Gisèle Halimi, avocate, militante féministe et femme politique franco-tunisienne, est décédée mardi à l’âge de 93 ans, a annoncé sa famille le même jour. Elle s’était battue tout au long de sa vie pour défendre les femmes et notamment le droit à l’avortement.
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L’avocate et ancienne députée Gisèle Halimi, qui a consacré sa vie à la cause des femmes et au droit à l’avortement, est décédée mardi 28 juillet, au lendemain de son 93e anniversaire, a annoncé sa famille.
“Elle s’est éteinte dans la sérénité, à Paris”, a déclaré à l’AFP l’un de ses trois fils, Emmanuel Faux, estimant que sa mère avait eu “une belle vie”. “Sa famille est autour d’elle”, a ajouté M. Faux. “Elle a lutté pour arriver à ses 93 ans”.
Issue d’une famille modeste, Gisèle Halimi est née le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie. Avocate engagée, elle se fait notamment connaître lors du procès emblématique de Bobigny, en 1972, où elle défend une mineure jugée pour avoir avorté suite à un viol.
Gisèle Halimi vient de mourir à l’âge de 93 ans.
Le droit à l’avortement, l’abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l’homosexualité… Elle a consacré sa vie à défendre ces causes. Voici son histoire. pic.twitter.com/IlFOnRKxIE
— Brut FR (@brutofficiel) July 28, 2020
“L’injustice m’est physiquement intolérable”
Licenciée en droit et en philosophie à Paris, élève de Sciences-Po, la jeune femme s’inscrit au barreau de Tunis en 1949 et défend des syndicalistes et des indépendantistes tunisiens.
C’est là le premier volet de sa carrière professionnelle, poursuivi à Paris et en Algérie où elle devient l’un des principaux avocats des militants du Front de libération nationale (FLN).
Elle dénonce l’usage de la torture par les militaires français, ce qui lui vaudra une arrestation et une brève détention. “L’injustice m’est physiquement intolérable”, disait-elle souvent. “Toute ma vie peut se résumer à ça. Tout a commencé par l’Arabe qu’on méprise, puis le juif, puis le colonisé, puis la femme”, confiait-elle au JDD en 1988.
En 1971, elle fonde “Choisir la cause des femmes”, (ou, en abrégé, “Choisir” ou “La cause des femmes”) aux côtés notamment de Simone de Beauvoir et Jean Rostand. Amie de Jean-Paul Sartre, elle prendra la présidence de cette association à la mort de Simone de Beauvoir (1986).
Elle est une des signataires du retentissant manifeste des 343 femmes qui déclaraient publiquement avoir avorté (1971).
Le procès de Bobigny
Dès l’année suivante, elle défend devant le tribunal correctionnel de Bobigny Marie-Claire Chevalier, mineure accusée d’avoir eu recours à un avortement après un viol.
À l’occasion de ce procès emblématique, le grand public découvre cette femme à l’allure toujours impeccable qui fait citer un aréopage de personnalités littéraires et scientifiques venues dénoncer un procès d’un autre âge.
Elle obtient la relaxe de la jeune femme et parvient à mobiliser l’opinion, ouvrant la voie à la dépénalisation de l’avortement, début 1975, avec la loi Veil.
Carrière politique
Élue députée de l’Isère (apparentée PS) en 1981, elle poursuit son combat à l’Assemblée, cette fois-ci pour le remboursement de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), finalement voté en 1982. Avant de prendre ses distances avec le Parti socialiste après son élection à l’Assemblée.
En 1998, elle fait partie de l’équipe qui crée Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne).
En 1995, elle prend la tête, avec notamment l’ancien ministre socialiste de la Justice Robert Badinter, du comité français de soutien à Sarah Balabagan, une jeune domestique philippine condamnée à mort aux Émirats arabes unis pour le meurtre de son employeur qui abusait d’elle.
Par la suite, elle interviendra fréquemment pour s’inquiéter de la fermeture de plusieurs centres d’IVG en région parisienne (2009), dénoncer l'”indécent” retour médiatique de Dominique Strauss-Kahn (2011) – après l’abandon par la justice américaine des poursuites pénales le visant dans l’affaire de Sofitel – ou défendre la pénalisation des clients de prostituées (2011).
Une très grande féministe nous a quittés. Rebelle infatigable, militante engagée, Gisèle Halimi s’est battue toute sa vie pour améliorer le sort des femmes. Nous savons ce que nous lui devons. L’héritage de ses combats nous oblige. Mes pensées émues à ses proches. pic.twitter.com/L7D4TsIpmm
— Élisabeth Moreno (@1ElisaMoreno) July 28, 2020
Carrière littéraire
Parallèlement à sa carrière d’avocate, elle a mené une carrière d’écrivain. Parmi sa quinzaine de titres, figurent “Djamila Boupacha” (1962), du nom d’une militante emblématique du FLN, et une oeuvre plus intimiste comme “Fritna”, sur sa peu aimante mère (1999), “pratiquante juive totalement ignorante”.
Mère de trois garçons, dont Serge Halimi, directeur de la rédaction du Monde diplomatique, elle a confié qu’elle aurait aimé avoir une fille pour “mettre à l’épreuve” son engagement féministe. “J’aurais voulu savoir si, en l’élevant, j’allais me conformer exactement à ce que j’avais revendiqué, à la fois pour moi et pour toutes les femmes”, a-t-elle dit au Monde en 2011.
Dans une longue interview accordée au journal Le Monde en septembre 2019, la nonagénaire s’étonnait encore que “les injustices faites aux femmes ne suscitent pas une révolte générale”.
Sa rébellion était « viscérale », déjà une grève de la faim à 10 ans: «Il n’était pas question que je fasse les tâches ménagères dont mes frères étaient exemptés. Plutôt mourir ! Et mes parents ont cédé. Ce fut au fond ma première victoire féministe. » 🔥 https://t.co/kWoWfWMBcI
— Pélénope Bagieu (@PenelopeB) July 28, 2020
Avec AFP