Les premières observations de l’atmosphère d’une exoplanète par le télescope spatial James Webb, publiées jeudi, ont permis de constater la présence de CO2 autour de WASP-39b. Cette première détection de ce composé chimique hors de notre système solaire confirme que le télescope permettra de comprendre la formation des planètes les plus lointaines.
L’humanité n’en avait jusqu’à présent encore jamais détecté en dehors de notre système solaire. Du moins pas de manière certaine. Les observations du super-télescope spatial James Webb (JWST) en ont apporté, jeudi 25 août, la preuve définitive. Pour la première fois, du dioxyde de carbone a pu être repéré dans l’atmosphère d’une exoplanète (c’est-à-dire en dehors du système solaire).
L’œil géant du tout nouveau télescope, lancé le 25 décembre 2021, s’est tourné vers le proche voisinage de notre galaxie pour chercher des traces de CO2. Il en a trouvé autour de la planète WASP-39b qui se trouve à “seulement” quelques 700 années-lumière de la Terre. Ce n’est qu’à quelques pâtés de poussières d’étoile de chez nous comparé, par exemple, à la galaxie CEERS-93316 que l’instrument James Webb a détectée début août à plus de 13 milliards d’années-lumière de la Terre.
Le premier outil capable de “voir” le CO2 dans l’atmosphère
“On se doutait qu’on finirait par trouver du CO2, mais c’est toujours bien d’avoir la confirmation que le JWST nous permet effectivement d’identifier cette importante molécule dans l’atmosphère d’une exoplanète”, affirme Hannah Wakeford, astrophysicienne à l’université de Bristol, membre de l’équipe de recherche internationale qui a rédigé les conclusions tirées de l’observation de WASP-39b, qui seront publié dans la revue Nature, le 29 août.
Le télescope Hubble, prédécesseur du James Webb, avait déjà permis d’observer en 2008 ce qui ressemblait à du CO2 dans l’atmosphère d’une exoplanète, mais “ce n’était qu’un seul indice qui faisait penser à la présence du dioxyde de carbone”, note Jérémy Leconte, astrophysicien à l’université de Bordeaux qui était, lui aussi, membre de l’équipe ayant effectué les observations de WASP-39b. “Là, quand on a vu les relevés transmis par JWST, il n’y avait aucun doute possible”, ajoute-t-il.
“On n’avait jusqu’à présent tout simplement pas les outils pour détecter avec certitude la présence de CO2“, explique Hannah Wakeford. Le JWST est, en effet, le premier instrument d’observation spatial à pouvoir détecter certaines fréquences d’ondes dans l’infrarouge. Et c’est justement dans cette zone que le dioxyde de carbone bloque la lumière. “Chaque molécule va absorber la lumière de manière différente, ce qui lui confère une signature particulière sur les relevés du télescope”, détaille Jérémy Leconte.
Et ce n’est pas seulement la première fois que du CO2 est détectée dans l’atmosphère d’une exoplanète. C’est aussi la première confirmation de la présence de cette molécule sur une planète du type de WASP-39b, c’est-à-dire une géante gazeuse similaire à Jupiter, toutes galaxies confondues… y compris notre système solaire. Il n’a, en effet, jamais pu être prouvé qu’il y en avait sur Jupiter ou Saturne.
Le CO2, un “mauvais indicateur de présence de vie dans l’espace”
Vu de Terre, cette découverte de dioxyde de carbone sur WASP-39b pourrait facilement faire naitre des fantasmes de présence de vie. C’est parce que sur notre planète, les émissions de CO2 dans l’atmosphère proviennent généralement du vivant. Elles peuvent être produites lors de la décomposition de la matière organique ou bien provenir de la respiration animale.
Mais que les chasseurs d’extra-terrestre rangent leur filet à petits hommes verts. “Le présence de CO2 dans l’atmosphère d’une planète est, en fait, un très mauvais indicateur de présence de vie”, affirme Hannah Wakeford. L’atmosphère de Vénus, par exemple, est saturée de dioxyde de carbone alors qu’il s’agit d’une planète particulièrement hostile à toute forme de vie, ne serait-ce qu’à cause de la température très élevée en surface (plus de 400 °C).
WASP-39b connaît aussi des températures extrêmes, avoisinant les 900 °C, dans son atmosphère. D’où vient alors le CO2 ? “C’est le résultat d’une réaction chimique lorsqu’on mélange du carbone, de l’hydrogène et de l’hélium – autant d’éléments présents dans l’atmosphère de cette exoplanète – à de très fortes températures”, souligne Jérémy Leconte.
Le Saint-Graal pour les archéologues de l’espace
La détection du CO2 n’en demeure pas moins essentielle pour les astrophysiciens car “c’est un très bon indicateur pour comprendre l’histoire d’une planète”, note Hannah Wakeford. La présence de cette molécule procure, tout d’abord, “un indice sérieux que la planète dispose d’une atmosphère”, ce qui est loin d’être le cas pour toutes les planètes de l’Univers (dans notre propre système solaire, Mercure n’a pas d’atmosphère). Et l’atmosphère garde les traces chimiques de toute l’histoire de la planète.
Ainsi, les données transmises par JWST sur l’atmosphère de WASP-39b – et notamment la concentration en CO2 – permettent déjà de faire un premier constat : cette planète vient d’ailleurs. En effet, elle se trouve actuellement très près de son étoile – assez similaire à notre soleil, d’après les experts interrogés – et “il est physiquement impossible qu’en restant à cet endroit, elle a pu amasser autant de CO2 et d’oxygène dans son atmosphère”, assure Hannah Wakeford. Pour elle, il n’y a pas 1001 possibilités : WASP-39b a “récupéré des éléments de CO2 et d’oxygène en se déplaçant depuis son lieu de formation à sa position actuelle”. Reste maintenant à savoir d’où elle vient.
Ces premières observations par le JWST de l’atmosphère d’une exoplanète ont permis de confirmer “qu’il est réellement possible de réaliser ce genre de détection et de trouver des molécules comme le CO2“, s’enthousiasme Jérémy Leconte. À cet égard, cet appareil est bel et bien, pour Hannah Wakeford, le tant espéré Saint-Graal de l’archéologie spatiale. Avec une approche très “terra-centrée”, puisque le but sera avec JWST de multiplier les chantiers sur des dizaines et centaines d’exoplanètes pour comprendre leurs formations et, au final, savoir à quel point notre Terre est unique dans l’Univers.