Après une courte carrière professionnelle et un titre de championne de France en 2012, Marion Rousse est désormais un personnage incontournable du cyclisme. Devenue une des voix de la discipline à la télévision, elle est également la directrice du Tour de France féminin, organisée pour la première fois de manière professionnelle en 2022. Entretien exclusif pour France 24.
Elle fait partie de cette “génération perdue” de coureuses n’ayant jamais pu courir le Tour de France. Marion Rousse, ancienne championne de France de cyclisme sur route, officiera du 24 au 31 juillet comme directrice de la première Grande Boucle féminine professionnelle de l’Histoire. “Une fierté” pour celle qui est également consultante toute l’année pour France télévisions, diffuseur de l’épreuve.
>> A lire aussi : Tour de France : qui est Marion Rousse, la directrice de la course féminine ?
France 24 a rencontré Marion Rousse le 25 juin à l’occasion des championnats de France de cyclisme sur route. La native du Nord, en couple avec le cycliste Julian Alaphilippe, a notamment pour objectif de faire de ce Tour de France féminin avec Zwift [plateforme mondiale de fitness en ligne] un événement rentable et donc pérenne pour les 100 prochaines années à venir. Elle espère surtout que cette Grande Boucle créera des vocations.
France 24 : Le grand jour approche. Nommée directrice du Tour de France féminin, que représente pour vous cette fonction ?
Marion Rousse : Ce poste de directrice du Tour, il représente beaucoup de choses. Il y a beaucoup de fierté. Quand on me l’a proposé, je me suis revue à l’âge de six ans commençant le vélo… Je me suis rappelé le chemin parcouru. Moi qui n’aie jamais pu participer au Tour de France, je suis ravie d’avoir un rôle dans cette épreuve grandiose.
Ce Tour de France féminin ne dure qu’une semaine, contre trois pour le Tour masculin. Comment expliquez-vous cette différence ?
Sportivement parlant, les filles seraient capables de tenir trois semaines. Le Giro Donne (Tour d’Italie féminin, NLDR) d’ailleurs est un peu plus long que le Tour de France et compte déjà dix étapes. Cependant, il faut comparer ce qui est comparable et ce n’est pas le cas quand on se mesure à ce qui se fait chez les hommes.
Dans les équipes masculines, il y a environ 30 coureurs. Donc elles peuvent se permettre d’envoyer des équipes sur plusieurs fronts. Dans les équipes féminines, il n’y a qu’une dizaine de coureuses. Donc si le TDF bloquait trois semaines du calendrier de compétition, ce serait au détriment d’autres courses. Nous n’avons pas envie de ça.
Il faut également voir que l’écosystème du cyclisme féminin reste faible. Il ne faut donc pas voir trop grand. On veut être encore là dans 100 ans. Donc on veut commencer par huit jours. Cependant, cette longue semaine s’effectuera dans les mêmes conditions que les hommes, avec la caravane sur toutes les étapes, des hébergements dans les mêmes conditions qu’eux. Et on ne ferme pas la porte à une durée plus longue du Tour de France Femmes dans le futur.
Au-delà de l’aspect sportif, vous vous donnez également comme objectif de créer des vocations ?
Il n’y a pas de mots sur l’impact que peut avoir ce Tour de France pour le cyclisme féminin. Que ce soit chez les hommes ou désormais chez les femmes, l’impact de cette course va bien au-delà du support.
Le milieu du cyclisme se féminise peu à peu. Personnellement, je suis fière à l’idée que des petites filles seront sur le bord de la route au mois de juillet pour apercevoir le Tour. Elles vont enfin pouvoir s’identifier à des championnes. Moi, quand j’allais voir les étapes du Tour et que je m’entraînais le soir en refaisant la course, je m’identifiais à Robbie McEwen (coureur australien trois fois vainqueur du maillot vert du classement à points entre 2002 et 2006, NLDR). Elles, elles auront enfin des modèles féminins.
Certains voient dans ce Tour une tentative de “féminismwashing” (un féminisme d’opportunisme), que répondez-vous à ces détracteurs ?
Je voudrais leur faire remarquer que la structure organisatrice, ASO, n’en n’est pas à son coup d’essai en matière de cyclisme féminin. Cela fait un moment qu’il le promeut : Tour du Qatar, Liège-Bastogne-Liège, la Flèche Wallone et désormais Paris-Roubaix. Nous sommes dans une continuité.
J’étais attentive à ça quand on m’a offert le poste. Je voulais que cette une course soit l’égale des hommes et pas une course secondaire. Christian Prudhomme, le directeur de la Grande Boucle masculine, est tout aussi impliqué dans le bon déroulé du Tour féminin. On veut que le Tour de France soit notre grand frère et devenir une véritable 4e semaine du Tour.