Au moins 18 personnes, dont une civile et un policier, ont été tuées lors d’une gigantesque opération policière pour freiner la “politique expansionniste” des gangs du Complexo do Alemao dans une favela de Rio de Janeiro. C’est le second bain de sang en quelques mois.
Il s’agit de la seconde opération policière au lourd bilan humain dans une favela de Rio de Janeiro en quelques mois. Au moins 18 personnes sont mortes, jeudi 21 juillet, lors d’une gigantesque opération policière contre le crime organisé au Brésil.
Parmi les personnes tuées, seize sont “suspectées” d’appartenir à des bandes criminelles, une autre est une habitante de la favela et une autre un membre des forces de l’ordre âgé de 38 ans, a indiqué un porte-parole de la police lors d’une conférence de presse.
Le bureau du Défenseur des droits et la Commission des droits de l’Homme du barreau brésilien ont déclaré séparément à l’AFP qu’ils disposaient d’informations faisant état d’un total de 20 morts, dont le policier et la femme.
Le décès de celle-ci, une femme de 50 ans nommée Leticia Marinho de Sales, fait l’objet d’une enquête. “Nous ne savons pas comment cela s’est passé”, a déclaré le colonel Rogério Lobasso, responsable de la police militaire pour l’opération, après avoir exprimé ses regrets.
Un homme se présentant comme le petit ami de la quinquagénaire a déclaré au site d’information G1 que la police avait tiré sur la voiture dans laquelle ils se trouvaient. “Il y avait un policier à un feu rouge, nous nous sommes arrêtés. Mais ils ont quand même tiré sur la voiture. Je l’ai juste vue tomber de mon côté. Quand je l’ai regardée, elle avait un trou dans la poitrine”, a déclaré Denilson Gloria.
Le président Jair Bolsonaro a, de son côté, regretté la mort du policier, Bruno de Paula Costa, sans évoquer les autres défunts. “Il est mort après un affrontement avec des bandits”, a déclaré le chef d’État d’extrême droite lors de sa traditionnelle émission sur les réseaux sociaux, dans laquelle il s’est par ailleurs plaint des supposées difficultés judiciaires rencontrées par les autorités pour mener des opérations dans les favelas.
Des civils utilisés comme boucliers humains
Près de 400 membres des forces de l’ordre ont participé à cette opération, avec plusieurs véhicules blindés et quatre aéronefs, dans cette favela tentaculaire pour y affronter un gang spécialisé dans le braquage de véhicules de transport de marchandises et de fonds.
Des habitants se sont plaints auprès de médias locaux de l’opération policière, au cours de laquelle des domiciles auraient été envahis.
Les témoignages recueillis par G1 font état d’échanges de coups de feu intenses entre les autorités et les criminels. Certaines vidéos postées par des internautes montrent une rafale de tirs contre un hélicoptère de la police.
Les autorités ont affirmé que leurs unités avaient été “violemment attaquées”, avec des tactiques “militaires et de guérilla”, au cours de l’opération, et ont accusé certains criminels présumés d’avoir utilisé des civils comme boucliers humains.
“La police doit réagir pour se protéger et protéger la population”, a remarqué Fabricio Oliveira, coordinateur de l’unité spéciale de la police civile (CORE), lors de la conférence de presse. Il a qualifié d'”emblématique” cette opération car elle s’est déroulée dans une zone traditionnellement interdite aux forces de l’ordre et où, selon lui, les criminels d’autres Etats brésiliens trouvent refuge.
Ronaldo Oliveira, sous-secrétaire aux opérations de la police civile, a dit pour sa part qu’il aurait préféré que les agents “aient capturé les 15 ou 14 (présumés criminels abattus), mais malheureusement ils ont choisi de tirer sur les policiers”.
Un plan pour éviter d’aussi lourds bilans jugé trop vague
Les autorités avaient auparavant expliqué que l’opération avait pour but de freiner la “politique expansionniste” des gangs du Complexo do Alemao dans “divers points de l’État de Rio de Janeiro”.
La Police militaire de l’État de Rio a affirmé sur Twitter que des “criminels” du Complexo do Alemao avaient mis le feu à des barricades, jeté de l’huile sur la voie publique et attaqué des policiers pour rendre l’opération plus difficile afin de pouvoir fuir.
La Cour suprême du Brésil avait ordonné en février à l’État de Rio de présenter un plan pour éviter d’aussi lourds bilans, et la stratégie a été présentée en mars, mais les organisations de défense des droits humains, qui dénoncent souvent de présumées exécutions extrajudiciaires lors de ce type d’opérations, l’ont jugée trop vague.
Une opération policière dans une favela, survenue en mai à Vila Cruzeiro, avait déjà coûté la vie à 25 personnes, dont 23 suspects. En 2021, 1 356 personnes ont été tuées par les forces de police dans cet État, soit le plus grand nombre de morts et de blessés dans des affrontements au Brésil, selon l’organisme Monitor da Violência.
Avec AFP