagation du variant Delta s’engage une course contre la montre : particulièrement contagieux, il devrait représenter 90 % des nouveaux cas de Covid-19 dans l’Union européenne d’ici fin août, a alerté mercredi 23 juin le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).
En France, ce variant – initialement appelé variant “indien” – représente entre 9 et 10% des contaminations, voire 12 à 13% en Île-de-France. Sa progression est si rapide et que ce variant est désormais responsable de 70 % des cas positifs détectés dans les Landes, a indiqué Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement français, mercredi à l’issue du Conseil des ministres.
Apparu en Inde, le variant Delta s’est diffusé à travers le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Or, il s’avère bien plus contagieux que les autres variants en circulation, eux-mêmes déjà plus transmissibles que la souche initiale.
Efficacité des vaccins contre le Delta
“La bonne nouvelle, c’est qu’avec deux doses de vaccins anti-Covid, on est bien protégés contre ce variant Delta”, rassure toutefois Gérard Dubois, professeur de santé publique et membre de l’Académie de médecine, contacté par France 24. Les vaccins contre le Covid-19 développés par AstraZeneca et l’alliance Pfizer-BioNTech restent efficaces contre le variant Delta, selon des données publiées lundi dans The Lancet par les autorités écossaises. Des conclusions encourageantes, confirmées par une étude de l’université d’Oxford publiée mercredi. Deux semaines après la deuxième dose, le vaccin Pfizer/BioNTech serait efficace à 88 % contre la forme symptomatique du Covid-19 provoquée par le variant Delta – la performance d’AstraZeneca est quant à elle évaluée à 66 %.
“La mauvaise nouvelle, c’est qu’on est loin d’être suffisamment nombreux à être vaccinés en France”. En effet, depuis le début de la campagne de vaccination, seul un quart de la population – et 31,8% des adultes – ont reçu deux injections de vaccin. ”Ce n’est pas suffisant”, juge le professeur Dubois. Une inquiétude d’autant plus légitime que certains médecins s’inquiètent de la possibilité d’un net ralentissement de la vaccination cet été. “Avec la souche originelle du Covid-19, cela aurait suffi à enrayer l’épidémie, mais ce variant Delta est bien plus contagieux. Il faudrait que 70 à 90 % de la population soit protégée, c’est-à-dire qu’elle dispose des anticorps contre le Covid-19, soit après avoir reçu deux doses de vaccins, soit avec une dose pour les personnes ayant déjà contracté le Covid-19”.
Vacciner au plus vite
Le variant Delta du Covid-19 va-t-il gâcher la rentrée ? “Il ne faut pas attendre la fin des vacances”, alerte le professeur Dubois. “Les vaccinodromes se vident au moment même où il faudrait les remplir”. Pour le chercheur, il faut se montrer “insistant” sur la vaccination, “garder un message fort” et “utiliser les doses dont on dispose le plus vite possible sur la population la plus large possible”.
En France, face à la progression rapide du variant Delta, les autorités ont décidé de réduire à trois semaines, dès le 16 juin, l’écart entre les deux doses de vaccins Pfizer/BioNTech et Moderna – contre un minimum de cinq semaines auparavant.
À ceux qui estiment que les mesures sanitaires ont été assouplies à la hâte, Gérard Dubois répond que “la levée des mesures de restriction sanitaire est légitime car nous nous trouvons dans une situation favorable, donc on peut se le permettre”. Tandis que le port du masque n’est plus obligatoire à l’extérieur et que le couvre-feu a été levé dimanche, les indicateurs sanitaires continuent en effet de s’améliorer. À l’échelle nationale, le taux d’incidence est descendu à 24 cas pour 100 000 habitants sur une semaine, une proportion inférieure à la moitié seuil d’alerte. Le taux de positivité des tests virologiques est inférieur à 1 % et le taux de reproduction du virus (appelé “R” ou “R0” par les chercheurs et reflétant le nombre moyen de personnes infectées par un cas) s’établit quant à lui à 0,64.
“Aller vers” le public éloigné de la vaccination
Pour le professeur Dubois, l’une des solutions consiste à “aller vers”. “Les vaccinodromes restent utiles mais il faut ‘aller vers’ le public réticent à ou éloigné de la vaccination”. L’idée étant d’aller chercher les gens au plus près de chez eux, à l’instar de l’initiative lancée le 11 juin par le CHU d’Amiens – celui-ci a transformé un bus du très populaire club de foot local en centre de vaccination mobile. Le véhicule sillonne les rues de la capitale picarde depuis plusieurs semaines et propose une vaccination sans rendez-vous. Quelque 300 doses de Pfizer y sont disponibles chaque jour.
Ailleurs, en Seine-Saint-Denis, département parmi les plus touchés, un centre de vaccination improvisé dans un centre commercial très populaire de Rosny-sous-Bois propose, depuis le 19 juin, de vacciner les clients sans rendez-vous. Une action qui a du sens dans un département où moins d’un tiers des habitants a reçu une première injection de vaccin – contre 45 % à l’échelle nationale, selon les dernières données disponibles de l’Assurance Maladie.
Éviter l’émergence de nouveaux variants
“Il reste encore 5 millions de plus de 55 ans à faire vacciner en France, alors que c’est dans cette tranche d’âge que le risque de décès des suites du Covid-19 est élevé”, fait remarquer le professeur Dubois. “Les personnes à haut risques [avec des comorbidités], elles aussi, ne sont pas suffisamment vaccinées. Elles ne sont que 65 % à avoir reçu le vaccin, alors qu’elles devraient courir se faire vacciner”, regrette-t-il. “Le risque à se faire vacciner est 100 fois inférieur que celui de prendre sa voiture pour se rendre au centre de vaccination”, estime le professeur de santé publique.
Au-delà du seul variant Delta, former ce “bloc des vaccinés”, selon l’image utilisée par me président du Conseil scientifique français Jean-François Delfraissy, a un deuxième objectif : empêcher l’émergence d’autres variants au sein de populations n’étant que partiellement protégées, voire pas du tout. Car la perspective que redoutent les scientifiques est l’apparition de variants beaucoup plus résistants aux vaccins.
De son côté, le gouvernement n’exclut pas de prendre des mesures de restriction supplémentaires dans les départements où la dynamique de progression du variant Delta est soutenue – il pourrait s’agir, par exemple, d’abaisser les jauges de fréquentation dans certains lieux publics. “Nous restons vigilants et nous gardons le cap”, a assuré Gabriel Attal. “Si les voyants nationaux sont (…) au vert, nous ne pouvons absolument griller aucun feu, la vigilance reste absolue” face à “plusieurs points d’attention” en Guyane, dans les Landes et dans le Bas-Rhin, a-t-il déclaré à l’issue du conseil des ministres.
Avec AFP