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Nouveau médicament autorisé contre Alzheimer : des espoirs et des incertitudes

L’Aduhelm, produit par le laboratoire Biogen, est le premier médicament contre la maladie d’Alzheimer à avoir reçu une autorisation de commercialisation aux États-Unis depuis 2003. C’est aussi le premier à s’attaquer aux causes de la maladie. Mais pour une partie de la communauté scientifique, son bénéfice pour les patients n’a pas été démontré.

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C’est une première depuis près de vingt ans. Les autorités sanitaires américaines ont autorisé, lundi 7 juin, un nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer fabriqué par le laboratoire Biogen. 

Baptisé Aduhelm, ce traitement à base d’anticorps était très attendu par les associations de patients qui ne voyaient rien venir de nouveau depuis 2003. Mais la mise en vente a été accueillie fraîchement par une partie de la communauté scientifique qui craint que la FDA (la Food and Drug Administration, le gendarme américain des médicaments) ne soit allée un peu vite en besogne.

Un médicament qui s’attaque à l’origine supposée de la maladie

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“C’est très important pour la recherche scientifique car c’est la première solution thérapeutique qui agit sur les causes profondes de cette maladie dégénérative”, souligne Tara Spires-Jones, directrice adjointe du Center for Discovery Brain Sciences de l’Université d’Edimbourg et directrice d’un groupe de recherche au  UK Dementia Research Institute, contacté par France 24. 

Jusqu’à présent, tous les médicaments disponibles s’attaquent aux symptômes de cette maladie – comme la perte progressive de la mémoire et les difficultés de s’exprimer ou réflechir – et cherchent à les atténuer. Un traitement qui prendrait le mal à la racine, permettant potentiellement de ralentir le processus dégénératif, offrirait une nouvelle lueur d’espoir au plus de 30 millions de patients atteints d’Alzheimer dans le monde.

“D’un point de vue biologique, les résultats de l’Aduhelm sont assez spectaculaires : cet anticorps fait exactement ce qu’on lui demande, c’est-à-dire qu’il détruit les plaques amyloïdes dans le cerveau”, constate Vincent Planche, spécialiste de la maladie d’Alzheimer et clinicien à l’université de Bordeaux, contacté par France 24. Ces plaques, créées par l’accumulation des protéines bêta-amyloïde produites dans le cerveau, sont depuis le début des années 1990 le principal suspect dans l’apparition de la maladie d’Alzheimer.

“On parle de cascades amyloïdes pour désigner cette hypothèse explicative de la maladie”, précise Vincent Planche. Pour schématiser, d’après cette théorie dominante, les plaques amyloïdes jouent le rôle d’un déclencheur qui agit sur une autre substance dans le cerveau, les protéines tau, chargées, elles, de faire le sale boulot “d’assassins des neurones”, précise Tara Spires-Jones.

“Cela faisait maintenant plus de 15 ans qu’on essayait sans succès de s’attaquer avec des anticorps à cette origine supposée de la maladie”, souligne Gilles Bonvento, spécialiste des maladies neurodégénératives à l’Institut de biologie François Jacob du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternative (CEA),  contacté par France 24. Les problèmes étaient multiples : il fallait trouver le bon anticorps, le bon dosage ou encore trouver les “bons patients”, car un traitement peut avoir des effets très différents selon l’avancement de la maladie.

L’administration des anticorps peut aussi avoir des effets secondaires importants. Il y a eu des cas d’hémorragies et d’attaques cérébrales, ainsi que des encéphalites, qui ont entraîné l’arrêt de plusieurs essais cliniques de médicaments.

Des résultats controversés

L’Aduhelm de Biogen, lui, a passé ce test et il a été jugé “sûr” après deux phases d’essais cliniques. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle la FDA américaine lui a accordé une autorisation de mise sur le marché, en précisant que les “bénéfices attendues sont plus importants que les risques”.

Mais le problème, justement, est que les bénéfices pour les patients sont loin d’être établis avec certitude. Le comité d’experts scientifiques réunis pour conseiller la FDA sur l’autorisation avait d’ailleurs rendu un avis négatif quant à sa commercialisation.

“Les données fournies [par le laboratoire] ne sont pas évidentes quant à l’effet sur le ralentissement des symptômes de la maladie”, résume Gilles Bonvento. En fait, tout le processus de développement de ce médicament a été “un imbroglio pas possible”, souligne Vincent Planche. 

L’Aduhelm a, d’abord, eu des effets très positifs chez l’animal. Biogen est ensuite passé à la phase de tests sur l’homme en changeant plusieurs fois le protocole, “ce qui n’est jamais bon signe”, note Vincent Planche. Le laboratoire a conduit deux essais pendant 18 mois avec près de 4 000 participants et a fourni des résultats intermédiaires à un centre d’analyse indépendant. Ce dernier a rendu une sentence très sévère jugeant que le médicament “n’apportait aucun bénéfice” aux patients.

Mais Biogen a, par la suite, récupéré les résultats, y a ajouté des données supplémentaires issues des essais et a assuré que l’un des tests, durant lequel les patients avaient reçu une dose importante de l’anticorps, montraient un léger ralentissement des symptômes. 

C’est probablement ce qui a convaincu la FDA, pressé par les associations de patients, de passer outre les recommandations de son propre comité d’experts. Le gendarme du médicament a, cependant, enjoint Biogen à mener un nouvel essai clinique pour confirmer les données, laissant planer la possibilité d’un retrait de l’autorisation en cas de résultats décevants.

D’autres pistes à explorer ?

Mais pour plusieurs experts, le mal est déjà fait. Le feu vert de la FDA va donner l’impression d’un nouvel espoir à des millions de patients alors “qu’il faut être clair que ce médicament va, au mieux, procurer un petit bénéfice à un nombre restreint des patients triés sur le volet”, souligne John Harding, professeur de neuroscience à l’University College de Londres, interrogé par le site Science Media Center

“Le communiqué de la FDA n’indique, en effet, pas à quelle étape de la maladie ce traitement est censé être efficace, ce qui est rare”, souligne Tara Spires-Jones. Tout indique pourtant que c’est un médicament pour des patients à “un stade très précoce de la maladie lorsqu’il n’y a pas encore trop de plaques amyloïdes”, assure Vincent Planche.

Le problème est que “souvent lorsque les patients ressentent les premiers symptômes, c’est déjà trop tard”, note Tara Spires-Jones. L’Aduhelm pourrait donc être un médicament efficace surtout pour des malades qui s’ignorent…

La décision de la FDA peut aussi donner l’impression qu’agir sur les plaques amyloïdes est la seule piste de recherche valable, “alors qu’il y a encore beaucoup de choses dont on n’est pas sûrs dans le fonctionnement de cette maladie”, souligne Sylvie Lorthois, une bio-mécanicienne au CNRS qui a travaillé sur la maladie d’Alzheimer.

Pour elle, le fait que l’Aduhelm réussisse à réduire les plaques amyloïdes sans pour autant avoir d’effets clairs et nets sur les symptômes devrait pousser les scientifiques à explorer d’autres pistes. Car, finalement, la solution pourrait provenir d’une combinaison de traitements qui agiraient à la fois sur ces plaques et sur d’autres facteurs, comme la protéine tau ou les problèmes de circulation sanguine chez les patients atteints d’Alzheimer. En clair, elle espère que l’autorisation de ce traitement ne soit pas un aboutissement, mais marque plutôt le début d’une nouvelle dynamique. 

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