Le 23 octobre 1942 débutait la seconde bataille d’El Alamein, un épisode de la guerre du désert considéré comme l’un des tournants de la Seconde Guerre mondiale. Cette bataille marque une victoire importante des Alliés mené par le général Montgomery face à l’Afrikakorps du maréchal Rommel.
“Le silence fut rompu par le premier tir de barrage de la principale offensive d’El Alamein, qui commença à 9 h 40 du soir avec les milliers de canon de Montgomery pilonnant les positions ennemies. Les éclairs des canons soigneusement synchronisés qui prenaient part à l’opération Lightfoot flamboyèrent dans la nuit. On se serait cru en plein jour. Le ciel du désert s’embrasa des lumières des explosions et des feux traçants. (…) Il s’agissait d’un monumental requiem de guerre parfaitement orchestré”. Dans ses Mémoires “Tant que dure le jour” (éditions Plon), Susan Travers, membre des Forces françaises libres, raconte le début de la seconde bataille d’El Alamein auquel elle participe le 23 octobre 1942.
Ce n’est pas la première fois que les forces alliées sont opposées aux troupes allemandes dans ce coin de désert égyptien, à une centaine de kilomètres seulement à l’ouest d’Alexandrie. Quelques mois auparavant, en juillet, les deux camps s’étaient déjà opposés au même endroit, mais sans vainqueur ni vaincu. À la tête des forces de l’Axe, le maréchal Rommel, surnommé “le renard du désert”, ne manque toutefois pas d’ambition après plusieurs succès face aux Britanniques même si la situation de l’Afrikakorps est de plus en plus délicate. Comme le souligne Benoît Rondeau, auteur notamment de “La Guerre du désert” (éditions Caraktere), il se voit “en conquérant de l’Égypte, sur les traces d’Alexandre ou de Bonaparte”. “Le plan de Rommel prévoit de détruire la 8th Army à El Alamein, foncer et s’emparer du Caire, puis de Suez et de Port-Saïd, avant de contraindre les défenseurs d’Alexandrie à la reddition”, ajoute cet historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale.
L’opération “Lightfoot”
Mais face à lui se dresse le général britannique Montgomery qui, sous la pression du Premier ministre britannique Winston Churchill, déclenche une contre-offensive à l’automne 1942 baptisée “Lightfoot”. “L’effort principal sera lancé au nord par le XXXe Corps du général Leese et le Xe Corps du général Lumsden) pendant que des diversions seront lancées au sud par le XIIIe Corps du général Horrocks. L’objectif du XXXe Corps est de s’emparer de la crête de Miteiriya. Les blindés du Xe Corps (deux fois plus de chars que l’Afrikakorps) emprunteront alors les couloirs déminés pour se déployer et repousser la contre-attaque attendue de l’Afrikakorps”, décrit Benoît Rondeau.
En quelques mois, la VIIIe armée britannique s’est considérablement renforcée. Une préparation minutieuse a également été élaborée dont une opération d’intoxication visant à tromper l’ennemi. “La manœuvre ‘Martello’ permet ainsi de masquer des zones de rassemblement. Un faux pipeline et de faux dépôts sont édifiés dans le sud. Des engins factices (8 400 pour l’ensemble de l’opération) sont concentrés au nord du front”, explique l’auteur de “L’épopée du désert, la 8e armée britannique” (éditions Ysec).
Cette seconde bataille, à laquelle participe quelques effectifs des Forces françaises libres sur le flanc sud, est déclenchée le 23 octobre. Le moment est propice car le maréchal Rommel est absent, en déplacement à Berlin. Mais comme le résume Benoît Rondeau, “la percée britannique a été difficilement acquise”. Les pertes britanniques sont élevées lors des deux premiers jours et le front allemand n’a pas été encore percé. Mais en face, la situation n’est guère meilleure. Allemands et Italiens font face à des problèmes de ravitaillement et de manque de troupes fraîches, alors que les réserves des Alliés sont importantes.
Le repli de Rommel
Le 25 octobre, le maréchal Rommel reprend finalement le commandement de son armée et lance une contre-attaque qui se termine par un échec. “Si les choix tactiques de Rommel s’expliquent mais sont discutables, la victoire n’est possible qu’en l’absence d’une volonté absolue de vaincre en face. Or cette volonté, Montgomery la possède indubitablement, et il est prêt à tous les sacrifices pour cela”, souligne l’historien.
En quelques jours, la situation des forces de l’Axe devient insoutenable. Rommel est pessimiste et se résigne au repli. Cette proposition est inacceptable pour Hitler, qui lui adresse un message le 3 novembre : “L’ordre, fameux, enjoint à l’Afrikakorps de combattre sur place jusqu’à la ‘victoire ou la mort’. Au grand dam de ses officiers, Rommel, discipliné, obéit. Il enrage de ne pas profiter de l’inaction des Britanniques pour extirper ses troupes du piège qui les menace. Il décide finalement de passer outre les instructions du Führer”. Rommel donne alors l’ordre de retraite immédiate le lendemain “pour tenter de sauver ce qui pouvait encore être sauvé”, écrira-t-il plus tard.
La légende d’El Alamein
À Londres, la victoire est retentissante. Winston Churchill prononce cette phrase restée célèbre : “Ce n’est pas la fin, ni même le commencement de la fin ; mais c’est la fin du commencement”. Pour beaucoup, la seconde bataille d’El Alamein marque ainsi un tournant lors de la Seconde Guerre mondiale.
“Elle bénéficie du fait qu’elle s’incruste dans un contexte de basculement de la guerre en faveur des Alliés sur les autres fronts : Stalingrad à l’Est, Guadalcanal dans le Pacifique, succès confirmés au premier semestre 1943 avec les défaites de l’Axe à Stalingrad et en Tunisie et la victoire, après d’âpres combats, sur les U-Boote [sous-marins de guerre, NDLR] dans l’Atlantique en mai”, estime pour sa part Benoît Rondeau qui souligne au contraire que c’est la première bataille d’El Alamein, menée alors par le général britannique Auchinleck, qui s’est avérée plus déterminante : “Une conquête de l’Égypte par l’Axe se serait traduite par de lourdes conséquences. L’aspect décisif de la seconde bataille réside dans le fait que les espoirs de conquête de l’Axe sont définitivement brisés : il n’y aura pas de retour de balancier et l’initiative appartient désormais aux Alliés, qui consacrent des moyens conséquents à la campagne.”
El Alamein entre dans la légende. Le général Montgomery devient une des plus importantes figures de la Seconde Guerre mondiale, toujours aussi vénérée outre-Manche. “Le Royaume Uni, qui avait subi de nombreux revers depuis 1940, avait alors besoin d’un héros et d’une bataille rédemptrice”, résume l’historien. “L’Histoire a su rendre justice à Claude Auchinleck et à l’importance de la première bataille d’El Alamein, livrée en juillet 1942. Ces victoires en Égypte illustrent sans ambages combien l’Empire britannique a contribué à la victoire finale sur les forces de l’Axe. Néanmoins, les mythes ont la vie dure et, dans l’esprit du grand public, la bataille d’El Alamein n’a eu lieu qu’en octobre-novembre 1942 et restera encore pour longtemps associée à Montgomery et au tournant de la Seconde Guerre mondiale.”