À l’issue d’un Conseil européen qui accorde le statut de candidat à l’Union européenne à l’Ukraine, et à la Moldavie – et après un sommet des Balkans occidentaux –, nous recevons le Premier ministre albanais, Edi Rama. Son pays, candidat depuis 2014, n’a obtenu aucune avancée dans les négociations de son processus d’adhésion.
Edi Rama, affirme son soutien à la décision par le Conseil européen, prise à l’égard de l’Ukraine, “même si ce sera un long chemin”. Il rappelle d’ailleurs son récent voyage à Kiev avec les Premiers ministres du Monténégro et de la Macédoine du Nord, trois pays membres de l’Otan. Mais il n’a pas de mots assez forts face au veto de la Bulgarie qui bloque l’avancée des négociations pour l’entrée de l’Albanie et de la Macédoine du Nord dans l’Union, en raison d’un différend avec ce dernier pays. “Je suis amer à l’égard de la Bulgarie, triste pour l’Union européenne. C’est une impuissance qui fait peur, ce que fait la Bulgarie. C’est un pays de l’Otan qui prend en otage deux autres pays de l’Otan, au moment-même où il y a une guerre à la frontière de l’Europe, devant 26 pays qui ne peuvent rien faire.”
Une réforme de la justice “modèle”
Sur la question de l’État de droit dans les Balkans, pointée par la Cour des comptes européenne, il insiste sur les progrès accomplis. “L’Albanie est à l’avant-garde de la région, nous sommes en train d’implémenter une réforme de la justice tenue par tous comme un modèle”.
Il rappelle que cette réforme de la justice n’épargne personne, pas même certains politiciens de son propre parti qui ont parfois été condamnés. “C’est un système judiciaire qui commence, il n’est pas encore dans les standards de l’UE mais il mène des investigations et fait des procès.”
Communauté politique européenne : “une bonne idée”
Edi Rama soutient la proposition de communauté politique européenne, émise par Emmanuel Macron – différente de l’Union européenne – pour resserrer les liens avec des pays qui n’appartiennent pas encore à l’UE. “Cette idée, c’est la bonne : une communauté politique avec tous les pays qui font partie de cette même famille démocratique ou qui aspirent à le devenir et vivent dans la même maison, mais à différents étages, en faisant les grands débats ensemble.”
Le Premier ministre albanais rappelle que les Balkans sont entourés à leur frontière par l’Union européenne et que, par exemple, lors de la pandémie, ils n’ont pas reçu de vaccins de la part de l’Union. “On a dû se tourner vers la Turquie, sinon nous aurions eu des morts innombrables.”
La crainte d’une guerre en Ukraine qui dure
Sur l’issue de la guerre en Ukraine, il prévoit une guerre longue, qui oppose bien sûr la Russie et l’Ukraine, mais aussi la vision impérialiste du monde et celle de la défense du droit des États souverains face aux menaces sur leur territoire.
Cette guerre, selon lui, teste la patience russe et occidentale. Sachant qu’on a “une grande communauté dans le monde libre qui n’aura peut-être pas la patience d’aller jusqu’au bout face à l’inflation et aux difficultés, dans un monde qui cultive les égoïsmes et le nationalisme.”
Les liens avec la Russie sont différents suivant les pays des Balkans : l’Albanie a des relations minimales avec la Russie, pas de relations commerciales, pas de livraison de gaz russe, à la différence de la Serbie, plus proche de Moscou. Mais selon Edi Rama cela ne doit pas entacher leurs liens : “Il ne faut pas laisser cette guerre toucher les Balkans, c’est la chaîne la plus vulnérable de l’Europe.”
Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats, Sophie Samaille et Georgina Robertson