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Au Kenya, des prothèses mammaires en coton gratuites pour les survivantes du cancer du sein

À la suite du décès de sa mère, en raison d’un cancer du sein, une Kenyane installée aux États-Unis a créé une ONG dans son pays natal. L’objectif : sensibiliser à cette maladie, en expliquant comment reconnaître ses symptômes, ou encore en offrant des prothèses mammaires en coton aux femmes ayant subi une mastectomie. Une alternative aux prothèses en silicone, plus chères, et qui les aide à reprendre confiance en elles. 

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Nancy Githoitho est une Kenyane installée à San Francisco, aux États-Unis. Elle a créé l’ONG “Limau Cancer Connection” en 2017, après le décès de sa mère au Kenya, emportée par un cancer du sein. “Limau” signifie “citron” en kiswahili, l’une des langues officielles du Kenya. Elle a choisi ce nom pour son ONG en raison d’un proverbe disant : “Quand la vie t’offre des citrons, fais-en une limonade.”

“Il est nécessaire de parler du cancer du sein, et d’informer sur cette maladie, pour sauver des vies”

En 2016, ma mère m’a dit qu’elle avait mal au sein gauche. Je lui ai conseillé de consulter, mais elle m’a dit qu’elle prenait déjà des anti-douleurs. Plusieurs mois après, la douleur s’est intensifiée, donc elle est finalement allée voir un médecin. Il lui a annoncé qu’elle avait un cancer du sein, de façon brutale : pour elle, c’était comme si on lui avait dit qu’elle était condamnée à mort. Au Kenya, plein de femmes perdent espoir immédiatement à cause de la façon dont on leur annonce la nouvelle…

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Ma mère a ensuite fait une mastectomie [ablation partielle ou totale d’un sein, ou des deux, NDLR], et suivi un traitement. Mais elle n’a pas souhaité faire de chimiothérapie, car elle ne voulait pas que ses cheveux tombent.

Par la suite, cela a été très dur pour elle : par exemple, elle avait un magasin de Tupperwares, mais les gens ont arrêté de les lui acheter car ils pensaient qu’ils allaient aussi avoir un cancer du sein.

Je lui ai alors acheté une prothèse mammaire en silicone sur Internet, à 400 dollars. Mais la prothèse glissait, elle était lourde, et avec la chaleur, la silicone éclatait, donc le gel coulait sur la peau.

“Avec la chaleur, les prothèses mammaires en silicone éclatent”, indique Nancy Githoitho.
“Avec la chaleur, les prothèses mammaires en silicone éclatent”, indique Nancy Githoitho. © Limau Cancer Connection.

Nancy Githoitho a alors cherché une alternative pour sa mère. C’est ainsi qu’elle a découvert “Knitted Knockers” (“lolos tricotés”), une ONG basée aux États-Unis qui distribue des prothèses mammaires en textile aux femmes ayant eu une mastectomie. Contrairement aux prothèses mammaires traditionnelles, en silicone,  ces “lolos tricotés” peuvent être portés rapidement après l’opération et coûtent beaucoup moins cher. 

Nancy Githoitho poursuit : 

J’ai appris que cette ONG organisait un atelier au Rwanda, pour apprendre aux femmes à tricoter des prothèses mammaires en textile. J’ai alors acheté un billet d’avion à une amie de ma mère, pour qu’elle y participe. Puis, de retour au Kenya, elle a montré à des femmes d’un groupe de prière – dont faisait partie ma mère – comment fabriquer ces prothèses.

Mais ma mère est ensuite décédée, un an après le diagnostic de son cancer. Les gens ont alors dit qu’elle était morte d’une “longue maladie”. Personne ne disait que c’était à cause d’un cancer. Or, je pense qu’il est nécessaire d’en parler, et d’informer sur cette maladie, pour sauver des vies. Il faut aussi la démystifier, en expliquant, par exemple, qu’on ne peut pas l’attraper en achetant quelque chose à une femme qui l’a ! Lors des funérailles, j’ai donc dit qu’elle était décédée d’un cancer du sein, et je l’ai aussi écrit sur Facebook.

“Plus de 300 femmes ont déjà été formées à tricoter des prothèses”

Après son décès, j’ai officiellement créé “Limau Cancer Connection”. Je me suis rapprochée de “Likii Tender Hearts”, une ONG à Nanyuki qui aide notamment les personnes atteintes du VIH. Avec elle, nous avons formé des femmes à tricoter des prothèses mammaires. Désormais, d’autres groupes de femmes les fabriquent également à Nairobi, Mombasa, Kisumu, Nyeri et Embu. Parmi elles, beaucoup ont déjà eu un cancer du sein. Ces femmes se déplacent régulièrement pour montrer à d’autres comment les fabriquer : en tout, plus de 300 femmes ont déjà été formées à tricoter des prothèses.


