Publié le : 19/10/2022
Lancée au début de l’été 2022, la plateforme de l’association Women for women France se pose en référence de l’accompagnement des femmes étrangères victimes de violences conjugales, notamment grâce à ses déclinaisons en 16 langues. Les femmes peuvent y trouver des informations sur les moyens d’obtenir une aide matérielle mais aussi sur les démarches judiciaires qu’elles peuvent engager contre leurs conjoints violents.
Quand Alia a quitté la Tunisie, elle se réjouissait de s’installer en France avec son mari. Mais ce dernier est devenu violent et Alia a dû quitter le domicile conjugal pour se protéger. “On vivait dans le nord de la France, dans le Pas-de-Calais. Le 24 avril 2018, je me suis enfuie et j’ai trouvé refuge dans un foyer social. On m’a aidée à effectuer des démarches administratives pour que je puisse rester en France. J’ai envoyé un dossier à la préfecture pour obtenir un titre de séjour ‘vie privée et familiale’ qui expliquait que j’étais victime de violences conjugales”, avait-elle raconté à InfoMigrants en avril dernier.
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Dans la foulée, la jeune femme décide de porter plainte contre son mari violent. Mais celle-ci est classée sans suite. Alia estime que c’est parce qu’elle n’a pas su expliquer correctement la gravité des coups qu’elle endurait. “J’étais perturbée à cette époque-là. Et je ne parlais pas encore très bien le français. J’ai mal expliqué mon histoire, sûrement”, nous avait-elle confié. La jeune femme qui avait également fait une demande de protection auprès de l’État français s’est vue déboutée par la préfecture au motif que son témoignage “[manquait] de preuves”.
Ce dont aurait eu besoin Alia à l’époque, c’est d’être conseillée dans le dépôt de sa plainte et le recueil des preuves des violences subies. Comme elle, faute de parler suffisamment bien le français et de connaître leurs droits, les femmes étrangères victimes de violences conjugales ont souvent plus de mal que les autres à être protégées et à obtenir justice.
Collaboration avec la police et la gendarmerie nationales
C’est pour les aider à se défendre et à trouver de l’aide que Sarah McGrath, une Australienne installée en France, a créé l’association Women for women France en 2018. Quatre ans plus tard, au début de l’été 2022, le site web de l’association a été lancé et il s’est vite imposé comme un outil indispensable pour la protection des femmes étrangères victimes de violences conjugales.
Disponible en 16 langues, dont le français, l’anglais et l’arabe, le site donne des informations vérifiées par des experts (commissaire de police, avocates, consultantes…) pour faire face aux différentes situations que peuvent rencontrer ces femmes : dépôt de plainte, garde d’enfants, santé sexuelle, logement, indépendance financière…
“Nous travaillons avec la police et la gendarmerie nationales pour améliorer la prise en charge des femmes étrangères” pour les dépôts de plainte et de mains courantes, explique à InfoMigrants Sarah McGrath. Cette collaboration a notamment permis de mettre au point une lettre type qu’une étrangère peut présenter dans un commissariat si elle ne parle pas le français.
“Beaucoup nous disaient : ‘Je veux juste me sentir en sécurité'”
C’est à partir d’une enquête réalisée auprès de femmes ayant subi des violences conjugales que Sarah McGrath et son équipe ont imaginé le fonctionnement de la plateforme Women for women France. Elles ont interrogé ces femmes sur leurs besoins. “Peu d’entre elles nous parlaient alors de justice, la plupart exprimaient des besoins très pratiques comme celui d’être hébergées. Beaucoup nous disaient : ‘Je veux juste me sentir en sécurité'”, se souvient Sarah McGrath. “La moitié du site web concerne donc des éléments pratiques.”
Ouarda Sadoudi, présidente de l’association Home, qui héberge et accompagne des femmes victimes de violences conjugales et intrafamiliales dans le Val-de-Marne, ne risque pas de démentir. “Les femmes viennent nous voir en premier lieu pour ces questions pratiques”, souligne cette experte de l’accès aux droits qui a participé à la création de la plateforme.
Est-ce que je peux ouvrir un compte en banque ? Est-ce que je peux consulter le compte de la CAF ? Est-ce que j’ai le droit à la garde de mes enfants ? Est-ce que je peux avoir un logement étudiant si je reprends mes études ? Autant de questions que Ouarda Sadoudi entend régulièrement et auxquelles la plateforme donne désormais des réponses.
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Les femmes étrangères dans ces situations sont, par ailleurs, confrontées à la peur d’être expulsées si elles se trouvent en situation irrégulière. Pourtant, depuis 2016, une femme sans-papiers victime de violences conjugales peut bénéficier de plein droit d’un titre de séjour ou de son renouvellement. En 2021, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait également demandé aux préfets de régulariser les femmes sans-papiers victimes de tels abus.
Des solutions sont donc possibles, à condition d’en être informées. “Certaines femmes viennent de pays où le droit est très différent du droit français, comme les femmes japonaises ou bien celles originaires de pays anglo-saxons, donc il faut bien leur expliquer les procédures. Nous rencontrons aussi beaucoup de Maghrébines et d’Africaines qui pensent qu’elles n’ont aucun droit et qui se basent sur la loi en vigueur dans leur pays d’origine”, constate Ouarda Sadoudi. “Les femmes connaissent mal leurs droits.”