Plusieurs vidéos, filmées à Leicester depuis le 28 août, montrent des groupes de jeunes, souvent masqués, se revendiquant essentiellement hindous et musulmans, défiler dans les rues pour en découdre. La situation s’est particulièrement tendue ces dernières semaines, sur fond de tensions géopolitiques. Malgré des appels au calme des responsables communautaires, beaucoup craignent, comme notre Observateur, que les violences ne reprennent dans les semaines à venir.
Rassemblés devant la mosquée Jame de Leicester lundi 19 septembre au matin, les représentants des communautés hindoue et musulmane ont appelé au calme. Après plusieurs semaines de tensions et de violences impliquant des hindous et des musulmans, ils ont demandé “ensemble aux incitateurs à la haine de laisser [leur] ville tranquille”. Dans le même temps, et alors que de nombreuses fausses informations continuent d’être diffusées par les extrémistes des deux bords, les tensions ont pris une tournure géopolitique. Les ambassades indienne et pakistanaise à Londres ont toutes deux communiqué sur les récents évènements, l’Inde dénonçant “la violence contre la communauté indienne“, le Pakistan évoquant “des incidents islamophobes“.
“Beaucoup ont pointé du doigt la communauté hindoue, mais les agresseurs étaient des supporters du RSS”
Notre Observateur Dee Patel, qui vit à Leicester depuis une quinzaine d’années, craint pour la suite, alors que des nouvelles tensions sont apparues dans la région, mardi 20 septembre, devant un temple hindou de Smethwick, en banlieue de Birmingham :
À Leicester, il n’y a pas eu de nouveaux débordements dans la ville depuis dimanche [18 septembre, NDLR], et je pense que ça va rester calme quelques jours. Mais plusieurs messages vocaux qui sont partagés dans des boucles WhatsApp communautaires laissent penser que ce n’est pas fini.
Le 28 août dernier, dans le quartier de Belgrave, à l’est de Leicester. Des dizaines d’hommes, certains avec des drapeaux indiens, défilent après la victoire de leur équipe contre le Pakistan lors de la coupe d’Asie de cricket. Aux cris de “mort au Pakistan”, le cortège progresse avant que plusieurs individus ne s’en prennent violemment à un homme, de confession sikh, présent plus loin.
Indian fans beat down a guy while chanting “Death to #Pakistan” on Melton Road in #Leicester after India wins the cricket match against Pakistan. #INDvsPAK pic.twitter.com/tQ7waPicjd
— SAMRI (@SAMRIReports) August 30, 2022
Le cortège est entouré par quelques policiers, vraisemblablement trop peu pour gérer les débordements. ©@SAMRIReports
Cet épisode est présenté comme le point de départ des tensions communautaires qui secouent la ville des Midlands, présentées par beaucoup comme une opposition entre les communautés hindoue et musulmane.
Notre Observateur conteste cette vision :
Leicester est une ville relativement mixte. Contrairement à d’autres, les gens vivent ensemble ici, musulmans, hindous. Il n’y a jamais eu de problèmes ces cinquante dernières années [depuis la première vague d’immigration indienne, NDLR]. Les premiers problèmes ont eu lieu en mai dernier, lorsqu’un adolescent a été agressé par une trentaine d’individus. Beaucoup ont pointé du doigt la communauté hindoue, mais les agresseurs étaient des supporters du RSS.
Le RSS, pour “Rashtriya Swayamsevak Sangh” est un groupe paramilitaire ultranationaliste hindou, dont a fait partie, par exemple, l’assassin de Gandhi.
Des extrémistes impliqués
Suite aux évènements du 28 août et malgré quelques incidents sporadiques, le calme semblait être revenu dans la ville.
La situation s’est réellement envenimée le samedi 17 septembre, avec une marche non-déclarée de jeunes extrémistes hindous.
Le cortège s’est rendu dans l’est de la ville, dans une zone résidentielle à majorité musulmane. Les manifestants, pour certains venus depuis Londres, scandaient “Jai Shri Ram” : un slogan hindou qui signifie “Gloire au Dieu Ram” et est devenu synonyme de haine anti-musulmans en Inde.
This is what kicked it off today in #Leicester. Hindu mobs marched through the streets, chanting outside the mosque & provoked Muslims. Hardly any police. Muslims were told by the police there weren’t going to be any demos & they had it all under control. Muslims then came out. pic.twitter.com/mddlt5TinC
— Majid Freeman (@Majstar7) September 18, 2022
Le slogan “Jai Shri Ram”, repris à Leicester le 17 septembre, était scandé par les membres du RSS lors d’attaques de manifestants opposés à la réforme de la citoyenneté indienne en 2020.
Some are saying what’s the harm in Hindus protesting and chanting their slogans outside the mosque and on the streets? It wasn’t just provoking but the #Hindutva racist mobs were attacking random Muslims in the streets too. The Muslims came out in numbers AFTER this. #Leicester https://t.co/Ari3i5c295 pic.twitter.com/PZXo2iKUNC
— Majid Freeman (@Majstar7) September 18, 2022
Mobilisés pour sécuriser les obsèques de la reine, les forces de l’ordre étaient en sous-nombre samedi 17 septembre pour tenter d’empêcher les violences, comme ici sur Green Lane Road.
Une contre-manifestation de membres de la communauté musulmane s’est alors tenue.
Plus tard dans la soirée, les contre-manifestants ont continué à faire face au cortège extrémiste hindou, toujours séparés par des cordons de forces de l’ordre. Plusieurs projectiles, comme des bouteilles en verre, ont notamment été lancés.
Dee Patel explique la suite de la soirée :
Les contre-manifestants ont été rejoints dans la soirée par des jeunes venus en découdre, des jeunes qui voulaient se battre. Beaucoup d’entre eux venaient de Birmingham. Et il y a eu des débordements stupides, avec des dégradations contre un temple hindou, ou des vitres de voitures brisées.
Les supporters du RSS vont revenir. Beaucoup pensaient que les tensions étaient liées au cricket, donc ils ne se sont pas mobilisés. Mais maintenant, ils ont compris et se mobiliseront à l’avenir : ce n’est pas un problème de cricket mais bien un problème avec le RSS.
Mercredi 21 septembre, la police du Leicestershire a annoncé que 47 personnes avaient été arrêtées depuis le début des tensions fin août.