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Universités françaises : le classement de Shanghai “compare l’incomparable”

Sans surprise, les quinze premières universités du classement de Shanghai, publié lundi, sont anglo-saxonnes. Le premier établissement français, Paris-Saclay, n’apparaît qu’à la 16e position. Il a reculé par rapport à 2021, tout comme les trois autres tricolores du top 100. Mais ce bilan ne signifie pas pour autant une perte de vitesse. 

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Le classement de Shanghai, qui hiérarchise les meilleures universités dans le monde, a été publié, lundi 15 août. Et il y a du changement pour la France : ses universités les mieux placées ont perdu du terrain par rapport à 2021. 

En un an, les quatre établissements français présents dans le top 100 ont régressé. En tête côté français, l’université Paris-Saclay, qui regroupe notamment les prestigieuses AgroParis Tech ou encore CentraleSupélec, s’est vu octroyer la 16e place, contre la 13e en 2021. En deuxième position, l’université Paris Sciences & Lettres (PSL) descend de deux rangs et atteint la 40e place. L’université La Sorbonne, en 43e position, recule de huit places tandis que l’université Paris-Cité est classée 78e contre 73e.

Ce recul est-il le signe d’un déclin des universités françaises ? “Pas du tout”, répond Jean-Francis Ory, doyen de la faculté des sciences économiques, sociales et de gestion à l’université de Reims Champagne-Ardenne. “On n’est pas plus mauvais parce qu’on est loin des premières places de ce classement”, poursuit le docteur en sciences de gestion. 

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Le classement de Shanghai s’attarde sur les sciences exactes, comme les mathématiques, la physique, la chimie ou les géosciences, sans prendre en compte les sciences sociales et les humanités. “À partir de là, il n’y a pas de surprise. On sait d’emblée quels établissements vont être mis en avant”, commente Jean-Francis Ory, auteur d’un chapitre dans l’ouvrage “Classement des universités” (CNRS éditions, juin 2022). 

Chaque année, les chercheurs de l’université Jiaotong de Shanghai, qui établissent le palmarès, évaluent les universités selon six critères : les chercheurs hautement cités dans leur discipline, les articles publiés dans les revues scientifiques Nature et Science, ou encore le nombre d’ex-étudiants ou de personnels lauréats de prix Nobel ou de médailles Fields. Cette dernière est la plus prestigieuse des récompenses internationales pour la recherche en mathématiques, décernée tous les quatre ans à des chercheuses et chercheurs de moins de 40 ans.

Plus d’un tiers des universités françaises dans le classement 

Au total, 28 universités parmi les 74 que compte la France apparaissent dans le classement de Shanghai, qui classe les 1 000 premiers établissements mondiaux. En 2016, l’Hexagone comptait 22 établissements dans le classement

“C’est une bonne chose d’avoir quelques universités françaises dans ce classement parce qu’il les rend visibles, et que la France a besoin d’asseoir une position internationale. Pour autant, est-ce que, par exemple, les 60 000 étudiants de Paris-Saclay bénéficient tous de l’excellence de quelques enseignants-chercheurs ?”, se demande Jean-Francis Ory. 

Autre bémol : le classement se focalise uniquement sur la recherche universitaire. Il est destiné à “valoriser le rayonnement scientifique au détriment de la qualité de la formation”, dénonce Laura Lehmann, première vice-présidente en charge de la stratégie d’influence de la Fédération des associations générales étudiantes (la FAGE). 


“Ce classement ne dit rien de la bonne santé des universités. Et en plus, l’immense majorité des étudiants que l’on forme ne font pas de la recherche. Ce classement ne dit rien sur la qualité de vie au travail, sur l’employabilité ou sur ce qu’on apprend aux étudiants, sur ce qu’on leur apprend en termes de transition écologique et sociale par exemple. Ce sont des classements dont on parle beaucoup trop. On se regarde, on se compare, on se demande où on en est, si on est bons ou pas bons. Or ce n’est pas du tout ces classements-là qui vont dire si l’université française est en bonne santé ou si dans telle ou telle université on forme bien les étudiants”, abonde Jean-Francis Ory. 

Une analyse qui fait écho aux propos de Christine Censier, chasseuse de tête depuis 20 ans. “Passer par l’une de ses prestigieuses universités signifie que l’on est passé par des processus très rigoureux et sélectifs mais ce n’est pas un acquis figé. Il faut prendre du recul. Parce que vous avez des candidats qui ont fait les meilleures écoles et qui vont poser problème en termes de savoir-être, d’ouverture intellectuelle, culturelle ou encore de capacité d’écoute”, explique la directrice du cabinet de recrutement Censier Conseil.

Une vitrine de l’excellence à la française

Malgré ces limites, le classement de Shanghai reste une référence pour les pouvoirs publics. La physicienne Sylvie Retailleau, auparavant à la tête de Paris-Saclay et aujourd’hui ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, s’est félicitée des résultats. “Cette performance […] illustre le rayonnement scientifique français à l’international”, a-t-elle salué dans un communiqué. Sous la présidence de Sylvie Retailleau, Paris-Saclay a grimpé d’une place entre 2020 et 2021 mais en a perdu trois l’année suivante. 

Sur le long terme, la progression des universités françaises dans le classement est le résultat d’une nouvelle stratégie entamée en 2018. La France a commencé à rapprocher, regrouper voire fusionner des établissements pour créer des “établissements publics expérimentaux” (EPE). “Des laboratoires, comme le CNRS, l’INRA, l’INRAE et des écoles, ont été regroupés en EPE pour qu’ils soient pris en compte dans le classement de Shanghai”, explique Jean-Francis Ory. Cette nouvelle politique semble porter ses fruits : trois nouveaux EPE créés en 2022, l’université de Montpellier, l’université de Lille et Nantes Université, viennent de faire leur entrée dans le classement. 

Mais cette stratégie est à double tranchant. “Des inégalités de plus en plus marquées se creusent entre établissements. La captation des moyens nouveaux tend à se faire au bénéfice du haut du classement tandis que, de manière peut-être déjà irréversible, les universités les moins dotées en financements sélectifs sont destinées à le rester”, pointe un rapport de la Cour des comptes publié en octobre 2021

“Ce qu’il faut pour rentrer dans ces classements, c’est de l’argent”

Bien qu’il souligne la place de “l’université française dans le peloton de tête des classements internationaux”, le rapport déplore un “sous-financement des universités” et souligne le décalage entre des “effectifs étudiants qui ne cessent d’augmenter” et un investissement public moindre aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ces deux rivaux de la France raflent chaque année les premières places du classement. Depuis 20 ans, c’est la prestigieuse Harvard qui est en tête. 

>> Rentrée universitaire : la crise du logement pour les jeunes Européens

“Ce classement compare l’incomparable. Ce qu’il faut pour rentrer dans ces classements, c’est de l’argent. Or le modèle de l’université française est public tandis que les grandes universités américaines qui apparaissent dans le classement sont toutes privées. Elles sont soutenues par des mécènes, et elles bénéficient de financements qui sont sans commune mesure avec ce qui existe en France. Ce système permet à ces universités d’attirer de grands enseignants-chercheurs et des prix Nobel et donc d’être bien classées”, explique Jean-Francis Ory. 

Or Emmanuel Macron l’a annoncé début janvier, devant les présidents d’universités : “On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants”. En France, la quasi-gratuité des études supérieures, pourtant garante de son accessibilité au plus grand nombre, pourrait voler en éclats. 

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