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CMA-CGM, champion tricolore du transport maritime et de superprofits

Profitant de l’envolée des prix du fret maritime, l’armateur marseillais a engrangé un bénéfice de près de 15 milliards d’euros sur les six premiers mois de l’année. De quoi apporter de l’eau au moulin des partisans d’une taxe sur les superprofits alors que les pays membres de l’UE doivent évoquer le sujet vendredi lors d’une réunion d’urgence à Bruxelles. 

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Elle est moins connue auprès du grand public que TotalEnergies et pourtant elle réalise plus de profits que l’énergéticien. CMA-CGM, le champion tricolore du transport maritime, a engrangé au deuxième trimestre un bénéfice net de 7,6 milliards d’euros. En seulement six mois, le spécialiste du transport par conteneur a déjà gagné près de 15 milliards d’euros, soit quasiment autant que sur toute l’année 2021, une année pourtant record pour le groupe.

Alors que de nombreuses entreprises sont étranglées par la hausse des prix de l’énergie et que les particuliers subissent de plein fouet les effets de l’inflation, cette santé insolente passe mal auprès d’une partie de l’opinion publique française.  

Depuis l’annonce de ces profits mirobolants, CMA-CGM est ciblée par les partis de gauche qui, depuis le début de l’été, bataillent pour que le gouvernement instaure une taxation exceptionnelle sur ces bénéfices pour soulager le portefeuille des ménages.

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“On peut parler ici de surprofit, dans la mesure où vous avez une envolée des prix qui n’est pas liée à une découverte technologique ou à une nouvelle combinaison productive. Vous avez tout à coup des entreprises qui captent de la richesse et des revenus sans que l’on perçoive bien leur contribution économique”, analyse Jean-Marie Monnier, professeur émérite d’économie à la Sorbonne et auteur de “Parlons impôts” (Ed.La Découverte)

Géant de la mondialisation

Fondée en 1978 par le Libanais Jacques Saadé, CMA-CGM est aujourd’hui dirigée par son fils, Rodolphe Saadé. Réputé pour sa grande discrétion, le patron du groupe marseillais a fait de l’entreprise familiale un mastodonte de la mondialisation.

Elle compte aujourd’hui une flotte de 580 navires et emploie 150 000 personnes à travers le monde, ce qui fait du groupe le troisième acteur du marché du fret maritime derrière l’italo-suisse MSC et le danois Maersk.

>> Énergie, superprofits et pénurie de main-d’œuvre : une rentrée éco sur les chapeaux de roue

Les bénéfices exceptionnels de CMA-CGM auraient permis à toute la famille Saadé de s’enrichir, puisqu’elle détient 73 % du capital de l’entreprise. Selon Challenges, leur fortune a connu une forte hausse en 2022, les propulsant de la 19e à la 5e place dans le dernier classement du magazine avec 36 milliards d’euros.

À l’image d’autres armateurs européens, CMA-CGM a profité à plein de l’envolée des prix du fret maritime depuis la pandémie de Covid-19. La reprise éclair de l’activité économique a provoqué une forte désorganisation des chaînes logistiques et fait bondir les coûts du transport par conteneur. “La pandémie a bouleversé le commerce international et il y a une demande de transport de biens très forte alors que l’offre est réduite et donc les prix et les marges s’envolent“, rappelle Jean-Marie Monnier.

Régime fiscal spécifique

Si le groupe est montré du doigt par une partie de la classe politique c’est également parce qu’il paye très peu d’impôts en France. En effet, les armateurs européens bénéficient, depuis la fin des années 80, d’un régime fiscal extrêmement avantageux destiné à faire émerger des géants du fret maritime au sein de l’Union européenne.

En 2021, CMA-CGM avait déjà affolé les compteurs avec 18 milliards de profits mais seulement 370 millions de dollars d’impôts au niveau mondial, soit à peine 2 % de ses bénéfices, bien loin du taux de 25 % auquel sont normalement soumises les entreprises françaises.

De son côté, le groupe tente de minimiser sa bonne fortune, assurant que son activité est cyclique et que les prévisions dans le secteur s’annoncent incertaines. Dans un communiqué, CMA CGM s’est dit “particulièrement attentif à l’évolution de la situation géopolitique actuelle”, évoquant “la forte hausse du coût de l’énergie, conjuguée à l’inflation du prix de nombreuses matières premières” qui “pourraient dégrader la situation économique et les perspectives de croissance du commerce mondial”.

L’entreprise multiplie également les gestes pour démontrer son souci de l’intérêt général. Pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages, CMA-CGM propose, notamment depuis cet été, des tarifs préférentiels pour ses clients français. Rodolphe Saadé vient aussi d’annoncer faire des efforts pour la planète et a promis de “déployer, sur cinq ans, un fonds spécial énergie doté de 1,5 milliard d’euros afin d’­accélérer la décarbonation des activités [du groupe] dans le monde entier”.

Vers une contribution européenne ?

Si l’exécutif s’est montré jusque-là réticent à l’idée d’instaurer une taxe sur les super profits, le discours du gouvernement semble plus nuancé ces derniers jours. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a indiqué, mardi, ne pas enterrer l’idée d’une “participation”. Citant le transporteur CMA CGM, les banquiers ou les assureurs, le ministre a incité les entreprises “qui ont la possibilité financière d’aider les ménages dans ces circonstances difficiles” à le faire.

Quant au président de la République, Emmanuel Macron, il s’est dit favorable non pas à une taxe, mais à un mécanisme européen pour amener les producteurs d’énergie et les entreprises qui réalisent des “bénéfices indus” à mettre la main à la poche. Le sujet fera partie des discussions lors d’une réunion d’urgence prévue vendredi 9 septembre à Bruxelles.

>> À voir : Dans la zone euro, la BCE serre la vis face à une inflation record

“Dans le domaine de la fiscalité, l’unanimité est requise au niveau européen. C’est pour cette raison qu’elle évolue aussi peu rapidement. Pour taxer les surprofits des entreprises, il faudrait que tous les pays soient d’accord sauf à mettre en place des dispositifs particuliers qui permettraient à certains États de le faire sans les autres, mais cela aurait pour effet d’accentuer la concurrence fiscale en Europe”, note Jean-Marie Monnier. 

Sur le sujet, l’UE avance pour le moment en ordre dispersé. Si les pays scandinaves pourraient se montrer difficiles à convaincre, certains États membres comme l’Italie, l’Espagne ou encore la Hongrie ont déjà franchi le pas. Le Royaume-Uni a également lancé une surtaxation de 25 %, mais uniquement sur la production d’hydrocarbures en mer du Nord. D’autres comme les Pays-Bas et la République tchèque devraient dévoiler leurs projets à l’issue de la réunion de vendredi. De leur côté, la Commission européenne et l’ONU se sont positionnées en faveur de ces taxes sur les profits exceptionnels réalisés par les entreprises de l’énergie. 

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