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Laïcité à l’école : l’annonce d’un nouveau plan de formation laisse les enseignants sceptiques

Le ministre de l’Éducation nationale a annoncé, lundi, un grand plan de formation à la laïcité destiné à tous les professeurs de l’enseignement public. Une initiative qui n’est pas forcément accueillie favorablement par les enseignants et syndicats. Ces derniers craignent un simple “effet d’annonce” et déplorent, entre autres, un manque de moyens matériels.

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Une formation pour parler d’une même voix de la laïcité à l’école ? Huit mois après l’assassinat de Samuel Paty, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a annoncé, lundi 14 juin, un plan de formation à la laïcité sur quatre ans pour tous les enseignants dès la prochaine rentrée de septembre. Une disposition qui fait suite aux préconisations d’un rapport de l’ex-inspecteur général de l’Éducation, Jean-Pierre Obin.

Dès la rentrée, “1 000 formateurs issus de toutes les académies et de tous les départements vont bénéficier d’une formation renforcée et intensive“, écrit le ministère de l’Éducation nationale dans un communiqué. “Ce réseau de formateurs organisera ensuite les formations dans chaque école, collège ou lycée, à destination de tous les personnels, quel que soit leur statut.”

Ce plan de formation, qui devrait être assorti cet été d’un “référentiel commun de compétences et de contenus pour la formation à la laïcité”, suscite néanmoins de nombreuses interrogations parmi les professeurs, déjà formés à ces questions dans les centres de formation des enseignants. Ils jugent ce plan flou et inapplicable en raison, notamment, d’un manque de moyens matériels.

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“Ça ne s’apprend pas, ça se vit”

“Nous, on est très critiques par rapport à ces effets d’annonces”, répond Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole du Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUipp-FSU), contactée par France 24. “Jean-Pierre Obin a auditionné quelques enseignants, mais il n’y a pas eu de grande enquête faite sur la manière dont les enseignants sont formés, ce qu’ils pensent de leur enseignement sur la laïcité et comment ils sont confrontés, dans leurs classes, à des atteintes à la laïcité”, explique-t-elle.

L’inspecteur de l’Éducation nationale n’aurait par ailleurs pas pris en compte les disparités territoriales. “Il est allé voir quelques enseignants et en a fait une généralité pour dire ‘voilà comment la laïcité doit être enseignée et mise en œuvre dans les instituts de formation’. Sauf que tous les territoires et les écoles de France ne sont pas concernés de la même façon”, précise Guislaine David. “Toutes ces questions importantes qui devraient être posées à tous les enseignants ne sont jamais posées à tous les enseignants”, poursuit la porte-parole du SNUipp-FSU, qui déplore que son syndicat n’ait pas été consulté par l’inspecteur général au cours de son enquête.

Un plan de formation à la laïcité, donc, mais pourquoi ? Guislaine David déplore un manque de cohérence dans les stratégies mises en place par le ministère de l’Éducation nationale. “D’un coté, on met en avant ce plan de formation à la laïcité, et de l’autre, il y a deux ans, on a changé les programmes d’EMC (enseignement moral et civique) dans les classes. On est passé d’un programme qui permettait de faire vivre les valeurs de la République, à un programme qui est formaté où l’on demande aux élèves d’apprendre les symboles de la République, et où l’on doit afficher le drapeau et les paroles de la Marseillaise dans les classes”, développe-t-elle. “Or, on le sait, ces valeurs de la République, la laïcité, la fraternité, c’est aussi développer l’esprit critique, comprendre la liberté de conscience, et ça, ça ne s’apprend pas, ça se vit”.

“Les INSPE et les universités le font déjà”

Pour l’instant, les acteurs concernés n’ont pas reçu d’informations précises relatives au contenu de cette formation. Mais Edwige Chirouter le rappelle : la formation sur la laïcité existe déjà dans les centres de formation des enseignants. C’est pourquoi cette enseignante en philosophie à l’Institut national supérieur du professeur de l’éducation (INSPE) de Nantes, se montre aussi sceptique. “J’attends de voir ce qu’il en sera, au-delà des effets d’annonces qui sont un peu méprisants par rapport à ce que les INSPE et les universités font déjà”, réagit-elle auprès de France 24.

“La laïcité est le cœur de notre activité”, ajoute la chercheuse, spécialiste de la philosophie auprès des enfants, de l’apprentissage de la pensée critique et de la citoyenneté. “Nos étudiants sont déjà formés sur les trois aspects de cette question : l’aspect législatif, philosophique (réflexif) et pratique”, précise-t-elle, s’interrogeant sur la dimension philosophique de la laïcité qui sera transmise par ce nouveau plan de formation. “S’agira-t-il d’une laïcité ‘ouverte’, ou ‘fermée’ ? Quels types de pratiques seront valorisés auprès des enfants ? Est-ce que ce sera des valeurs transmissives, ou est-ce qu’il s’agira de pratiques actives où les enfants pourront réfléchir, penser, discuter ? Quels supports vont être utilisés ? Des supports moralisateurs, ou des supports réflexifs ? Enfin, qui va mener ces modules de réflexion ? Des gens qui vont relayer la parole du ministère, ou des universitaires qui seront plus libres ?”, questionne Edwige Chirouter – qui précise, elle aussi, ne pas avoir été sollicitée.

“On n’y arrivera pas”

Si cet enseignement fait déjà partie intégrante de la formation des professeurs des premier et second degrés, toutes disciplines confondues, Guislaine David pointe la possibilité que cela ne soit toutefois pas suffisant. “À mon sens, il faut renforcer ces modules, davantage que de refaire un nouveau plan de formation”, dit-elle. “Ensuite, il faut s’en donner les moyens, parce que leur plan est très ambitieux mais actuellement, on ne peut pas”, poursuit-elle, évoquant la suppression depuis plusieurs années des formations continues, faute de pouvoir remplacer les professeurs qui s’absentent pour les suivre. “On peut se doter d’un plan très ambitieux sur la laïcité, mais matériellement, sur le terrain, on n’aura pas les moyens de le mettre en œuvre”.

Parmi les propositions du plan présenté lundi, et dont son syndicat a obtenu le cahier des charges, Guislaine David prend l’exemple de celle prévoyant des formations complètes qui permettraient de former toute une équipe d’école, en même temps, le même jour. “Matériellement, c’est devenu impossible dans nos écoles”, répond-elle. “Quand nos enseignants sont en formation, il faut les remplacer dans les classes et on n’a pas suffisamment de remplaçants pour remplacer lors des stages de formation continue. On sait que c’est quelque chose d’inapplicable, on n’y arrivera pas.”

L’égalité d’accès à ces formations suscite aussi les interrogations. Les professeurs titulaires sont souvent remplacés par des vacataires n’ayant pas été formés dans les INSPE et qui, de fait, n’ont pas reçu cet enseignement sur la laïcité. Ces contractuels, pourront-ils, comme leurs collègues titulaires, être formés dans le cadre de ce plan ? Si oui, qui les remplacera en classe ? “Il faudrait les remplacer par d’autres remplaçants qu’il faudra aussi former ?”, ironise Edwige Chirouter. “C’est un cercle vicieux. Ils usent le personnel jusqu’au bout de la corde.”

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