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Avec le gouvernement Bennett, “Israël est entré en terre inconnue, politiquement”

Le parlement israélien a accordé, dimanche, sa confiance au nouveau Premier ministre Naftali Bennett et à un gouvernement qui devra composer avec une majorité hétéroclite. Un échec de la coalition “conduirait immanquablement à de nouvelles élections qui pourraient coûter très cher aux divers partis qui composent ce gouvernement”, estime Charles Enderlin, journaliste spécialiste du Proche-Orient.

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Une page de l’Histoire d’Israël s’est tournée. Dimanche 13 juin, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a été écarté du pouvoir après un vote de confiance du Parlement à une coalition menée par son ancien allié Naftali Bennett, leader de la droite religieuse, et par le centriste Yaïr Lapid.

Hétéroclite et fragile, la coalition gouvernementale, unie par sa seule volonté de chasser Benjamin Netanyahu du pouvoir, devra trouver un terrain d’entente sur les dossiers internes et les dossiers sensibles comme la question palestinienne.

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Composée de deux partis de gauche, deux de centre, trois de droite et de la formation arabe Raam de Mansour Abbas, elle devra tenir pour éviter aux Israéliens un cinquième scrutin législatif en deux ans.

Lors de son dernier discours de Premier ministre devant la Knesset, Benjamin Netanyahu, qui a dirigé le pays de 1996 à 1999 puis de 2009 au 13 juin 2021, a assuré de son côté qu’il reviendrait “bientôt” au pouvoir.

Pour comprendre les enjeux et les défis auxquels doit faire face ce nouveau gouvernement, France 24 a interrogé Charles Enderlin, journaliste et auteur de l’ouvrage “De notre correspondant à Jérusalem. Le journalisme comme identité” (Éd. Seuil, collection Don Quichotte).

France 24 : Les observateurs regardent avec scepticisme la coalition qui vient de chasser Benjamin Netanyahu du pouvoir, notamment en raison de son large spectre idéologique. Pensez-vous qu’elle puisse durer dans le temps ? Quels sont les éléments qui peuvent lui permettre de tenir ?

Charles Enderlin : Ce sont les deux grandes questions. En fait, politiquement, Israël est entré en terre inconnue. C’est une expérience sans précédent. Jamais, les extrêmes de la scène politique n’ont ainsi décidé de gouverner ensemble. C’est la première fois qu’une coalition gouvernementale comprend un parti arabe. En l’occurrence, Raam du mouvement islamique de Mansour Abbas, qui va présider la commission parlementaire de l’Intérieur. Au gouvernement même, le portefeuille de la coopération régionale a été confié à Issawi Freidj, arabe chrétien, député du parti Meretz, social-démocrate. Chaque élément de cette coalition, qui paraît être contre-nature, joue son avenir politique. Un échec conduirait immanquablement à de nouvelles élections qui pourraient coûter très cher aux divers partis qui composent ce gouvernement. L’autre élément qui pourrait contribuer à souder la coalition, c’est l’opposition menée par Netanyahu. Ce dernier a eu des accents trumpistes en jurant de faire tomber ce gouvernement “qui lui a volé l’élection”.

Quels sont les défis qui attendent le gouvernement Bennett ? Et sur quels sujets les différentes composantes de la coalition peuvent-elles s’entendre ?

Droite annexionniste et gauche anti-annexionniste ne peuvent s’entendre que sur le plus petit dénominateur commun : la gouvernance, l’économie, le social, le développement des infrastructures et certaines réformes. Sur tous les autres sujets, les négociations avec les Palestiniens, la colonisation en Cisjordanie, les problèmes fonciers des citoyens arabes d’Israël surtout des bédouins du Neguev, d’éventuelles opérations militaires, les crises seront là.. Les défis ? Le gouvernement Bennett Lapid – et il ne faut pas oublier que c’est un cabinet à deux têtes – n’aura pas 100 jours d’état de grâce. Pas 48 heures. La droite et l’extrême droite ont d’ores et déjà prévu des provocations. Un nouveau défilé de sionistes religieux avec drapeaux dans le quartier musulman de la Vieille ville est déjà prévu mardi. 

Naftali Bennett se targue d’être plus à droite que Benjamin Netanyahu et rejette toute idée d’État palestinien, quand Yaïr Lapid se dit favorable à la solution à deux États. Faut-il s’attendre à des changements ? Comment voyez-vous l’avenir du processus israélo-palestinien ?

Je crois qu’en ce qui concerne les déclarations de Naftali Bennett, il y a un avant et un après son arrivée à la présidence du conseil. Le Bennett qui donne l’accolade à Mansour Abbas et préside un gouvernement avec, pour la première fois, la participation d’Arabes israéliens, n’est plus le même que celui qui se considérait plus à droite que Benjamin Netanyahu. De même, si Netanyahu vomit la gauche, le parti travailliste et Meretz, Bennett les a, lui, dans son gouvernement. Le dossier palestinien devra rester sur un feu très doux pour permettre aux annexionnistes et anti-annexionnistes de cohabiter. Naftali Bennett a justement parlé de développement économique pour les Palestiniens… Le Hamas restera-t-il les bras croisés, interviendra-t-il pour torpiller le nouveau gouvernement israélien ? C’est fort possible. Les islamistes ont toujours agi contre les gouvernements modérés en Israël.

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