L’exploitant de la centrale nucléaire de Taishan, en Chine, a informé son partenaire EDF d’une augmentation de la concentration de certains gaz rares dans le réacteur EPR n°1. L’électricien français, concepteur du réacteur concerné, a annoncé lundi avoir demandé une réunion d’urgence à ce sujet.
Le groupe EDF a annoncé, lundi 15 juin, avoir été informé par son partenaire chinois d’une augmentation de la concentration de certains gaz rares dans le réacteur EPR n°1 de la centrale nucléaire de Taishan, située dans la province de Guangdong (sud-est du pays).
L’électricien français a précisé dans un communiqué avoir sollicité la tenue d’un conseil d’administration extraordinaire de TNPJVC – propriétaire et exploitant de cette centrale et coentreprise de EDF (30 %) et de China General Nuclear Power Group (70 %) – afin que les dirigeants de la société exposent l’ensemble des données du problème et présentent les solutions pour y remédier.
Plus tôt dans la journée, la chaîne d’information américaine CNN avait rapporté que le gouvernement des États-Unis avait procédé, la semaine dernière, à des vérifications d’informations faisant état d’une fuite dans cette centrale.
Selon CNN, qui cite des documents qu’elle a pu consulter et des responsables américains ayant requis l’anonymat, l’administration Biden pense que la situation “ne pose pas de risque de sécurité sévère pour les employés de la centrale ou pour la population chinoise”.
La chaîne rapporte pourtant que Framatome, filiale de EDF qui a conçu le réacteur concerné et reste impliquée dans sa gestion, a mis en garde contre une “menace radiologique imminente”. “Sur la base des informations disponibles, le réacteur (était) actuellement dans son domaine de fonctionnement et de sûreté autorisé”, précise le communiqué.
D’après EDF, qui “a pris contact avec les équipes de TNPJVC et apporte son expertise”, “la présence de certains gaz rares dans le circuit primaire est un phénomène connu, étudié et prévu par les procédures d’exploitation des réacteurs”.
Selon un porte-parole du groupe, des analyses préliminaires suggèrent que le problème provient de fuites au niveau de gaines d’assemblages de combustibles, au cœur du réacteur, qui présenteraient des défauts d’étanchéité.
Des problèmes d’étanchéité
Des rejets atmosphériques “maîtrisés” et respectant les normes locales ont été réalisés sur le site, indique aussi EDF, précisant que les premières mesures laissant supposer des problèmes d’étanchéité – dont l’origine reste à déterminer – remontaient à octobre 2020.
Les combustibles de Taishan ont été fabriqués en France par Framatome sur son site de Romans-sur-Isère, dans la Drôme. EDF juge qu’il est prématuré d’envisager un arrêt du réacteur n°1 de Taishan afin de résoudre le problème.
Actionnaire principal de la coentreprise TNPJVC, CGN a de son côté déclaré que les opérations menées sur le site de la centrale respectaient les règles de sécurité et que l’environnement du site était sûr.
“Les données de surveillance régulière montrent que la centrale de Taishan et son environnement immédiat présentent des paramètres normaux”, peut-on lire dans un communiqué publié sur le site de la société dans la nuit de dimanche à lundi.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui dépend des Nations unies, a déclaré qu’à ce stade, elle ne disposait “d’aucune indication selon laquelle un incident radiologique se serait produit” et qu’elle était en contact avec les autorités chinoises.
En France, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) n’avait pas fait de commentaire dans l’immédiat, tandis qu’en Chine, où la journée de lundi était fériée, l’Agence nationale de la sécurité nucléaire n’était pas joignable.
L’EPR de Taishan est le premier de ce type à être entré en service, fin 2018. La centrale dispose d’un deuxième réacteur du même modèle – lui aussi conçu par l’ex-Areva, devenu Framatome et contrôlé par EDF –, dont l’exploitation commerciale a commencé en septembre 2019.
Cette centrale, le projet de coopération sino-française le plus important dans le secteur énergétique, peut fournir au réseau électrique chinois jusqu’à 24 térawatts par an, soit l’équivalent de la consommation annuelle de cinq millions de Chinois.
Elle dessert notamment les zones de Guangzhou et Shenzhen, deux pôles industriels majeurs de la province du Guangdong, qui ont été confrontés à des coupures de courant ces dernières semaines en raison d’une forte chaleur et d’un approvisionnement en énergie hydroélectrique en provenance de la province voisine du Yunnan moins élevé que d’habitude.
CNN a indiqué que la mise en garde de Framatome indiquait que les régulateurs chinois avaient relevé le seuil acceptable de radiations détectées autour de la centrale de Taishan afin d’éviter un arrêt du réacteur concerné.
Quatre autres réacteurs de type EPR sont encore en cours de construction dans le monde : un en Finlande (Olkiluoto), un en France à Flamanville (Manche) et deux au Royaume-Uni (Hinkley Point). EDF ne s’est pas exprimé sur les potentielles conséquences du problème de Taishan sur ses projets.
Avec Reuters