À Bruxelles s’est tenu en fin de semaine un Conseil des 27 particulièrement mouvementé sur la crise de l’énergie. Si les Européens ont engagé huit rounds de sanctions contre la Russie depuis son invasion de l’Ukraine, les citoyens s’inquiètent des conséquences sur leur économie. L’UE a-t-elle les moyens de sa diplomatie et quel message envoie-t-elle au monde ? Nous en parlons avec le chef des diplomates européens, Stefano Sannino, secrétaire général du Service européen pour l’action extérieure (SEAE).
Alors que la guerre fait rage en Ukraine avec la contre-offensive de l’armée russe pilonnant les installations civiles, Stefano Sannino insiste sur l’importance de la diplomatie. “Il faut distinguer ce qu’on appelle diplomatie” car, pour lui, celle-ci prend plusieurs formes. “Elle a trouvé sa place. On a soutenu l’Ukraine du point de vue militaire, économique, financier, politique, aussi en accordant à l’Ukraine le statut de candidat à l’Union européenne et en isolant la Russie avec une série de sanctions : ça aussi, c’est de la diplomatie.” S’il faut viser la fin de ce conflit, “il faut le faire dans des conditions qui soient justes pour que ce ne soit pas une capitulation”.
S’il comprend les inquiétudes face aux menaces nucléaires proférées par la Russie, “j’espère, je crois qu’il y a encore une rationalité dans la façon dont la Russie mène sa bataille”, indique-t-il.
Sur le prix du gaz, qui a occupé une grande partie du sommet européen et a donné lieu à un accord difficile sur son plafonnement, le secrétaire général du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) préfère minimiser les divergences du tandem franco-allemand, indiquant que les ministres de l’Énergie doivent poursuivre la discussion et faire un effort de bonne foi. Il reconnaît cependant qu'”il y a des sensibilités différentes. La France est presque indépendante d’un point de vue énergétique, l’ Allemagne ne l’est pas et a besoin de s’approvisionner. C’est la préoccupation du chancelier Scholz.”
Mais pour Stefano Sannino, il faut trouver un accord pour qu’un pays comme l’Allemagne, central au sein de l’UE, ne se retrouve pas isolé.
“Situation difficile” avec l’Iran
À propos des drones iraniens utilisés en Ukraine, le diplomate italien confirme : “Nos services de sécurité nous ont donné des indications claires sur l’origine de ces drones, cela a été la base des sanctions contre l’Iran.”
Il admet une “situation difficile dans nos relations avec l’Iran”. Pour lui, l’Europe doit défendre ses valeurs “même si le pays se rapproche de la Russie. Cela ne nous empêche pas de donner notre position sur les droits de l’Homme.”
Après la Conférence des ambassadeurs, Stefano Sannino souligne le rôle prééminent d’information des diplomates. S’il est vrai que les Européens n’avaient pas prévu l’invasion russe telle qu’elle s’est produite, ils avaient pourtant compris que Moscou voulait lancer des opérations militaires. “On a commencé à travailler en décembre dans cette direction sur les sanctions avec nos partenaires américains et britanniques (…). Ce n’est pas un miracle si on a réussi en deux jours à approuver des sanctions et à soutenir l’effort militaire.” Selon lui, c’est le résultat d’un travail en amont : “Les services et les diplomates ont fait ce qu’ils devaient faire.”
La diplomatie a évolué, constate Stefano Sannino : “Elle ne passe pas uniquement par le terrain militaire, elle utilise aussi l’énergie, l’information, les cyberattaques. Il faut avoir des instruments de lecture assez sophistiqués.”
Le défi chinois
Outre-Manche, après la démission de la Première ministre britannique Liz Truss, Stefano Sannino espère que le Royaume-Uni va retrouver la stabilité nécessaire à une meilleure coopération avec l’UE.
Enfin, le diplomate européen prône le pragmatisme face au partenaire incontournable que représente la Chine. “Mais il faut éviter, précise-t-il, d’être trop faible et dépendant dans certains secteurs trop exposés – comme cela a été le cas pour l’énergie avec la Russie – pour ne pas trop dépendre des importations.”
Il faut faire face, explique Stefano Sannino, au défi de la concurrence chinoise “qui n’est pas seulement économique mais aussi politique sur les droits de l’Homme ou la coopération avec les pays tiers”.
Émission préparée par Isabelle Romero, Sophie Samaille et Perrine Desplats.