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Pour l’ancienne ministre afghane Habiba Sarabi, “les Taliban n’ont cure de la voix des femmes”

Interrogée par France 24, Habiba Sarabi, ex-ministre afghane des Affaires féminines, dresse un bilan sans concession de la situation en Afghanistan, près d’un an après la prise de contrôle du pays par les Taliban en août 2021. Entretien.

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Ancienne ministre des Affaires féminines de 2002 à 2004 et première Afghane à avoir gouverné une province (Bamiyan), Habiba Sarabi revient pour France 24 sur la situation dans son pays, près d’un an après le retour au pouvoir des Taliban, le 15 août 2021.

Lauréate du prix Simone Veil de la République française en 2021 elle avait participé aux négociations de paix entre Kaboul et les Taliban à Doha, organisées à Doha à partir de 2020. La femme politique dresse un bilan accablant, notamment pour les femmes.

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Exclues de la vie publique par de nombreuses restrictions imposées à leurs déplacements, à leur tenue vestimentaire et appliquées sur leur lieu de travail, les Afghanes sont les premières victimes du nouveau régime. La “répression suffocante” des Taliban “détruit la vie des femmes et des filles”, a écrit l’ONG Amnesty international dans son dernier rapport publié fin juillet.

France 24 : quelle est la situation actuelle en Afghanistan, près d’un an après la chute de Kaboul ?

Habiba Sarabi : Les Taliban ne sont pas arrivés au pouvoir, ils l’ont pris par la force. Ils ne sont pas des bureaucrates, c’est donc un pouvoir dictatorial. Ce sont des gens qui gouvernent par la force pour obliger la population à leur obéir. Depuis un an, les Afghans, en plus de subir la pauvreté et la faim, souffrent dans leur vie quotidienne de l’absence de services sociaux, et de systèmes d’éducation et de santé. Et lorsque des gens, hommes et femmes confondus, osent se dresser pour résister ou faire entendre leur voix – notamment sur les réseaux sociaux, puisqu’il n’y a plus de liberté de la presse – ils sont arrêtés, torturés ou punis d’une autre façon par les Taliban.

Sans surprise, la femme afghane semble être la première victime du pouvoir en place…

Ces vingt dernières années, nous avions réalisé beaucoup de choses. De nombreuses petites filles ont pu aller à l’école, au point de représenter jusqu’à 40 % des inscriptions scolaires. Même l’accès des femmes à l’enseignement supérieur avait été amélioré. Un certain nombre d’Afghanes ont pu intégrer la fonction publique et d’autres ont été élues au Parlement ou nommées ministres. En résumé, elles étaient présentes quasiment dans tous les secteurs. Malheureusement après avoir pris le pouvoir, les Taliban ont décidé d’exclure au plus vite les femmes de tous les domaines de la vie, du monde du travail et même de les priver de l’accès à l’éducation. La mobilisation des Afghanes les a contraints de permettre l’ouverture des écoles aux petites filles, mais uniquement jusqu’à la 6e. Malgré les pressions internationales, la mobilisation des Afghanes sur place et à l’étranger, les Taliban refusent d’aller plus loin. Ils n’en ont cure de la voix des femmes, ils refusent de les écouter. C’est pourquoi nous demandons à la communauté internationale et aux pays musulmans de faire pression sur les Taliban pour qu’ils acceptent, non seulement de rouvrir les portes de l’éducation aux Afghanes, mais aussi de restaurer les droits humains les plus élémentaires pour mettre fin aux discriminations qui compliquent la vie des femmes. 

Près de la moitié de la population afghane a moins de 15 ans selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Comment voyez-vous l’avenir de cette jeunesse et celui des femmes ?

La nouvelle génération, les jeunes et les femmes dans leur ensemble, sont les atouts de l’Afghanistan. Si avec le retour au pouvoir des Taliban, qui est un recul pour toute la société, le pays ne peut profiter de ces atouts pour se développer, notamment sur le plan économique, alors il s’effondrera. Les Afghans sont des êtres humains, ils font partie de la communauté internationale, ils méritent d’avoir une vie meilleure. Nous souffrons depuis plus de quarante ans des guerres et des conflits, et chaque jour est un bain de sang. La communauté internationale, en premier lieu les États-Unis et l’OTAN, a commis une erreur en Afghanistan. Sans aucun plan, ils se sont retirés et ont tout remis entre les mains des Taliban. Ils doivent à présent réparer cela. La communauté internationale doit prendre ses responsabilités envers le peuple afghan et les Afghanes en particulier. Je reste très confiante et fière d’une chose : les Afghanes sont très courageuses, et après avoir eu accès à l’éducation ces deux dernières décennies et pris conscience de leurs droits, je suis certaine qu’elles continueront la lutte pour améliorer leur vie et celle de leurs enfants.

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