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“Soudain, nous étions piégés” : à l’université Sharif, la répression “apocalyptique” des Bassidjis

Depuis la rentrée universitaire en Iran le 1er octobre, les étudiants manifestent eux aussi contre le régime. Des vidéos documentent la répression brutale de cette mobilisation par les forces de sécurité dans les universités. Selon des étudiants, des dizaines de personnes ont été blessées par des coups et des tirs de fusil à pompe et des dizaines d’autres arrêtées. Notre Observatrice, étudiante à l’université Sharif à Téhéran, la plus prestigieuse du pays, raconte.

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Presque toutes les grandes universités iraniennes se sont jointes aux manifestations généralisées déclenchées par la mort de Mahsa Amini, une jeune femme de 22 ans, après son arrestation par la police des mœurs. Selon des organisations de défense des droits de l’Homme, 106 étudiants ont été arrêtés, un chiffre qui n’inclut pas ceux de l’université Sharif le 2 octobre, où le bilan n’est pas encore clair.


À l’université Azad de Punak, un quartier du nord-ouest de Téhéran, des étudiants fuient les forces de sécurité qui leur tirent dessus avec des fusils à pompes. Vidéo prise le 1er octobre 2022.

Les forces de sécurité iraniennes – en particulier les Bassidjis, la branche paramilitaire des Gardiens de la révolution – ont depuis début octobre brutalement réprimé les manifestations dans les universités du pays, notamment à l’université Sharif et à l’université Azad de Punak, à Téhéran, et à l’université de Tabriz (nord-ouest). Leurs armes : matraques, fusils à pompe, fusils de paintball, rapportent nos Observateurs. 

Le 2 octobre, l’université Sharif a été confrontée à l’une des répressions de manifestations étudiantes les plus sévères de ces dernières années. Au point que les milices Bassidjis de l’université de Sharif, qui avaient affronté les manifestants, ont publié une déclaration publique le 4 octobre “condamnant” la violence contre les étudiants et ajoutant : “Le moins que [les forces de sécurité] puissent faire est de garantir que ces violences ne se reproduiront plus jamais et de réparer les dommages moraux et économiques causés aux étudiants et aux enseignants qui ont été victimes de ces violences”.


Des femmes manifestant à l’université Ferdowsi, à Machhad, en Iran, enlèvent et l’agitent en l’air lur foulard, dans cette vidéo prise le 1er octobre 2022.


Des étudiants de l’université d’Ispahan scandent “Non au foulard ! Non à la violence ! Liberté et égalité !” dans une vidéo prise le 1er octobre 2022.

“Ils ne peuvent pas gagner, nous ne le permettrons pas, pas cette fois”

Jina (pseudonyme) est étudiante à l’université Sharif. Blessée le 2 octobre, elle dit avoir pu survivre “avec l’aide d’autres manifestants et de ses camarades”.

Nous étions en train de chanter, près de l’une des portes de l’université. C’était dans l’après-midi quand soudainement les Bassidjis nous ont attaqués comme s’ils étaient venus chasser. Ils ont pris un étudiant, puis un autre et un autre. Nous nous sommes déplacés plus loin dans l’université pour éviter d’être arrêtés et ils ont commencé à nous tirer dessus avec des fusils à pompe et des fusils de paintball. Toutes les portes étaient verrouillées, nous étions coincés à l’intérieur.

Certains enseignants se sont mis entre nous et les Bassidjis pour nous dégager un chemin sûr jusqu’à la station de métro située à côté. Ils nous ont assuré que nous pouvions sortir par les portes du parking.

Lorsque nous sommes arrivés, nous nous sommes soudainement retrouvés piégés par les Bassidjis. Ils nous ont gazés, nous ont tiré dessus avec des fusils de chasse et ont arrêté au moins 30 ou 40 étudiants.

Selon des témoins et des vidéos, plusieurs slogans étaient scandés par les étudiants, comme “Mort au dictateur”, “Mort à Khamenei” (le Guide suprême iranien), ou encore “Hey hey ho ho, les doivent doivent partir”. . Les étudiants ont également scandé “Femme ! Vie ! Liberté !”, slogan emblématique du mouvement qui traverse le pays depuis la mort de Mahsa Amini.

“Je n’ai aucune idée du nombre de mes camarades qui ont été arrêtés ou blessés”

Autant que possible, nous sommes retournés en courant vers l’université… mais à ce moment-là, les Bassidjis étaient là aussi. Ils nous ont à nouveau tiré dessus et en ont arrêté beaucoup d’autres.

En apprenant ces violences, Mohamadali Zolfigol, le ministre des Sciences, de la recherche et de la technologie, est venu à l’université plus tard dans la journée. Mais il n’a fait que nous insulter, nous et les quelques enseignants qui nous soutenaient. À la fin, il a dit qu’il avait parlé avec les forces de sécurité, que les portes étaient sûres et que nous pouvions partir.


Des Iraniens se sont rassemblés devant l’université Sharif et ont mis en place un barrage avec leurs voitures pour empêcher l’arrivée de troupes supplémentaires dans une vidéo prise le 2 octobre 2022.

Au début, nous ne l’avons pas cru. Finalement, nous avons entendu les voix des gens derrière la porte principale et certains amis à l’extérieur nous ont envoyé des messages pour dire qu’il y avait du monde et qu’il n’y avait pas beaucoup de Bassidjis à la porte. Alors, nous sommes sortis. Les gens qui s’étaient rassemblés là nous ont sauvés. Mais même aujourd’hui, je n’ai aucune idée du nombre de mes camarades qui ont été arrêtés ou du nombre de blessés.”

“Ils voulaient faire de nous un exemple pour que les étudiants des autres universités cessent de manifester”

Je ne peux pas mettre de mots sur ce que nous avons vécu. C’était apocalyptique. C’était comme une zone de guerre, chaque fois qu’un étudiant s’évanouissait, que ce soit à cause du gaz, de la peur, il y avait des taches de sang ici et là.

Ils voulaient faire de nous un exemple pour les autres étudiants. Et je suis heureuse que cela n’ait pas fonctionné. Je pense que pour la première fois de notre histoire, non seulement des étudiants, mais aussi des lycéens ont manifesté en Iran.


Un exemple de balle en caoutchouc tirée sur des étudiants de l’université Sharif le 2 octobre 2022.

Et oui, j’ai peur. J’ai vu mes parents m’attendre dans la rue. Ma mère s’est évanouie en me voyant. C’est là que j’ai réalisé à quel point j’avais peur. Il faut être stupide pour ne pas être effrayé par ces fantômes. Je vais soigner mes blessures pendant un jour ou deux, puis je continuerai à manifester, que ce soit à l’université ou dans la rue.

De vastes manifestations secouent l’Iran depuis le 16 septembre, suite à la mort de Mahsa Amini. Selon Iran Human Rights, une organisation indépendante basée à Oslo, au moins 133 manifestants ont été tués par les forces de sécurité en Iran entre le 16 septembre et le 2 octobre.

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