L’armée française a achevé, lundi, le retrait des derniers soldats de l’opération Barkhane, après neuf ans de présence au Mali. Au même moment, des dizaines de membres des forces de sécurité russes ont été aperçues par des casques bleus allemands, à l’aéroport de Gao, dans le nord du pays, où opère déjà le groupe paramilitaire russe Wagner.
La nature ayant horreur du vide, la Russie semble ne pas avoir attendu très longtemps pour avancer ses pions au Mali, où opère déjà le groupe paramilitaire russe Wagner. Des casques bleus allemands ont en effet observé, lundi 15 août, la présence de dizaines de membres des forces de sécurité russes à l’aéroport de Gao, dans le nord du pays, alors même que la France annonçait avoir achevé le retrait des derniers soldats français de Barkhane, une opération militaire visant à lutter dans le Sahel contre les mouvements jihadistes.
Selon un document rédigé par le commandement de la Force de Défense fédérale allemande, daté de mardi et consulté par l’agence Reuters, des soldats allemands et britanniques appartenant à la Force de maintien de la paix de l’Organisation des Nations unies ont remarqué la présence de deux avions à l’aéroport de Gao, notamment un L-39 Albatros.
“Deux heures plus tard, 20 ou 30 personnes vêtues d’uniformes n’appartenant pas à l’armée malienne ont été vues, déchargeant des équipements d’un avion malien”, indique le document.
“Ils étaient très certainement des membres des forces de sécurité russes, le L-39 ayant vraisemblablement été piloté par des soldats russes, les forces maliennes n’étant pas en mesure de le faire”, est-il ajouté.
Les relations entre Bamako et Paris n’ayant cessé de se détériorer, depuis la prise de pouvoir de l’armée malienne, à la suite d’un coup d’État en 2020. Les militaires au pouvoir à Bamako se sont rapprochés de la Russie et ont accueilli de nouveaux alliés, des membres du groupe Wagner, dont la présence est signalée dans certaines zones du pays.
Mardi, le capitaine Yann, militaire français membre de la Force Barkhane, a confirmé avoir déjà croisé sur le terrain des mercenaires du groupe lors de patrouilles.
De son côté, Bamako dément la présence de mercenaires, et évoque plutôt des “instructeurs” venus de Russie pour soutenir son armée tandis que la Russie parle d’un contrat “commercial” entre Wagner et le Mali, sans lien avec Moscou.
Le 13 décembre, l’Union européenne avait adopté une série de sanctions pour répondre aux “actions de déstabilisation” menées en Europe et en Afrique par Wagner. Cette décision avait été approuvée à l’unanimité par les ministres des Affaires étrangères de l’UE réunis à Bruxelles.
L’UE avait également sanctionné en 2020 l’oligarque russe Evgueni Prigojine, proche du pouvoir russe et considéré comme le financier du groupe Wagner.
“1 000 hommes mal équipés”
Selon Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Mali, près d’un millier de mercenaires appartenant à cette société seraient présents dans le pays. “Mille hommes mal équipés par rapport à l’armée française, sans force aérienne efficace ni de drone, qui ne peuvent pas résoudre un problème que les soldats français eux-mêmes ne parvenaient pas à contenir”, a-t-il indiqué.
Le diplomate a également insisté sur la présence contreproductive de Wagner. “Par sa brutalité, elle pousse finalement une partie des populations dans les bras des jihadistes, parce que celles-ci se sentent agressées par l’armée malienne épaulée par ces mercenaires russes, et c’est un vrai problème”.
Un récent rapport d’experts missionnés par l’ONU, dévoilé par l’AFP le 5 août, a évoqué la présence de “soldats blancs” accompagnant les soldats maliens sur la scène de tueries, notamment à Robinet El Ataye, où 33 civils ont été tués en mars.
“Ce sont des sociétés qui ne respectent aucune règle, comme on a pu le revoir dans l’affaire du charnier de Gossi, qu’ils ont monté à des fins de désinformation contre les forces françaises. Ils ne seront pas un point de stabilité dans la région”, a confié, mardi, le colonel Yves Gastine, commandant de la Force Barkhane à Gao.
Au lendemain de la précédente rétrocession d’une base française, en avril, à Gossi, l’état-major français avait diffusé des vidéos tournées par un drone à proximité montrant des paramilitaires, très probablement du groupe Wagner, en train d’enterrer des corps en vue de faire accuser la France de crimes de guerre.
Toujours est-il que l’armée malienne a mené de nombreuses opérations militaires pour “traquer” les groupes jihadistes dans le centre du Mali depuis le début de l’année. Et plusieurs sources locales ont rapporté que les soldats étaient accompagnés de “soldats blancs”.
Un groupe jihadiste revendique l’assassinat de mercenaires russe
Lundi, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) affilié à Al-Qaïda a affirmé avoir tué quatre paramilitaires du groupe russe dans une embuscade dans le centre du Mali, selon un communiqué authentifié lundi par l’ONG américaine SITE, spécialisée dans le suivi des groupes radicaux.
Une information confirmée à l’AFP par deux élus locaux et une source hospitalière.
Samedi, “un groupe de mercenaires de Wagner est sorti en motos dans la région de Bandiagara, partant du village de Djallo et se dirigeant vers les montagnes”, dit le communiqué.
“Les soldats d’Allah les guettaient (…) et ont pu tuer quatre d’entre eux et le reste s’est enfui”, poursuit l’organe de propagande du groupe jihadiste.
Avec AFP et Reuters