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Sous les eaux, le Pakistan risque-t-il la faillite à l’instar du Sri Lanka ?

Le Pakistan est souvent présenté comme un futur Sri Lanka, en référence à la faillite retentissante de ce petit État d’Asie du Sud il y a plus de 4 mois. En effet, les pluies diluviennes qui s’abattent sur le pays constituent une catastrophe économique pour Islamabad. En outre, elles interviennent au pire moment possible pour les finances du pays. Mais le parallèle a ses limites. 

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Plus de 1 000 victimes, des torrents d’eau qui emportent tout sur leur passage, détruisant routes, bâtiments et inondant des centaines de milliers d’hectares de plantations dans un pays qui dépend encore beaucoup économiquement de son agriculture. 

Le Pakistan plie depuis plus de trois mois sous le poids de pluies qui ne lui laissent aucun répit. Si le désastre humanitaire devient toujours plus apparent, les autorités avertissent que cette mousson d’une intensité historique laissera aussi de profondes séquelles économiques. 

Le prix du riz et du coton

“Ce sera très coûteux pour nous. Les estimations préliminaires suggèrent que l’impact économique [des inondations] dépassera les 10 milliards de dollars”, a indiqué Ahsan Iqbal, ministre de la Planification et du développement, interrogé lundi 29 août par l’agence de presse Reuters. Ce montant couvre uniquement les efforts de reconstruction qui devraient “prendre au moins cinq ans”, a précisé Ahsan Iqbal. 

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Mais la mousson estivale risque fort, aussi, de faire exploser les prix. D’après l’agence nationale pakistanaise de gestion des catastrophes naturelles, plus de 800 000 hectares de plantation ont été détruits depuis le début des pluies diluviennes. Cette disparition d’une partie des cultures de riz, de dates, ou encore de pois chiches “aura un impact fort sur le prix des denrées alimentaires alors que l’inflation était déjà le problème numéro 1”, souligne Subhan Ullah, économiste à l’université de Birmingham. L’inflation dépassait 20 % avant le début de la saison de la mousson.

“Les inondations ont particulièrement touché les régions du Penjab ou du Sind, considérées comme les greniers alimentaires du Pakistan, et les pénuries commencent à se faire sentir sur les marchés du pays ce qui entraînent une hausse des prix”, note Reuters. Et ce n’est que le début. “Il va falloir importer ces fruits et légumes, ce qui signifie une hausse supplémentaire”, ajoute Subhan Ullah.

Mais ces récoltes gâchées n’auront pas qu’un impact négatif sur le coût des denrées alimentaires. “Près de 45 % des plantations de coton ont été détruites”, souligne Ahsan Iqbal. Une très mauvaise nouvelle pour l’économie nationale puisqu’il s’agit d’une matière première incontournable pour son industrie du textile, représentant plus de 60 % des exportations pakistanaises.

Un nouveau Sri Lanka ?

Les intempéries constituent donc une catastrophe économique en soi pour Islamabad. Mais elles interviennent, en plus, au pire moment possible pour les finances du pays. Lourdement endetté, avec des caisses nationales quasiment vides et une inflation galopante, le Pakistan se trouve dans une situation économique qui n’est pas sans rappeler celle du Sri Lanka, qui a fait faillite en avril 2022. 

Islamabad doit rembourser, cette année, près de 24 milliards de dollars de dette à divers créanciers internationaux, comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale ou encore le Club de Paris (groupe informel de créanciers publics). Problème : les réserves de devises dans les coffres de l’État sont passées, en juin, sous la barre des 10 milliards de dollars. “C’est un seuil sous lequel on estime généralement qu’un pays est entré dans une crise grave”, observe Juvaria Jafri, spécialiste des politiques économiques des pays en voie de développement à la City University de Londres.

Les racines du mal économique pakistanais sont multiples et tiennent aussi bien “à une mauvaise gestion économique depuis des années qu’à des problèmes structurels de perception des impôts”, souligne Subhan Ullah. Mais la situation s’est nettement détériorée après la pandémie de Covid-19 et surtout en raison de “la guerre en Ukraine dont les conséquences ont particulièrement pesé”, ajoute l’économiste de l’université de Birmingham. 

C’est principalement l’explosion des prix de l’énergie qui ont heurté les finances du Pakistan, car le pays “importe l’essentiel de ses besoins en électricité”, rappelle Subhan Ullah. 

Un autre facteur vient du FMI : le Pakistan avait négocié, en 2019, un plan d’aide financière de six milliards de dollars, resté bloqué pendant trois ans. L’institution internationale demandait à Islamabad d’en finir avec les prix subventionnés de l’essence qui coûtaient très cher à l’État, mais permettait au gouvernement de limiter l’impact de la hausse des prix à la pompe.

Il y a dettes et dettes

En mai dernier, le gouvernement a finalement accepté les conditions du FMI. Conséquence : les prix de l’essence ont connu une hausse soudaine et massive, faisant baisser le pouvoir d’achat de millions de Pakistanais. De quoi ralentir le rythme d’une croissance déjà faible.

Mais l’horizon économique n’est pas complètement sombre : le FMI a accepté de débloquer, lundi 29 août, une première tranche d’un milliard de dollars du plan d’aide de 2019. “C’est une bouffée d’air qui éloigne le risque d’un défaut de paiement”, estime Subhan Ullah.

Certes, ce milliard de dollars peut paraître bien maigre face à la montagne de dettes du Pakistan. Mais “si on regarde de plus près comment cette dette est structurée, on se rend compte que le parallèle avec le Sri Lanka est probablement exagérée car le risque d’un défaut de paiement n’est pas aussi imminent”, assure Juvaria Jafri. Il n’y a, en effet, qu’environ un milliard de dollars de dette qui doit impérativement être remboursé avant la fin de l’année, “les délais de paiement pour tout le reste peuvent être renégocié”, assure Jawwad Farid, un expert pakistanais des finances publiques très actif et suivi sur Twitter

En outre, “il y a toujours des pays amis comme l’Arabie saoudite ou le Qatar qui peuvent prêter davantage d’argent”, explique Subhan Ullah. Riyad devrait ainsi renouveler un prêt de trois milliards de dollars au Pakistan, assure le Financial Times. Islamabad espère que le Qatar, la Chine et les Émirats arabes unis prêteront plus de quatre milliards de dollars au Pakistan, ajoute le quotidien financier britannique.

Autant de pistes qui devraient permettre à Islamabad de ne pas couler. Mais, c’est aussi reculer pour mieux sauter. Il faut, notamment, s’attendre à des négociations futures très tendues avec le FMI, estime Juvaria Jafri. L’organisation “devrait exiger davantage d’austérité en échange de ses prêts, et le gouvernement sera très réticent à les accepter”, assure-t-elle.

La raison : les élections générales pakistanaises de 2023. Le Premier ministre, Shehbaz Sharif, est “actuellement sous pression, notamment pour sa gestion des inondations”, rappelle Subhan Ullah. La dernière chose dont il aurait envie serait de mettre en œuvre des mesures d’austérité imposées par le FMI et donc forcément impopulaires. Shehbaz Sharif n’a aucune intention de faire un tel cadeau à son principal rival politique, l’ex-Premier ministre Imran Khan, qui compte faire son grand retour au pouvoir à la faveur de ces élections.

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