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Avec les Jeux militaires internationaux, la Russie veut montrer qu’elle n’est pas un “État paria”

La huitième édition des Jeux militaires internationaux, événement sportif destiné à mettre en valeur les prouesses militaires des pays participants, a lieu du 13 au 27 août en Russie dans le contexte tendu de la guerre en Ukraine. Mais quels intérêts la Russie espère tirer de ces Jeux ? Éléments de réponse avec le colonel Mark F. Cancian, retraité du corps des marines et conseiller principal au Center for Strategic and International Studies.

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Lancés par le Kremlin en 2015 et organisés par le ministère russe de la Défense, les Jeux militaires internationaux, qui ont lieu du 13 au 27 août en Russie, impliquent généralement plus d’une trentaine de pays et consistent en dix concours qui mettent en valeur plusieurs aspects des prouesses militaires des participants.

Les concours sont conçus pour tester une myriade de compétences militaires, plus particulièrement la maîtrise des véhicules blindés, le combat et la défense aériens, la guerre navale, la précision de l’artillerie, le génie militaire et les capacités de l’infanterie.

Certains analystes considèrent l’insistance de Moscou à accueillir les Jeux comme une tentative d’afficher sa force et sa résilience malgré des performances décevantes et des pertes croissantes en Ukraine.

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Cela dit, selon les services de renseignement britanniques, la décision d’organiser ces Jeux a été condamnée par plusieurs militaires et professionnels de la sécurité russes, qui ont jugé inapproprié d’engager des forces dans des événements militaires cérémoniels alors que les soldats continuent de subir de lourdes pertes sur le terrain en Ukraine.

Igor Girkin, ancien officier du FSB – Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie – et ministre de la République populaire autoproclamée de Donetsk (est de l’Ukraine), se montre ainsi de plus en plus critique à l’égard du Kremlin et sa gestion de la guerre. Le 19 août, il a publié sur les réseaux sociaux une comparaison entre la conduite admirable du président ukrainien Volodymyr Zelensky pendant la guerre et l’insistance de la Russie à accueillir les Jeux controversés.

Les services de renseignement britanniques ont supposé que la Russie avait probablement du mal à motiver les forces auxiliaires qu’elle utilise pour renforcer ses troupes régulières dans le Donbass, et que les commandants recouraient probablement à des incitations financières directes.

Malgré le moral en berne de l’armée russe et une situation de plus en plus compliquée en Ukraine, les Jeux de cette année représentent un succès relatif, avec la participation de 12 pays dont l’Inde, la Chine et l’Iran. L’an dernier, ces mêmes Jeux avaient rassemblé 42 pays.

France 24 s’est entretenu avec le colonel Mark F. Cancian, retraité du corps américain des marines et conseiller principal au Center for Strategic and International Studies, à propos de cette tentative de démonstration de force de la Russie.

France 24 : Pourquoi la Russie organise-t-elle ces Jeux militaires internationaux dans un contexte de guerre très difficile ?

Mark F. Cancian : Plusieurs choses se passent. D’abord, la Russie a l’habitude de les organiser à la fin du mois d’août, donc le message envoyé est que les activités habituelles vont continuer malgré la guerre et que ces Jeux en font partie.

Les Russes n’ont pas mobilisé toutes leurs forces en Ukraine et appellent toujours cela une “opération militaire spéciale”. S’ils avaient annulé les Jeux, cela aurait été un signal fort indiquant que l’armée russe est en guerre et qu’il s’agit d’une situation extraordinaire.

En outre, c’est un excellent outil de propagande, les Russes exposant du matériel ukrainien détruit en présence de la douzaine de pays invités à participer aux Jeux.

J’ai d’ailleurs été surpris de constater qu’ils ont obtenu la participation d’un assez grand nombre de pays, alors que je pensais que celui-ci serait justement considérablement réduit en raison de la position de la Russie en tant qu’État paria. Mais cela ne semble pas s’être produit.

Pensez-vous que la tenue des Jeux militaires internationaux aura l’effet escompté ? Permettent-ils à la Russie de regagner un peu de son prestige ?

Du point de vue russe, cela semble être un énorme succès. Le simple fait d’organiser l’événement avec autant de participants est une grande victoire, car cela montre que les Russes ne sont finalement pas tant des parias que ça, ou du moins que le message qu’ils essaient de faire passer est bien présent.

Par ailleurs, la propagande que constitue le fait de recevoir les médias internationaux des pays engagés dans les Jeux, montrant des images du matériel ukrainien détruit et celui de l’Otan confisqué, produit son effet.

Le renseignement britannique indique qu’il y a beaucoup de ressentiment parmi les soldats russes et prorusses sur le front. Compte tenu de cette démotivation et de ce moral bas, quelle pourrait être leur réaction face à ce détournement des ressources ?

Cela détourne un peu l’attention de la ligne de front, mais probablement pas tant que ça. Seules quelques centaines de soldats sont impliqués dans les Jeux. Cependant, les soldats russes qui se battent actuellement apprécieraient-ils ce genre d’activités ? Ils sont en première ligne, ce sont eux qui se font tirer dessus, mais ils manquent de soutien par rapport à ce super groupe de soldats actuellement en compétition aux Jeux militaires, qui reçoivent les honneurs.

Cela dépend certainement beaucoup de l’identité des soldats qui participent. Très souvent, en Russie en particulier, il y a un groupe spécial qui fait ce genre de choses – comme lors de la parade du Jour de la Victoire, le 9 mai, qui commémore la victoire sur l’Allemagne nazie. Il existe une division spéciale à Moscou qui ne fait que des cérémonies. Il ne s’agit donc pas d’une division ordinaire. Cela pourrait donc être le cas de ces participants, et cela pourrait créer du ressentiment.

D’un autre côté, si certains soldats de ce groupe ont effectivement combattu en Ukraine, les Russes le souligneront pour montrer qu’il ne s’agit pas de soldats choyés. Tout dépend donc d’où viennent les participants à ces concours.

Que pensez-vous de la désobéissance sur le front, avec ces exemples de soldats russes et prorusses qui abandonnent le combat ou désertent ?

Les problèmes de moral parmi les Russes ne font aucun doute, et il y a eu tellement de rapports à ce sujet qu’il est évident que le problème est grave.

D’un autre côté, les Russes se battent toujours, ils ne plient pas. Ils sont clairement fatigués, à court d’énergie et n’attaquent plus, mais se préparent à repousser la contre-offensive ukrainienne quand elle se produira.

Dans les premiers jours de la guerre, il y avait tellement de rapports disant que les Russes ne seraient pas capables de continuer le combat… Aujourd’hui, nous sommes à six mois de guerre et les Russes sont toujours là. Il y a quelque chose de profond dans la psyché russe qui leur permet de continuer à se battre même dans des conditions terribles, même avec un soutien minable. Au cours des Première et Seconde Guerres mondiales déjà, les Russes ont fait preuve d’une endurance que l’Occident a eu du mal à comprendre.

Il y a beaucoup d’incitation et de volonté de souligner ce qui est négatif à propos des Russes. Je pense que ces rapports négatifs sont sûrement diffusés et mis en avant avec plus d’attention qu’ils ne le méritent. Je pense que nous devrions être plus prudents à ce sujet.

Article adapté de l’anglais par Pauline Rouquette. Retrouvez ici la version originale.

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