Le ministre de la Santé, François Braun, a annoncé mardi que 2 171 cas de variole du singe avaient été confirmés en France, dont plus de la moitié en région parisienne. Pour enrayer la propagation, la mairie de Paris a ouvert un premier vaccinodrome. Reportage.
Dans le tout nouveau vaccinodrome parisien contre la variole du singe, la salle d’attente donne sur une petite pièce attenante au Centre de santé Edison. C’est dans cette salle que les candidats à la vaccination défilent, depuis le 26 juillet, au cœur du 13e arrondissement de la capitale.
Dès leur arrivée, les patients sont prévenus : ils peuvent se faire vacciner uniquement s’ils ont pris rendez-vous en amont sur la plateforme Doctolib. Le personnel à l’accueil fait remplir un formulaire à chaque nouveau patient dont il vérifie l’identité. Une ordonnance médicale n’est pas requise.
Le gouvernement a annoncé la semaine dernière qu’il mobiliserait plus de personnel pour vacciner, infirmiers et infirmières, médecins et étudiants. Une fois vaccinés, les patients doivent prendre un second rendez-vous dans un délai de 28 jours, même si, selon les autorités sanitaires, il est possible de le dépasser.
“Dès les premières alertes sanitaires, nous avons répondu pour prévenir le plus possible la diffusion du virus”, assure @FrcsBraun. >> “Nous avons suffisamment de vaccins pour vacciner l’ensemble de la population cible, estimée à 250 000 personnes”. #DirectAN #QAG pic.twitter.com/k1m8NSwBE9
— LCP (@LCP) August 2, 2022
Les personnes qui se présentent avec des symptômes de la variole du singe sont immédiatement renvoyées chez elles pour s’isoler pendant toute la durée de la maladie, estimée entre deux et quatre semaines. Samuel Etien, étudiant en médecine et bénévole au centre de vaccination, conseille de consulter en cas de rash cutané – si apparaissent de grosses pustules ou croûtes autour de la bouche et dans la paume des mains, ou des douleurs à la bouche et à l’anus. D’après son expérience sur place, les boutons se développent souvent en une seule poussée.
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Parmi les symptômes les plus répandus, une éruption cutanée rouge sur les muqueuses anales ou buccales, boutons, symptômes grippaux (fièvre, courbatures) et ganglions lymphatiques enflés dans le cou et les aisselles, détaille Samuel Etien. Les cas confirmés ou suspects doivent s’isoler le plus rapidement possible, d’après l’étudiant.
En France, 95 % des cas de variole du singe ont été diagnostiqués chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Un rapide coup d’œil dans la salle d’attente suffit pour le confirmer : ce jour-là, lundi 1er août, la plupart des personnes présentes étaient des hommes.
“Ce n’est pas uniquement une maladie d’homosexuel”
L’accès au centre de vaccination est prioritaire pour les populations les plus à risques : les homosexuels, les transgenres, les personnes ayant des partenaires multiples et les travailleurs et travailleuses du sexe. Dans l’immédiat, il n’est pas prévu d’élargir la vaccination à l’ensemble de la population. Le vaccin administré est celui utilisé contre la variole, qui s’est révélé efficace contre la variole du singe, issu de la même famille de virus.
Afin d’encourager les travailleurs du sexe à recevoir une première dose de vaccin contre la variole, le centre prévoit de leur permettre de prendre rendez-vous ailleurs que sur Doctolib – par le biais d’associations, notamment.
Frédéric et Hervé, deux hommes homosexuels reconnaissant faire partie de la population à haut risque, expliquent se faire vacciner parce que “la maladie se répand”. “Nous partons en vacances en Afrique donc nous avons voulu prendre des précautions”, précisent-ils. “Ce n’est pas uniquement une maladie d’homosexuel”, ajoutent-ils avant de quitter le centre.
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Un constat qui renvoie aux propos publiés dans le journal Le Monde de Yannick Simonin, virologue et maître de conférences à l’université de Montpellier. “Toute personne ayant un contact physique étroit avec une autre personne qui a contracté la variole du singe est à risque, quelle que soit son orientation sexuelle”, explique le spécialiste des virus émergents. “La variole du singe ne concerne pas que cette communauté, même si les cas y sont surreprésentés actuellement”, résume-t-il.
