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Ponts bombardé, lance-roquettes Himars : la stratégie de Kiev pour reprendre Kherson

L’Ukraine a multiplié, mercredi, les bombardements d’un pont vital pour l’approvisionnement des troupes russes, qui occupent la ville de Kherson. La bataille pour le contrôle de la région éponyme pourrait avoir un impact important sur l’issue de la guerre.

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C’est un pont stratégique pour l’accès à une ville qui l’est tout autant. L’armée ukrainienne a bombardé, dans la nuit de mardi 26 au mercredi 27 juillet, le pont Antonovsky qui relie la ville de Kherson à la rive sud du Dniepr et au reste de cette région presque entièrement contrôlée par la Russie.

Ce n’est pas la première fois que l’Ukraine vise cette structure, dans ce qui ressemble de plus en plus à des préparatifs au lancement d’une offensive pour reprendre cette ville du sud de l’Ukraine. Des roquettes avaient déjà endommagé une première fois le pont Antonovsky le 19 juillet suscitant la mise en garde de commentateurs militaires russes quant au risque de voir les troupes stationnées à Kherson coupées des lignes de ravitaillement. 

Le pont Antonovsky en ligne de mire

“Les occupants [russes] doivent apprendre à nager pour traverser la rivière Dniepr. Ou alors ils acceptent de quitter Kherson tant qu’ils en ont encore l’occasion”, a écrit sur Twitter mercredi 27 juillet Mykhaïlo Podoliak, conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky.

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Les salves lancées mercredi n’ont pas détruit le pont Antonovsky, mais les trous que ces roquettes ont occasionnés font que “seuls les véhicules légers peuvent encore y circuler et les forces russes sur place ont fermé l’accès aux camions qui assuraient la livraison de ravitaillement”, résume Sim Tack, un analyste militaire pour Forces Analysis, une société de surveillance des conflits.

>> À lire aussi sur France 24 : La destruction d’un pont flottant, symbole des difficultés de l’armée russe dans le Donbass

Les Ukrainiens ne se sont pas contentés de cibler le pont Antonovsky. Ce dernier – de par sa longueur (1,4 km) – représente la principale porte d’entrée pour Kherson depuis le sud, mais “l’armée ukrainienne a aussi bombardé un autre petit pont au nord-est de Kherson qui surplombe un bras du fleuve Dniepr”, note Sim Tack. 

Il s’agit d’une autre voie d’accès importante à la ville pour les Russes. C’est par là qu’ils font “passer le ravitaillement et les troupes qui arrivent depuis Nova Kharkova”, explique l’analyste militaire. Cette ville sur la rive sud de Dniepr à plus de 70 km à l’est de Kherson abrite le deuxième pont qui permet de relier les deux rives du fleuve. 

L’attrition plutôt que l’affrontement direct

Les Ukrainiens rechignaient à attaquer directement ce point de passage car “il jouxte une importante centrale électrique et le risque était trop grand de l’endommager”, affirme Sim Tack. 

L’armée russe a saisi le but de la manœuvre ukrainienne et “ils ont construit et utilisent des ponts flottants pour pallier au risque de manquer de ravitaillement”, constate Aliyev Huseyn, spécialiste du conflit ukraino-russe à l’université de Glasgow. Mais ces structures “sont beaucoup plus fragiles et étroites que les ponts traditionnels, ce qui fait que l’acheminement de provision se fera beaucoup plus lentement”, estime cet expert.

Mais Kherson ne sera pas reprise uniquement en bombardant des ponts. “À un moment donné, il faudra bien que des troupes entrent dans la ville”, confirme Glen Grant, un analyste sénior à la Baltic Security Foundation et spécialiste des questions militaires russes. 

C’est pourquoi la plupart des médias qualifient ces bombardements comme une entrée en matière avant le plat de résistance que serait une vaste offensive ukrainienne contre des troupes russes affaiblies par le manque de ravitaillement.

Mais ce scénario, qui impliquerait d’importants et probablement sanglants combats dans les rues de Kherson, n’a pas les faveurs des experts interrogés par France 24. “La priorité de l’armée ukrainienne est de minimiser au maximum les pertes d’hommes, d’autant que les troupes rassemblées dans cette région font partie des mieux équipées et préparées et Kiev n’a aucune envie d’en sacrifier s’il y a moyen de faire autrement”, résume Aliyev Huseyn.

