Au Soudan, où les sites archéologiques se trouvent menacés par les pilleurs et les agriculteurs négligents, les villageois sont formés de génération en génération pour participer aux fouilles et les protéger. Une manière de prendre conscience de l’importance du travail des archéologues, et de se réapproprier leur propre patrimoine.
Le Soudan regorge de richesses archéologiques d’une valeur inestimable. Moins célèbres que leurs voisines égyptiennes, les pyramides de Méroé abritent des tombeaux de 40 souverains du royaume de Koush. Les plus anciennes ont été bâties en 720 avant J-C.
Depuis le début du XXe siècle, les archéologues tentent de comprendre cette civilisation dont seulement 20 % des vestiges ont été découverts.
“C’est un site satellite de l’empire méroétique, structure politique la plus ancienne de toute l’Afrique subsaharienne”, explique Marc Maillot, directeur de la Section française des antiquités du Soudan (SFDAS), qui ajoute que le sile servait de centre cultuel, mais aussi d’administration, d’accumulation et de redistribution pour l’État central.
Au total, six archéologues y encadrent une trentaine d’ouvriers venus des villages alentours. Ils travaillent sur les fouilles et se chargent également de les protéger.
Villageois “formés de génération en génération”
Sous la colline se cache un grand bâtiment. Lors de leur prochaine mission, dans un an, les archéologues sonderont la terre, où ils pensent découvrir un temple qui leur permettra de mieux comprendre l’importance du site. Le chantier devrait durer une dizaine d’années.
“Il faut vraiment envisager une fouille archéologique comme une enquête policière où l’on se met dans l’état d’esprit de la personne qui a bâti une structure, fait une céramique ou une tombe”, explique Marc Maillot.
Mais pour que cette enquête arrive à son terme, il faut à tout prix protéger les vestiges exposés à de nombreux dangers. Autour du site, ce sont les agriculteurs qui représentent le plus grand péril car ils décident souvent de s’installer sur un site archéologique sans en avoir conscience.
Pour préserver ce patrimoine inestimable, le gouvernement mise donc sur l’éducation de la population. Les archéologues chargent les villageois de surveiller les lieux. Leur travail est primordial : autrefois, les véhicules des paysans roulaient sur les fondations des bâtiments. “C’est plus simple qu’un Soudanais discute avec les villageois plutôt qu’un étranger qui s’imposerait en disant ‘c’est un site archéologique et nous allons travailler ici'”, explique Magdi Mohammed Ahmed, inspecteur à la National Corporation of Antiquities and Museums (NCAM).
Dumbuya est perçu comme un chantier modèle dans la région. Outre l’apport financier que représentent les expéditions depuis vingt ans, les villageois sont formés de génération en génération.
“Le meilleur moyen de protéger un site archéologique comme celui-là, c’est avant tout les communautés locales”, estime Marc Maillot. Des communautés “qui sont conscientes de la raison pour laquelle on effectue ce travail, et du fait qu’il se réapproprient leur propre patrimoine.”