Atelier de fabrication de prothèses en textile, à Narok, un village Maasaï, en décembre 2021. © Limau Cancer Connection.

Autre atelier de fabrication de prothèses en textile, à Kisumu, en avril 2019.
Autre atelier de fabrication de prothèses en textile, à Kisumu, en avril 2019. © Limau Cancer Connection.

Nous envoyons les prothèses à des hôpitaux, ou encore à des femmes nous ayant contactés. Cet envoi a un coût, de même que la production des prothèses, qui coûte 10 dollars, donc c’est compliqué sur le plan financier…  J’ai payé énormément de choses de ma poche.

Don de prothèses mammaires en textile dans un hôpital de Mombasa, en juin 2021.
Don de prothèses mammaires en textile dans un hôpital de Mombasa, en juin 2021. © Limau Cancer Connection.

Pour l’instant, nous avons donné environ 200 000 prothèses. Les femmes qui les reçoivent sont contentes, car elles sont lavables et douces. C’est important car elles sont placées à l’endroit où la mastectomie a été réalisée, où la peau est très sensible. De plus, elles peuvent être utilisées avec n’importe quel soutien-gorge, et cela leur permet de reprendre confiance en elles. Et puis, elles sont gratuites, alors que les prothèses mammaires en silicone coûtent 30 à 500 dollars. C’est pour cela que les femmes mettent parfois des chaussettes ou des feuilles de chou dans leur soutien-gorge, après avoir eu une mastectomie…

Ces prothèses en textile constituent une alternative aux prothèses en silicone, bien plus chères.
Ces prothèses en textile constituent une alternative aux prothèses en silicone, bien plus chères. © Limau Cancer Connection.

“La plupart des gens n’ont pas les moyens de se payer une mammographie”

Au Kenya, le coût du dépistage et des traitements est d’ailleurs également problématique. Une mammographie coûte 20 à 30 dollars, donc la plupart des gens n’ont pas les moyens de payer cet examen [Le salaire minimum mensuel est de 124 euros environ, NDLR.] Par conséquent, les femmes vont souvent voir un médecin quand il est déjà trop tard. Et quand on leur annonce qu’elles ont un cancer du sein, beaucoup ne vont pas forcément faire de mastectomie ou suivre un traitement en raison du coût : elles préfèrent se laisser mourir et laisser le peu d’argent qu’elles ont à leurs enfants.

“Beaucoup d’hommes abandonnent leurs femmes lorsqu’elles ont un cancer du sein”

Avec “Limau Cancer Connection”, nous cherchons également à informer au sujet du cancer du sein. Nous nous déplaçons ainsi régulièrement pour montrer aux femmes à quoi ressemblent les symptômes, avec des dessins, car si elles sont capables de les identifier, elles peuvent ensuite être prises en charge, et beaucoup peuvent alors survivre.

Des dessins pour montrer les symptômes du cancer du sein, pour que les femmes soient ensuite capables de les identifier.
Des dessins pour montrer les symptômes du cancer du sein, pour que les femmes soient ensuite capables de les identifier. © Limau Cancer Connection.

De plus, durant la pandémie, nous avons publié des vidéos sur les réseaux sociaux pour expliquer les symptômes, comment pratiquer l’auto-examen des seins… Nous cherchons à informer à la fois les femmes et les hommes, car eux aussi peuvent avoir un cancer du sein, et beaucoup abandonnent leurs femmes lorsqu’elles ont le cancer ou une mastectomie. Au Kenya, la stigmatisation liée au cancer du sein est encore forte. 


Au début de cette vidéo, des explications sont données pour pratiquer l’auto-examen des seins. © Limau Cancer Connection.

Par ailleurs, nous avons des groupes WhatsApp, dans lesquels les femmes ayant un cancer du sein peuvent échanger et s’encourager. Je pense que ma mère serait encore en vie si elle avait davantage pu échanger avec d’autres femmes à ce sujet… 

Actuellement, Nancy Githoitho aimerait également axer son travail de sensibilisation en direction des populations noires à San Francisco, aux États-Unis, car ce sont elles qui ont le taux de mortalité le plus élevé concernant le cancer du sein. 

>> Si vous souhaitez soutenir “Limau Cancer Connection”, rendez-vous sur leur page Facebook.

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