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En Floride, une synagogue fait valoir la liberté religieuse pour défendre l'IVG

Une plainte déposée par une congrégation juive argue que les restrictions à l’avortement qui doivent entrer en vigueur en Floride en juillet empiètent sur le droit à la liberté religieuse. Au lendemain de la remise en cause par la Cour suprême de l’arrêt Roe vs Wade, cette action pourrait-elle servir de modèle à d’autres contestations judiciaires ?

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La Floride n’a pas attendu la décision de la Cour suprême sur l’arrêt Roe vs Wade pour durcir les conditions d’accès à l’avortement. En réaction, une synagogue du comté de Palm Beach a porté plainte vendredi 10 juin contre son État pour lui demander de renoncer à sa loi anti-IVG. Selon cette plainte, la nouvelle législation va à l’encontre de la liberté religieuse et de la loi juive qui garantit le droit à l’avortement.

À partir du 1er juillet, le droit des Floridiennes à avorter sera en effet considérablement restreint. Passé quinze semaines, elles n’auront plus le droit d’interrompre leur grossesse – contre vingt-quatre semaines auparavant – et ce, même en cas de de viol ou d’inceste. Les seules exceptions autorisées seront un “risque grave” pour la santé de la mère, ainsi qu’une anomalie pouvant entraîner la mort du fœtus.

Or, ces restrictions vont à l’encontre du droit des femmes juives à avorter mais aussi au droit à la vie privée et à la liberté religieuse garantie par la constitution de l’État de Floride, affirment les 150 plaignants de la congrégation progressiste L’Dor Va-Dor emmenée par le Rabbin Barry Silver.

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“La loi juive”

D’après la plainte déposée par la synagogue, “si un fœtus représente une menace à la santé ou au bien-être de sa mère, à n’importe quelle étape de la grossesse, la loi juive non seulement recommande, mais impose à la mère de l’interrompre pour se protéger”.

Cette action en justice a été préparée en amont de la décision attendue de la Cour suprême des États-Unis qui a mis fin vendredi 24 juin au droit fédéral en vigueur depuis 1973 d’avorter dans tout le pays.

La remise en cause de l’arrêt Roe vs Wade permet désormais à chaque État de voter ses propres lois sur l’IVG. Ainsi, 26 États conservateurs devraient bientôt limiter ou interdire l’avortement.

En Floride, le gouverneur républicain Ron DeSantis a rapidement promis d’étendre “les protections en faveur de la vie”, en plus de la nouvelle législation qui doit entrer en vigueur début juillet.

À l’image de la congrégation juive de Palm Beach, de nombreux Américains favorables au droit à l’avortement ont vertement critiqué la décision de la Cour suprême. “Le National Women’s Law Center” a ainsi dénoncé “une attaque extrémiste”, tandis que le président américain, Joe Biden, a promis que son administration ferait tout pour préserver les droits des femmes à avorter.

Si la plainte déposée par la synagogue contre l’État de Floride peut paraître anecdotique, elle s’appuie toutefois sur une jurisprudence bien établie. Aux États-Unis, la liberté religieuse est inscrite dans le premier amendement de la Constitution, contrairement au droit à l’avortement.

Mettre en avant la liberté religieuse “offre une base légale bien plus solide” que d’essayer de réintroduire des lois en faveur de l’IVG, analyse Emma Long, professeur de droit et de sciences politiques à l’université d’East Anglia en Angleterre. “Juridiquement, c’est très malin. Faire de cette question une affaire constitutionnelle, c’est la seule alternative”.

Influence croissante des évangélistes

De manière générale, la loi juive stipule que la vie commence à la naissance. Avant cela, la vie de la mère est considérée comme prioritaire. “Dans le but de favoriser la santé de la femme enceinte, l’avortement est permis et même obligatoire dans certains cas”, précise Samira Mehta, spécialiste des questions de genre et professeure d’études juives à l’université du Colorado.

Ce positionnement peut toutefois varier en fonction des communautés. Cependant, “il y a un consensus sur le fait que l’avortement est un droit”, affirme Samira Mehta. “Et que ce droit relève de la religion, non pas d’une décision politique”.

Historiquement, les tribunaux américains sont sensibles aux arguments portés par des minorités religieuses qui cherchent à s’extraire de la loi générale pour préserver leurs traditions. Ainsi, en 1996, les groupes amérindiens ont été autorisés à consommer du peyotl [aussi appelé mescal], une substance hallucinogène interdite, dans le cadre de cérémonies religieuses.

“Cependant, depuis les quinze dernières années, la Cour suprême a utilisé l’argument de la liberté religieuse pour favoriser les groupes religieux majoritaires, en particulier les chrétiens évangéliques“, analyse Emma Long.

Selon le Conseil national des Femmes juives, la question de l’avortement aux États-Unis a été dominée par les chrétiens tandis que les “voix juives” ont été totalement ignorées. Un avis partagé par congrégation L’Dor Vador qui assure que les nouvelles législations anti-IVG “imposent aux juifs les lois d’autres religions”.

“On constate qu’aux États-Unis une minorité conservatrice très puissante parmi les protestants et les catholiques cherche à imposer des comportements qui vont à l’encontre d’autres croyances religieuses”, estime Samira Mehta. “Or, la liberté religieuse est profondément ancrée dans le droit américain. Que se passe-t-il alors quand ces droits entrent en conflit ?

“Plus rien à perdre”

La procédure judiciaire initiée par la synagogue L’Dor Vador pourrait ouvrir la voie à des plaintes similaires dans d’autres États et avoir potentiellement des implications au niveau national.

Cependant, l’issue reste plus qu’incertaine, explique Samir Mehta. “Le plus probable est qu’il n’y aura pas de victoire rapide ou facile pour ceux qui luttent contre le droit à l’avortement. Au lieu de cela, on peut prédire de nombreux obstacles juridiques et des batailles âpres dans chaque États”.

>> À lire aussi sur France 24 : DROITS DES FEMMES – Témoignages : au Texas, avorter est déjà quasi-impossible

À cet égard, l’issue de la plainte déposée en Floride pourrait s’avérer cruciale. En cas d’échec, d’autres tribunaux pourraient être tentés de rejeter des plaintes similaires, faisant reculer encore un peu plus le droit à l’avortement aux États-Unis.

“L’enjeu est en effet très important”, affirme Emma Long. “Mais on peut aussi estimer que depuis la remise en cause de l’arrêt Roe vs. Wade, il n’y a rien plus rien à perdre en essayant”.

Article traduit et adapté de l’anglais par Grégoire Sauvage. L’original est à retrouver ici.

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