Le seul meeting commun d’une campagne éclair : l’alliance dominée par l’extrême droite a fait son show, jeudi, à Rome. Donnée gagnante lors des élections législatives de dimanche, Giorgia Meloni, la cheffe de Fratelli d’Italia, s’est exprimée aux côtés de ses alliés, Silvio Berlusconi (Forza Italia), Maurizio Lupi (Noi Con l’Italia) et Matteo Salvini (Liga).
L’alliance dominée par l’extrême droite, favorite des législatives de dimanche, a tenu à Rome son unique meeting commun, jeudi 22 septembre, au terme d’une campagne éclair qui pourrait porter au pouvoir une ex-admiratrice de Mussolini.
Alors l’Italie va-t-elle basculer ? Placée sous perfusion financière par ses partenaires européens après une pandémie dévastatrice, elle devrait remettre son destin entre les mains de Giorgia Meloni, cheffe de Fratelli d’Italia (FdI), formation ultra-conservatrice, identitaire et nationaliste.
“Je vote pour Meloni, elle ne m’a jamais trahie, je partage ses opinions à 100 %, je la trouve cohérente”, a confié à l’AFP Giuli Ruggeri, une chômeuse de 53 ans venue au meeting de la place du Peuple, en plein centre de la capitale italienne.
“La Meloni” comme on l’appelle en Italie, 45 ans, s’est alliée avec le parti conservateur Forza Italia (FI) du milliardaire en perte de vitesse Silvio Berlusconi, et la Ligue antimigrants et populiste de Matteo Salvini.
Les trois dirigeants, montés sur scène côte à côte pour la première et dernière fois de cette campagne “sous les parasols”, se sont succédés pour haranguer leurs dizaines de milliers de partisans réunis pour ce sprint final.
C’est un Berlusconi visiblement diminué, peinant à marcher seul, qui s’est exprimé le premier, brièvement : “L’Italie ne veut pas être gouvernée par la gauche”, a asséné l’octogénaire, dénonçant “l’oppression fiscale” et “l’invasion incontrôlée” des migrants.
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Matteo Salvini a, lui, fixé pour objectif à la coalition de “gouverner bien et ensemble pendant cinq ans”, s’engageant à “protéger l’Italie et les Italiens”. Il a enchaîné les promesses dans un discours décousu : blocage des prix de l’énergie, fin des débarquements de migrants, suppression de la redevance télé… tout en s’en prenant aux “diktats” de Bruxelles.
“Nous sommes prêts”
Enfin, la vraie vedette du meeting, Giorgia Meloni, dont les partisans qui dominaient l’assistance ont scandé le prénom, les a tenus en haleine avec un discours fleuve de plus d’une demi-heure.
“Nous sommes prêts, vous le verrez dimanche”, a-t-elle assuré, promettant de défendre “l’intérêt national” de l’Italie face à l’Europe.
“Nous voulons une Italie forte, sérieuse et respectée sur la scène internationale”, a-t-elle affirmé, s’engageant aussi à lancer “une réforme des institutions italiennes” vers un régime présidentiel pour garantir la “stabilité” dans un pays connu justement pour son instabilité gouvernementale.
Ensemble, droite et extrême droite pourraient obtenir la majorité absolue des sièges à la Chambre des députés et au Sénat, avec une avance confortable sur le Parti démocrate (PD) d’Enrico Letta, qui a échoué à fédérer gauche et centre.
Selon les derniers sondages, Fratelli d’Italia est crédité de 24 à 25 % des intentions de vote, devant le PD entre 21 et 22 %. Suivent le Mouvement 5 Étoiles (ex-antisystème) avec 13 à 15 %, la Ligue à 12 %, Forza Italia à 8 %.
La coalition droite/extrême droite pourrait ainsi rafler entre 45 % et 55 % des sièges au Parlement.
L’élection est suivie de près à Bruxelles après la victoire d’un bloc de droite et d’extrême droite en Suède, car Giorgia Meloni pourrait devenir la première cheffe de gouvernement d’un pays fondateur de l’UE à la tête d’un parti post-fasciste.
Attention, prévient toutefois Marc Lazar, professeur à Sciences Po et à l’université Luiss de Rome, si la victoire des conservateurs semble acquise, “les sondages ont été démentis par le passé”.
Facteur clé de ce scrutin, le taux de participation devrait descendre à un niveau historiquement bas, sous 70 %.
Menée en plein été alors que les Italiens étaient à la plage, ce fut “l’une des pires campagnes de l’après-guerre (…) Il n’y a pas eu de confrontation sur les idées et les visions de chacun”, analyse Flavio Chiapponi, de l’université de Pavie.
La droite veut plus de frontières et moins d’Europe “bureaucratique”, plus de natalité et moins d’immigration, plus de valeurs “judéo-chrétiennes” et moins d’impôts.
“Les Italiens d’abord”
Mais chacun, en campagne, a tenu à rappeler son ADN, au-delà de l’accord électoral : si Meloni et Salvini fustigent “l’islamisation” et s’engagent à faire passer “les Italiens d’abord”, la première, protectionniste, croit en l’État interventionniste quand Salvini et Berlusconi, plus libéraux, plaident pour un impôt à taux unique de 15 et 23 % respectivement.
Venue d’une famille politique qui s’est construite sur l’anticommunisme, Giorgia Meloni est par ailleurs atlantiste et soutient les sanctions contre Moscou après l’invasion de l’Ukraine, alors que Salvini, grand “tifoso” de Vladimir Poutine, s’y oppose, estimant qu’elles nuisent surtout aux Italiens qui paient le gaz au prix fort.
À gauche, Enrico Letta, lui, a “exclusivement fait campagne sur la défensive, comme s’il se considérait déjà battu”, juge Flavio Chiapponi, tandis que Giorgia Meloni arpentait l’Italie du Nord au Sud comme si elle était déjà Première ministre.
Enrico Letta se présente en garant d’une Italie ancrée en Europe, un argument de poids après l’octroi par l’UE de près de 200 milliards d’euros d’aide à l’Italie pour relancer son économie après la pandémie.
Avec AFP