C’est un symbole oublié qui renaît de ses cendres. Pendant les années 80, “Disco Maghreb”, boutique et surtout label du raï, a incarné ce genre musical algérien tombé en désuétude. Aujourd’hui, ce lieu mythique d’Oran renaît de ses cendres grâce à la star franco-algérienne DJ Snake. Au point qu’Emmanuel Macron a prévu de s’y rendre samedi.
Emmanuel Macron, accompagné d’une délégation de près de 90 personnes, est en Algérie depuis jeudi 25 août. Une visite qu’il veut, entre autres, consacrer à l’avenir, notamment celui de la jeunesse algérienne. À Alger, le président français compte, par exemple, rencontrer de jeunes entrepreneurs.
“La visite se terminera samedi et, fait rare pour être relevé, à Oran, le berceau du raï et de la jeunesse”, explique Karim Hakiki, chroniqueur international de France 24. Le président devrait assister à une “démonstration de breakdance” après une visite de la célèbre boutique et surtout, label mythique du raï, “Disco Maghreb”.
“C’est une manière pour Emmanuel Macron de se sortir du piège mémoriel [sur la guerre d’Algérie] pour s’ouvrir vers l’avenir”, poursuit le journaliste. Avec ce programme à Oran, Emmanuel Macron vise en plein dans le mille : car “Disco Maghreb” est récemment devenu un lieu tendance grâce à la star DJ Snake.
Le DJ français, qui s’est fait connaître aux États-Unis, a fait sensation en lançant, le 31 mai, un titre qui rend hommage à ses racines algériennes. Baptisée sobrement “Disco Maghreb”, le clip dépassait, le 26 août, les 79 millions de vues sur YouTube.
Avec “Disco Maghreb”, l’artiste, dont la mère est algérienne et le père français, signe “un retour aux sources”, avait-il expliqué sur le plateau de Quotidien, le 8 juin.
Le propriétaire du label sur le devant de la scène
Avec ce succès international, DJ Snake, de son vrai nom William Sami Grigahcine, remet non seulement Disco Maghreb sur le devant de la scène, mais il donne également un nouveau souffle au raï, genre musical populaire né en Afrique de l’Ouest.
DJ Snake, 36 ans, ne s’est, cette fois-ci, pas allié à Lady Gaga, Cardi B ou Justin Bieber, mais à Boualem Benhaoua.
Âgé de 68 ans, Boualem Benhaoua alias Boualem Disco Maghreb a propulsé, dans les années 80, les stars du raï adulées tant dans les cabarets d’Algérie que sur les scènes de Paris ou de Marseille.
“J’ai beaucoup de souvenirs dans la musique, beaucoup de souvenirs avec les chanteurs de raï, ils sont tous passés par ici”, s’est remémoré auprès de l’AFP le patron de Disco Maghreb.
Cheb Khaled, Cheb Mami, Cheb Hasni, Cheba Zahouania… tous ont enregistrés leurs cassettes à Disco Maghreb.
Pour des générations entières, ce nom a incarné un magasin, un éditeur de disques et la mecque des nostalgiques du raï, dans un pays où la décennie noire des années 1990 a vu son lot de chanteurs assassinés et les genres locaux s’éclipser sur Internet au profit des musiques occidentales.
Oran, capitale du raï
DJ Snake dit avoir voulu rendre hommage à un lieu mythique, blotti dans une ruelle d’Oran, que beaucoup pensaient oublié de tous. Son titre mêle rythmes électro et musique raï sur fond de course de jeunes à mobylette.
Depuis le succès du titre, une nouvelle génération afflue pour prendre des selfies sous l’enseigne Disco Maghreb. À l’intérieur, le propriétaire reçoit tout sourire, au milieu des cassettes qui s’empilent sur les étagères de sa boutique, fermée depuis des années et restée dans son jus. Ça et là, les visiteurs peuvent découvrir du matériel audio d’époque qui pourrait figurer dans un musée d’antiquités.
Selon DJ Snake, lors du tournage du clip, “c’était la première fois que la boutique rouvrait depuis 20 ans”. De quoi pousser Nawel, 36 ans, à faire le détour. “On visite Oran et on en profite pour faire un passage ici pour des photos souvenirs”, raconte à l’AFP cette pilote de ligne. “C’est un endroit emblématique de l’Oranie et avec le dernier clip de DJ Snake, ça lui a donné encore plus d’écho”, explique-t-elle.
Pour de nombreux internautes, DJ Snake a, en un seul clip, fait une bien meilleure promotion de l’Algérie que ne le feront jamais les professionnels du secteur.
“On aurait pu rentrer dans les clichés et montrer les belles plages, les beaux spots en drone du désert du Sahara algérien, mais je ne voulais pas faire un clip qui ressemblait à ‘National Geographic’. Je voulais montrer une vision assez brute et authentique de l’Algérie populaire, montrer les gens que l’on ne montre jamais”, avait expliqué DJ Snake chez Quotidien.
“C’est une lettre d’amour à mon peuple”
Sur son compte Twitter, celui dont plusieurs vidéos dépassent le milliard de vues écrit avoir imaginé “Disco Maghreb” comme un “pont entre différentes générations et origines, reliant l’Afrique du Nord, le monde arabe et au-delà…”.
“C’est une lettre d’amour à mon peuple”, affirme l’artiste dont la tournée actuelle va de l’Europe, à l’Amérique du Nord en passant par l’Inde et le Chili. DJ Snake “n’est pas un simple chanteur, c’est comme quelqu’un de ma famille”, assure, pour sa part, Boualem Benhaoua.
“J’ai trouvé en lui les qualités d’un grand homme, c’est un homme complet, il compatit avec les personnes aux revenus modestes, il a lui-même grandi dans ces conditions”, souligne-t-il.
Depuis “Disco Maghreb”, DJ Snake ne cesse de mettre à l’honneur la culture algérienne. Juste après la sortie du single, DJ Snake a invité, le 11 juin, le roi du raï Cheb Khaled lors d’un concert événement au Parc des Princes.
Et le 4 août, le DJ franco-algérien a partagé sur sa chaîne YouTube un remix de “Trigue Lycee” (sur le chemin du lycée, en arabe algérois). Ce titre, sorti en 1974, est le tout premier de Cheb Khaled, célèbre pour “C’est la vie”, “Didi” ou “Aicha”, des chansons au succès international et qui, encore aujourd’hui, font danser jusqu’au bout de la nuit.
Avec AFP