Au Sri Lanka, la crise politique a pris un nouveau tournant avec la fuite du président Gotabaya Rajapaksa mercredi 13 juillet. Dans la capitale, Colombo, plusieurs milliers de Sri Lankais ont pris d’assaut le bureau du Premier ministre, quelques heures après sa nomination comme président par intérim. Une manifestante témoigne.
Le président sri lankais Gotabaya Rajapaksa s’est envolé pour les Maldives à bord d’un avion militaire tôt mercredi 13 juillet, date à laquelle il avait promis de démissionner. Mais le dirigeant, accusé par les manifestants d’être à l’origine de la crise économique que traverse le pays, a pris la fuite avant d’avoir officiellement quitté le pouvoir. Le Premier ministre, Ranil Wickremesinghe, qui avait également promis de démissionner, a été désigné président par intérim. Ce dernier a déclaré qu’il ne quitterait son nouveau poste que lorsqu’un nouveau gouvernement aura été formé.
Après cette annonce, des milliers de manifestants ont à nouveau investi les rues de Colombo et ont fait irruption dans le bureau de Ranil Wickremesinghe afin de le forcer à démissionner.
Des manifestants entourent les locaux du bureau du Premier ministre le 13 juillet, après avoir fait irruption dans le bâtiment.
Le bâtiment où se trouve le bureau du Premier ministre est le dernier immeuble gouvernemental dont les manifestants ont pris le contrôle. Samedi 9 juillet, ils s’étaient déjà emparés du palais présidentiel et de la résidence du Premier ministre. Les deux bâtiments ont depuis été transformés en lieux de contestation accessibles au public.
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“Plusieurs ambulances étaient remplies de manifestants”
Nisha (pseudonyme), 28 ans, est une analyste financière originaire de Ratmalana, au sud de la capitale Colombo. Elle a participé aux manifestations ce mercredi 13 juillet. Elle raconte :
Le président avait déclaré qu’il allait démissionner aujourd’hui (mercredi 13 juillet NDLR). Nous avions donc prévu de nous rendre à Colombo pour nous assurer qu’il se conformerait à cette déclaration. Pour être honnête, nous ne faisons plus confiance à tout ce qui émane du gouvernement. Des milliers de personnes sont venues à Colombo pour cette raison.
Il a été très difficile d’y aller, car il n’y a presque pas de bus et nous rencontrons de nombreux problèmes de transport en ce moment à cause de la pénurie de carburant. En ce moment, nous n’avons pas de carburant pour nos propres véhicules. Nous avons donc pris le bus et il était bondé.
Quand nous sommes arrivés, vers 10 heures du matin, nous avons appris que l’actuel Premier ministre, Ranil Wickremesinghe, reprenait le rôle du président. Tout le monde a donc décidé de se diriger vers son bureau et d’essayer de manifester contre sa prise de fonction.
Il y avait beaucoup de militaires le long de la rue. Ils observaient les manifestations. Lorsque nous avons commencé à marcher vers le bureau du Premier ministre, ils sont venus et ont marché avec nous.
Je me trouvais assez loin, mais, devant moi, des personnes se faisaient gazer par la police. Il y avait un énorme nuage blanc de gaz lacrymogène. Plusieurs ambulances descendaient la rue vers nous : elles étaient remplies de manifestants. J’ai vu des gens qui saignaient : je pense qu’ils avaient été battus par la police. Il y a aussi des gens qui se sont évanouis à cause du gaz lacrymogène.
Selon CNN, au moins 30 personnes ont été hospitalisées après les manifestations. Les blessures ont majoritairement été causées par l’inhalation de gaz lacrymogène, mais le média rapporte également que beaucoup de manifestants se sont blessés en sautant par-dessus des barrières.
සාමකාමී ගෝල්ෆේස් විරෝධතාකරුවන් බිය කිරීම සදහා ආයුධ සහිත හෙලිකොප්ටර් යානා ඉතා පහතින් ගමන් කරයි.@UNHumanRights #military #galleface #Gohomegota2022 #Airforce pic.twitter.com/wHI07hwQnk
— Anuruddha Bandara (@A_Bandara94) July 13, 2022
Dans cette vidéo publiée sur Twitter le 13 juillet, un hélicoptère survole la foule de manifestants à Colombo.
Il y avait aussi un hélicoptère qui volait très bas au-dessus des manifestants. Nous pensions qu’il était juste là pour nous intimider. À un moment, il a volé très très bas et les gens ont paniqué et ont commencé à s’enfuir. Nous n’étions même pas violents, nous ne faisions que scander nos slogans.
Lorsque les gens ont commencé à essayer d’entrer dans le bureau du Premier ministre, je suis restée en arrière parce que j’étais avec ma sœur et j’étais inquiète pour sa sécurité.
The gates of the residence of the Prime Minister of Sri Lanka are stormed with a battering ram. pic.twitter.com/pIqjhfv2ok
— NEXTA (@nexta_tv) July 13, 2022
A video taken by Sri Lankan media shows protesters using a battering ram to break through the gates of the prime minister’s office.
“Ces bâtiments appartiennent au peuple, nous les avons payé avec nos impôts”
Nisha poursuit:
Les gens ne m’ont pas vraiment semblé en colère. Dans l’ensemble, nous avons juste l’espoir que quelque chose change. Cela fait trois mois que nous sommes dans les rues pour manifester. Et ça a été très difficile. Nos voitures sont coincées dans nos garages parce que nous n’avons pas de carburant. Les gens sont vraiment désespérés. Le président et le Premier ministre ont bénéficié pendant des mois de l’aide de la communauté internationale pour trouver une solution, mais rien n’a changé et ils nous ont plongés dans cette crise économique.
Le 9 juillet (en prenant d’assaut plusieurs lieux du pouvoir, NDLR), les manifestants savaient que le président et le Premier ministre n’étaient pas sur place. Ils y sont allés principalement pour le symbole. Ces bâtiments appartiennent au peuple car nous les payons avec nos impôts. Pour les manifestants, ces lieux ne devraient pas être interdits au public.
Nous voulons simplement un dirigeant qui soit juste et responsable. En attendant, les gens continueront à manifester.
Ranil Wickremesinghe, le nouveau président par intérim, a déclaré l’état d’urgence et imposé un couvre-feu au Sri Lanka, avant de rapidement revenir sur ces deux décisions.
Les manifestants ont aussi fait irruption dans les locaux de la télévision d’État et coupé la diffusion des programmes.
Des manifestations ont éclaté aux Maldives, quelques heures après l’atterrissage du président sri lankais. Les manifestants ont exhorté le gouvernement maldivien à ne pas lui offrir refuge.