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Quand l’Etat résout la saturation du réseau d’accueil par l’exclusion de certains bénéficiaires, présentés à tort comme des abuseurs

La Ministre de l’asile et de la migration a décidé d’exclure de l’accueil certaines catégories de demandeurs de protection internationale. Notre pays est pourtant tenu légalement d’accueillir les demandeurs de protection internationale pendant leur procédure.

Deux catégories de personnes sont visées : elles sont présentées à tort comme abusant de la procédure ou du système d’accueil.

Il s’agit d’abord de migrants concernés par la procédure ‘Dublin’, entrés dans l’Union européenne par un Etat désigné responsable de leur demande de protection, et qui sollicitent une protection de la Belgique. Le Règlement Dublin prévoit dans ces cas que l’Etat qui n’est pas responsable (ici la Belgique) transfère les personnes dans les six mois vers l’Etat qui est responsable. Une fois le délai de transfert expiré, et à la condition que la personne ait signalé son adresse légale à l’Office des étrangers, la Belgique devient responsable de l’examen de sa demande de protection. Contrairement aux affirmations de la Ministre, ces demandeurs de protection ne sont ni des fraudeurs, ni des abuseurs. En application du Règlement Dublin, ils ont le droit de demander l’asile en Belgique et donc d’être accueillis dans le réseau de Fedasil.

Parmi ces personnes, il y a notamment des migrants passés par le camp surpeuplé de Moria en Grèce, connu pour le désespoir qui y règne et le nombre de tentatives de suicide des personnes qui y sont détenues… Devant l’absence de perspectives en Grèce, ces personnes tentent parfois de rejoindre la Belgique pour que leur demande de protection soit examinée dans un délai raisonnable. Rappelons que les camps de détention grecs comme Moria sont connus pour leurs conditions d’accueil non conformes à la dignité humaine, que des femmes y sont renvoyées dans des tentes avec leurs nouveau-nés peu de temps après avoir accouché, que l’accès aux soins de base et spécifiques y est systématiquement refusé à de très nombreuses personnes, que beaucoup de demandeurs de protection internationale n’y reçoivent aucune assistance juridique, que certains doivent attendre plus de deux ans avant d’avoir un rendez-vous avec l’instance d’asile…

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Il s’agit aussi de personnes qui ont obtenu le statut de protection dans un autre Etat européen et qui présentent une demande de protection en Belgique, parce qu’elles ne sont pas en sécurité dans ce pays, ou qu’elles y font l’objet de fortes discriminations. Le Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides (CGRA) peut traiter leur demande de protection selon une procédure accélérée. Un nouveau statut de protection peut être leur octroyé si elles démontrent que les conditions de vie dans l’État où elles avaient reçu un statut constituent un traitement inhumain et dégradant contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme.  On pense notamment au jeune Erythréen qui s’est donné la mort au centre fermé de Vottem en octobre 2017. Il était reconnu réfugié en Bulgarie, où il avait été victime d’une tentative de meurtre à coup de hache en raison de sa couleur de peau. La Belgique avait malgré tout décidé de l’y renvoyer.

Non seulement ces deux catégories de personnes n’abusent pas de la procédure d’asile, mais c’est au CGRA, et non aux structures d’accueil, de décider sur leur besoin de protection après un examen individualisé de leur dossier. Certes, Fedasil connaît une saturation réelle de son réseau d’accueil et craint de ne pas réussir à accueillir tous les demandeurs de protection internationale. Mais cette situation est la conséquence de la non anticipation des décisions politiques et du délai extrêmement long de la procédure. Plutôt que de prendre ses responsabilités, l’Etat vise deux groupes de demandeurs de protection internationale et les exclut du système d’accueil.

Sachant qu’une partie de ces demandeurs sont actuellement hébergés par des citoyens, l’Etat décide d’augmenter la charge assumée par ceux-ci et les contraint à héberger des demandeurs d’asile tout au long de leur procédure alors que, selon la loi, ils ont droit à l’accueil. La Ministre choisit de priver des personnes de leurs droits parce qu’elle n’arrive pas à gérer le réseau d’accueil « en bon père de famille ».

La loi accueil de 2007 énumère (article 4) les cas dans lesquels Fedasil peut limiter ou, exceptionnellement, retirer le droit à l’aide matérielle. Les deux groupes visés par les mesures annoncées ne figurent pas dans la loi. Il n’y a donc pas de base légale à la décision prise par l’Etat. Ces mesures sont pourtant reprises par Fedasil dans une instruction du 3 janvier 2020[1].

Nous exigeons qu’une place d’accueil adaptée soit offerte à toute personne présentant une première demande de protection internationale en Belgique, y compris les personnes ayant déjà un statut de protection dans un autre État membre et celles pour lesquelles la Belgique a été désignée comme responsable (fin du délai de six mois) dans le cadre du règlement de Dublin III.

Si le réseau est saturé, nous demandons qu’un logement provisoire soit offert aux demandeurs jusqu’à ce qu’une place adaptée soit désignée.

Nos organisations accompagneront de près les personnes visées par ces mesures et étudient la possibilité de les contester auprès des instances compétentes.

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