Le Parti démocrate a contribué à la victoire électorale, le 19 juillet, de Dan Cox, un conspirationniste soutenu par Donald Trump, lors de la primaire républicaine dans le Maryland. Les démocrates se sont ainsi immiscés dans plusieurs primaires du Parti républicain en vue des élections de mi-mandat. Ils ont favorisé les candidats les plus extrémistes, jugés plus faciles à battre. Un pari risqué.
Dan Cox est un grand fan de Donald Trump, un fervent conspirationniste et un antivax convaincu. Il a aussi remporté, mardi 19 juillet, la primaire à droite pour devenir le candidat des républicains au poste de gouverneur du Maryland lors des élections de novembre 2022.
Une victoire surprise dans un État modéré où le gouverneur sortant, Larry Hogan, est l’un des principaux membres du courant anti-trumpiste du Parti républicain.
“Les démocrates ont fait le jeu d’un cinglé Qanoniste”
Ce choix pour un candidat extrémiste soutenu par Donald Trump devrait être une mauvaise nouvelle pour le Parti démocrate. Ses dirigeants répètent inlassablement qu’ils estiment que l’ex-président américain et ses troupes sont une menace pour la démocratie. C’est tout l’enjeu des auditions de la commission parlementaire en charge de l’enquête sur l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021.
Mais dans le Maryland, il n’en est rien. C’est même tout l’inverse : Dan Cox doit sa victoire en grande partie au soutien des démocrates. L’Association des gouverneurs démocrates a, en effet, dépensé plus d’un million de dollars en publicités qui ont permis d’améliorer les chances du candidat le plus extrémiste face à Kelly Schulze, la protégée du gouverneur sortant et la favorite des républicains modérés.
“Dan Cox était quasiment inconnu des électeurs du Maryland et la victoire de Kelly Schulze semblait acquise avant l’intervention des démocrates dans cette campagne”, souligne Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas et spécialiste de la politique et de la société américaines.
Le but officiel de ces spots publicitaires était de mettre en garde contre Dan Cox. Mais les messages – il est le favori de Donald Trump, un fervent défenseur du droit de porter des armes et un militant anti-avortement – avaient de quoi mobiliser l’électorat le plus conservateur.
Personne n’a d’ailleurs été dupe. Larry Hogan, qui s’est empressé de dire qu’il ne soutiendrait pas Dan Cox, a regretté que “les démocrates [aient] ainsi fait le jeu d’un cinglé qanoniste [une théorie du complot selon laquelle les États-Unis sont dirigés en secret par une secte de démocrate sataniste qui sacrifie des enfants, NDLR]”. Même Fox News a souligné que les démocrates avaient aidé le poulain de Donald Trump dans le Maryland.
Le pari des démocrates est qu’un illuminé de la trempe de Dan Cox sera plus facile à battre qu’une candidate plus modérée comme Kelly Schulze. “C’est un investissement : l’Association des gouverneurs démocrates s’est dit qu’il valait mieux dépenser un million durant la primaire républicaine que plusieurs millions ensuite pour tenter de battre la favorite du gouverneur sortant”, résume Jean-Éric Branaa.
Les Machiavels du parti démocrate
Pour cet expert, le Maryland était “le laboratoire parfait pour ce type de stratégie qui est une nouveauté de ce cycle électoral”. C’est un État où le gouverneur sortant ne pouvait pas se représenter car il avait déjà été élu deux fois – ce qui représente le maximum légal de mandats successifs au Maryland – et qui avait voté en majorité pour Joe Biden face à Donald Trump lors de la présidentielle de 2020.
Après avoir poussé les républicains dans les bras de Dan Cox, les démocrates espèrent maintenant que mettre en avant quelques vérités sur ce personnage controversé suffira à le discréditer complètement.
Ils ont déjà commencé en rappelant que ce républicain avait assisté à une conférence de complotistes qui assuraient, notamment, que les attentats du 11 septembre 2001 n’étaient pas l’œuvre d’Al-Qaïda. Dan Cox a aussi financé des bus pour transporter des militants d’extrême droite à Washington, où ils ont participé à l’assaut sur le Capitole. Il a même tweeté pendant cette attaque que l’ancien vice-président Mike Pence était un “traître” à la cause trumpienne.
Dans un État comme le Maryland, cela devrait suffire à mobiliser les démocrates, et “pousser les indépendants et les républicains modérés à voter contre Dan Cox”, assure Jean-Éric Branaa.
Mais dans les autres États ? Les démocrates ont, en effet, utilisé les mêmes ficelles dans l’Illinois et en Pennsylvanie où ils ont dépensé des millions pour aider les candidats les plus conservateurs et pro-Trump – respectivement Darren Bailey et Doug Mastriano – à remporter les primaires à droite. Deux États où ils ont réussi leur opération cheval de Troie, contrairement au Colorado, où le favori des démocrates a échoué à s’imposer.
Une stratégie qui ne fait pas l’unanimité à gauche. “Je trouve choquant que des groupes de démocrates dépensent des sommes folles pour aider des candidats qui, s’ils venaient à être élus, feraient tout pour fragiliser la démocratie”, s’est indigné Kathleen Rice, une élue démocrate de New York, interrogé par le New York Times.
Mais, justement, pour ces Machiavels modernes, les candidats les plus extrémistes n’ont aucune chance. La page du trumpisme triomphant serait sur le point d’être tournée aux États-Unis. “Plusieurs candidats soutenus par Donald Trump lors des primaires ont connu des défaites retentissantes comme, dernièrement, en Géorgie. Cela suggère qu’un fossé est en train de se creuser entre le Parti républicain qui continue à virer toujours plus à l’extrême droite et un électorat qui deviendrait plus modéré”, explique Jean-Éric Branaa.
Roulette russe
Les détracteurs de cette stratégie rappellent qu’il ne faut pas oublier l’autre inconnue de l’équation électorale : la popularité de Joe Biden. Elle n’est, actuellement, pas au beau fixe et pourrait encore baisser d’ici les élections de mi-mandat en novembre. “Avec l’inflation qui persiste et la situation économique qui pourrait encore se dégrader, les candidats républicains que les démocrates jugent aujourd’hui inéligibles pourraient gagner simplement parce qu’ils ne sont pas du même bord que Joe Biden”, résume le New York Times.
La crainte est que les démocrates fassent la même erreur qu’en 2016, lorsqu’ils avaient sous-estimé les chances de Donald Trump, présenté comme un hurluberlu qui n’aurait aucune chance face à une candidate sérieuse comme Hillary Clinton.
Pour les républicains modérés, ce coup de pouce aux extrémistes prouverait que les démocrates n’ont pas appris de leur erreur. Pire, si en 2016 on ne savait pas encore de quoi Donald Trump était capable, cette fois-ci, c’est “jouer à la roulette russe” avec la démocratie, regrette Larry Hogan, le gouverneur du Maryland.