Le salon VivaTech est l’occasion, depuis mercredi, de prouver que la crise sanitaire n’a pas fermé le robinet à innovation des start-up françaises. L’année 2020 a même été l’une des années les plus fastes pour un écosystème qui intéresse de plus en plus les investisseurs étrangers.
Ce qui ne tue pas rend plus fort. Le célèbre adage pourrait s’appliquer à la “start-up nation” française, réunie depuis mercredi 16 juin et jusqu’à samedi au salon VivaTech à Paris, pour célébrer un retour à une certaine normalité après plus d’un an de pandémie de Covid-19.
Protocole sanitaire oblige, seules 500 start-up ont pu faire le déplacement à la porte de Versailles pour démontrer “en présentiel” qu’un an de crise n’a pas mis de frein à l’innovation en France, ni à l’investissement dans ce secteur. On est loin des 13 000 jeunes pousses qui avaient pu faire leur promotion lors de l’édition 2019 de VivaTech, mais la diversité de ce qui est proposé cette année n’en est pas moins grande. Il y a des spécialistes de la technologie quantique, des sociétés qui veulent révolutionner la chirurgie par ordinateur assisté, des voitures autonomes ou volantes, ou encore des promoteurs de villes plus connectées pour être plus économes et respectueuses de l’environnement.
Somme record de 5,4 milliards d’euros levés
Un foisonnement d’idées et de projets qui illustrent une réalité que les acteurs du secteur ont tous constatée : 2020 a été globalement un bon cru pour la tech française, alors même que l’économie nationale a été durement affectée par la pandémie. “Il y a très clairement eu une explosion en volume des investissements”, souligne Thomas Dupont-Sentilles, associé au cabinet Goodwin et spécialiste du financement des jeunes pousses, interrogé par France 24.
En tout, les start-up françaises ont réussi à lever la somme record de 5,4 milliards d’euros l’an dernier. Une manne qui doit beaucoup à l’intérêt “des investisseurs étrangers – notamment nord-américains, mais aussi des fonds japonais et britanniques – pour l’écosystème français des start-up”, estime cet avocat.
La crise du Covid-19 semble avoir servi de révélateur des atouts français pour les investisseurs étrangers. Ils se sont rendu compte qu’il y avait non seulement “de bons ingénieurs, des bonnes idées et un bon écosystème pour créer des start-up”, note Thomas Dupont-Sentilles. Mais “la France a aussi été saluée dans le monde entier pour sa capacité à réagir rapidement pour débloquer des dispositifs d’urgence d’accompagnement des start-up”, rappelle Julie Ranty, directrice générale de VivaTech, interrogée par France 24.
En clair, ces financiers et fonds actifs dans un secteur – la Tech – réputée pour sa méfiance envers l’ingérence de la force publique, se sont rendus compte des vertus de l’État providence pour ramener un peu de stabilité et de visibilité en des temps économiquement troublés.
Mais la “start-up nation” n’est pas un monolithe. Il y a, bien sûr, des acteurs qui ont trinqué à la défaveur du Covid-19. “Les start-up de l’événementiel, de la restauration ou encore du tourisme ont, comme les secteurs de l’économie auxquels ils sont rattachés, été impactées par la crise”, énumère Julie Ranty.
C’est plus surprenant, mais les jeunes pousses de la “MedTech”, la technologie appliquée à la santé, ont aussi souffert de la pandémie. “Elles ont dû arrêter les essais cliniques [car tout l’effort était tourné vers la recherche contre le virus SARS-COV-2, NDLR] ce qui a ralenti leur plan de croissance”, résume Thomas Dupont-Sentilles.
Mais, pour lui, il est encore trop tôt pour faire le bilan des dégâts causés par la crise sanitaire à ces start-up. L’ampleur de la casse ne sera réellement connue que lorsque “l’économie ne sera plus sous perfusion de l’État”, précise-t-il.
L’heure des start-up à “impact” ?
À l’inverse, nul doute que cette année de distanciation sociale a été bénéfique pour toutes les sociétés qui travaillent à la dématérialisation des actes du quotidien. Une part importante des grandes levées de fonds – c’est-à-dire de plusieurs dizaines de millions d’euros – ont concerné des start-ups de cette filière. C’est le cas pour Yousign – spécialiste de la signature électronique – qui a rassemblé 30 millions d’euros la semaine dernière ou encore IAD, un réseau immobilier sans agence physique, dont le dernier tour de table lui a rapporté 300 millions d’euros en février 2021.
L’autre secteur qui semble avoir le vent en poupe actuellement regroupe les “start-up à impact”, assure Julie Ranty. Ce sont les jeunes pousses dont le projet ne serait pas seulement économiquement viable, mais aussi bénéfique pour toute la société.
Les entrepreneurs français chercheraient à être en phase avec “l’accélération des prises de conscience en cette sortie de crise, une accélération des envies de basculer dans un monde qui soit plus durable”, résume la directrice de VivaTech.
Il faut dire que le salon qu’elle dirige est un véritable miroir de cette tendance. Les sociétés qui ont développé des matériaux plus durables, des solutions pour éviter le gâchis, des technologies pour connecter les populations isolées y sont nombreuses.
“Avant [la crise sanitaire], on avait l’impression qu’un entrepreneur devait choisir entre faire du bien ou faire de la croissance. Ce n’est plus le cas aujourd’hui”, assure Julie Ranty. La fameuse “Tech for Good”, vantée depuis 2018 par Emmanuel Macron, décollerait-elle enfin ?
Au vu du nombre des projets portés par les start-up françaises, c’est une évidence. Mais qu’en est-il du côté des investisseurs ? “Des start-up qui sont sur l’économie circulaire, sur des enjeux environnementaux réussissent à lever des tours de tables importants à plusieurs dizaines de millions d’euros alors qu’avant elles étaient cantonnées à des petits financements”, note Julie Ranty.
Parmi les exemples notables figurent Back Market (vente d’appareils électroniques reconditionnés), qui a levé 276 millions d’euros en mai 2021, ou encore Vestiaire collective, le spécialiste de la vente d’habits de seconde main, qui a récolté 178 millions d’euros en avril dernier. Mais ce n’est pas suffisant pour en faire déjà une tendance lourde de sortie de crise pour Thomas Dupont-Sentilles. “On voit, en effet, des projets dans ce sens qui se créent et une tendance à s’intéresser aux questions de responsabilité environnementale et sociale lors des tours de table, mais ce ne sont pas encore les moteurs principaux des investissements”, juge ce spécialiste du financement des start-up.
Cette pandémie sans précédent pourrait tout de même avoir au moins un effet positif : celui de clore le chapitre de la start-up comme une machine à générer de la croissance à tout prix, sur le modèle de la Silicon Valley des années fastes, pour se tourner vers un développement plus durable.