De son côté, Renaud, 50 ans, affirme être venu se faire vacciner parce qu’il est considéré comme “une personne à risque”, en tant qu’homosexuel ayant plusieurs partenaires sexuels. Vacciné contre la variole quand il était plus jeune, il a eu besoin d’une dose de vaccin seulement. Bien qu’il ait eu des difficultés à obtenir un rendez-vous sur Doctolib, Renaud estime que le gouvernement gère bien l’épidémie.
Cette opinion est loin de faire l’unanimité dans la classe politique. Dans une tribune publiée mardi dans le journal HuffPost, un collectif de 200 personnes – personnalités politiques, représentants associatifs et citoyens – a demandé aux sénateurs de constituer une commission d’enquête sur l’action du gouvernement dans la variole du singe, à l’image de celle lancée en 2020 sur la gestion de la crise sanitaire du Covid-19.
L’État pointé du doigt
Pour les signataires, “l’action du gouvernement […] est totalement insuffisante face à l’ampleur de la situation”. Ils dénoncent “la lenteur extrême de mise en route” et le “sous-dimensionnement” de la campagne de vaccination, ainsi que “l’absence d’information transparente” sur le “nombre de vaccins disponibles” ou “les commandes à venir”.
Parmi les auteurs de la tribune figurent les présidents des associations Aides, Act-Up Paris et Médecins du Monde mais aussi les députées Sandrine Rousseau et Danielle Simonnet (Nupes) ou encore Anne Souyris, l’adjointe à la maire de Paris en charge de la Santé publique.
Anne Souyris a affirmé à France 24 qu’il était prévu d’agrandir le vaccinodrome “autant que possible”. D’après l’adjointe écologiste, d’autres lieux pourraient être ouverts si le personnel était suffisant pour accueillir les candidats à la vaccination. Grâce à ces mesures et à d’autres améliorations, Anne Souyris espère que “cette épidémie sera contenue, ou du moins ralentie, d’ici la fin de l’été”.
Ces promesses ne suffisent pas à convaincre Samuel Etien, qui se dit encore “inquiet”. “Le nombre de cas augmente toutes les deux semaines en ce moment et aucune autre situation similaire d’épidémie de variole du singe n’a eu lieu en Europe”, souligne-t-il.
“Le lancement de la vaccination a bien débuté. Les injections vont se poursuivre et s’intensifier tout au long de l’été et même en septembre”, poursuit Samuel Etien. “Mais il manque des campagnes d’information du public et des centres de vaccination sans rendez-vous, ce qui faciliterait l’accès des personnes isolées” ou moins bien informées. L’étudiant en médecine estime toutefois que les centres de vaccination ont été rapidement installés, sans doute en raison de l’expérience acquise avec le Covid-19.
Des vaccins contre la variole “secret défense”
Samuel Etien rappelle que les vaccins contre le Covid-19 et contre la variole ne sont pas gérés de la même manière. L’État français, qui conserve des stocks de vaccins en cas d’attaque biologique, les protège par le “secret défense” parce que ce virus peut constituer une arme biologique puissante.
Amélie Verdier, directrice générale de l’ARS Île-de-France, a dit lundi à l’AFP que la campagne de vaccination était entravée par le manque de professionnels formés pour administrer les doses dans les centres de la capitale.
En réponse à l’élue écologiste de Paris Sandrine Rousseau qui, mardi lors des questions au gouvernement, a demandé si “seule la volonté politique manque”, François Braun a opposé les “136 centres de vaccination ouverts” et les “plus de 14 000 vaccinés”.
Le ministre a ajouté qu’un “centre similaire” ouvrirait “très prochainement” à Marseille et qu’une “expérimentation avec les pharmaciens” était en cours d’élaboration pour “diminuer le délai d’accès aux vaccins”, notamment dans les zones où la demande est forte comme en région Provence-Côte d’Azur et en Île-de-France.
Article traduit de l’anglais par Tiffany Fillon. L’original est à lire ici.