“L’Ukraine va plutôt compter sur l’attrition, en continuant à bombarder méthodiquement les points d’accès à la ville jusqu’à ce que les Russes soient obligés de retirer la plupart des troupes faute de ravitaillement nécessaire. Ensuite ils rentreront en ville où ils n’auront plus qu’à affronter les forces restées pour couvrir la retraite des soldats russes”, détaille Sim Tack.

Le rôle crucial des lance-roquettes Himars

Une stratégie plus patiente pour limiter les pertes humaines “qui n’aurait pas été possible sans les Himars américains”, assure Aliyev Huseyn. Ces lance-roquettes sont bien plus précis que l’artillerie utilisée par l’armée ukrainienne. “Pour obtenir les mêmes dégâts très ciblés aux ponts, les Ukrainiens auraient eu besoin de beaucoup plus de munitions, et de temps avec leur artillerie traditionnelle, ce qui fait que cette approche n’aurait probablement pas pu être utilisée”, précise Sim Tack.

En fait, les Himars – décrits dans un grand nombre d’articles dans la presse internationale comme des armements “pouvant faire la différence” – “sont probablement pour beaucoup dans la décision ukrainienne de lancer une contre-offensive plus générale dans l’oblast [région administrative] de Kherson”, juge Aliyev Huseyn. 

Ils permettent à Kiev d’éviter au maximum le très redouté affrontement direct avec une armée russe supérieure en nombre. “La stratégie ukrainienne est d’utiliser d’abord les Himars pour frapper en profondeur les centres de commandement russes et les dépôts de munitions afin de les obliger à reculer ce qui entraîne une désorganisation des chaînes de communication et de ravitaillement”, détaille Aliyev Huseyn. 

Impossible de poursuivre un tel but sans le tout nouveau matériel américain. “Tout ce que les Russes faisaient jusqu’à présent était de positionner les dépôts de munitions et les commandements hors de portée de l’artillerie traditionnelle ukrainienne”, explique Glen Grant. Mais les Himars américains ont une portée de 80 km, soit au moins deux fois plus que les autres lance-roquettes utilisés sur le front. 

Ce qui fait que l’armée ukrainienne avance lentement mais sûrement. “Cela donne l’impression d’une contre-attaque qui se fait par à-coup, avec des Ukrainiens qui se comportent comme des chiens de chasse à l’affût et prêts à bondir dès qu’ils sentent une faiblesse chez l’ennemi”, décrit Glen Grant.

Vers un “tournant dans la guerre” ?

Cette stratégie a déjà permis à l’Ukraine de reprendre quelques villages et “de progresser aussi au nord de la région de Kherson autour de la ville de Vysokopillya”, souline Sim Tack.

Mais la prise de Kherson “représenterait probablement un tournant dans la guerre”, estime Glen Grant. Cette ville est, en effet, la seule capitale régionale ukrainienne en dehors du Donbass aux mains de la Russie. Moscou a déployé d’importants moyens pour “russifier” cette ville, en y installant des autorités d’occupation, en instaurant le rouble comme monnaie “officielle” et en incitant des fonctionnaires à s’y rendre pour assurer la continuité de l’État russe sur place.

Si l’Ukraine boute les Russes hors de Kherson “il serait impossible pour Moscou de continuer à prétendre que tout va bien en Ukraine”, note Aliyev Huseyn. Une telle perte représenterait “un coup au moral d’une armée russe qui n’est déjà pas très motivée”, souligne Glen Grant.

De quoi donner, potentiellement, un avantage décisif à l’armée ukrainienne dans toute la région. Si Kiev parvient à reprendre l’ensemble de l’oblast, “le pays aurait de nouveau accès à plusieurs ports sur la mer Noire qui pourraient faciliter les exportations ukrainiennes de céréales”, note Aliyev Huseyn.

Surtout, la Russie serait reléguée de l’autre côté du fleuve Dniepr ce qui offrirait à l’armée ukrainienne une ligne de protection naturelle. “Kiev pourrait ainsi probablement libérer une partie des troupes mobilisées dans cette région pour les réaffecter à d’autres fronts, comme dans le Donbass ou la région de Zaporijjia”, assure Sim Tack.

Moscou n’ignore pas ce risque et c’est, peut-être, en partie la raison pour laquelle la Russie a ralenti son effort de guerre dans le Donbass. Oleksiy Danilov, le secrétaire du Conseil de défense et de sécurité nationale d’Ukraine, a affirmé que Moscou est en train de redéployer un maximum de troupes” vers Kherson.

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