Moderna est le premier laboratoire à s’être publiquement félicité, mardi, de l’efficacité d’une mise à jour de son vaccin face aux sous-variants BA.4 et BA.5 de la souche Omicron du Covid-19. Pour la première fois dans la lutte contre la pandémie, l’entreprise américaine a développé un vaccin bivalent. Un type de vaccin qui doit protéger à la fois de la souche originelle du virus et contre la mutation Omicron.
C’est un communiqué de presse qui tombe à pic. Moderna a annoncé, mercredi 22 juin, que la dernière version modifiée de son vaccin phare contre le Covid-19 se révélait plus efficace que les précédents pour protéger contre les sous-couches BA.4 et BA.5 du variant Omicron du coronavirus.
En effet, les tests préliminaires sur l’humain ont démontré une efficacité jusqu’à six fois plus élevée pour combattre Omicron que la mouture initiale du vaccin de Moderna.
Plusieurs antigènes dans un même vaccin
Et ce n’est pas un luxe face à un variant qui est de plus en plus dominant dans le monde. En France, la reprise épidémique se confirme à un moment où la baisse du nombre d’admissions à l’hôpital de personnes contaminées par le Covid-19 s’est arrêtée, constate le quotidien Libération. Un horizon plus sombre qui serait essentiellement dû aux souches BA.4 et BA.5 d’Omicron, en train de s’imposer dans l’Hexagone.
Car avoir été vacciné deux ou trois fois et même avoir déjà été contaminé par la souche Omicron ne fournirait pas une protection adéquate contre ces deux nouveaux enfants terribles du virus, selon des chercheurs de l’école médicale de l’université de Harvard.
Face à la menace d’un été et surtout d’un automne qui pourraient être marqués par un grand retour de l’épidémie, la cavalerie Moderna semble donc arriver à temps. Et pas avec n’importe quel produit.
La piqûre de rappel que le laboratoire américain préconise est un vaccin bivalent. “C’est quand il y a deux antigènes dans le même vaccin”, explique Pierre Saliou, professeur agrégé du Val-de-Grâce et spécialiste des questions de vaccination.
En l’occurrence, Moderna a modifié son produit initial pour qu’il suscite la fabrication, par le système immunitaire, d’anticorps contre la souche originelle du Sars-CoV-2 et contre Omicron.
Il n’y a rien de révolutionnaire dans ce procédé. D’autres vaccins bivalents ou multivalents existent déjà depuis des années, à commencer par celui contre la grippe. “Généralement, ce sont des vaccins quadrivalents qui s’attaquent donc à quatre souches différentes de grippe”, précise Pierre Saliou.
Certains composés vaccinaux permettent même de protéger contre plus de vingt mutations d’une même maladie, comme c’est le cas avec certains vaccins contre des pneumocoques, qui sont des infections bactériennes.
Le tournant Omicron
Ce type de vaccin n’est pas limité à la lutte contre différentes formes d’un même virus : il peut aussi contenir des antigènes contre plusieurs maladies très différentes. “C’est par exemple le cas de celui qui est administré aux nourrissons pour les protéger de la diphtérie, du tétanos, de la coqueluche, de la poliomyélite et des infections à Haemophilus Pneumoniae de type b”, rappelle Pierre Saliou.
Mais, jusqu’à aujourd’hui, ce type de vaccin n’avait pas encore été mis au point pour le Covid-19, malgré un nombre toujours plus important de mutations du virus. “C’est simplement parce que les vaccins qui protègent contre la souche de Wuhan étaient jusqu’à présent suffisants pour les autres mutations. Cela ne semble plus être le cas avec Omicron”, souligne Penny Ward, professeure invitée en médecine pharmaceutique au King’s College de Londres.
Le développement par Moderna d’une dose de rappel bivalente démontre qu’on en est à un tournant de l’évolution du virus. Les premières générations de vaccins commencent à montrer leurs limites. “Les autres laboratoires doivent sûrement être en train de faire le même travail, c’est seulement qu’ils communiquent moins que Moderna”, estime Jonathan Stoye, virologue et responsable de recherche au Francis Crick Institute de Londres.
Ces vaccins multivalents sont “un peu plus cher à développer, et il est plus compliqué de les conserver car il faut faire attention à ce qu’il reste stable et que les molécules ne se mélangent pas”, résume Penny Ward. Mais alors pourquoi ne pas se concentrer sur le développement de vaccin spécifiquement étudié pour lutter contre Omicron spécifiquement ?
Le problème vient du Sars-CoV-2 qui a su se montrer particulièrement imprévisible. “Son évolution n’est pas linéaire et les mutations partent dans tous les sens”, souligne Jonathan Stoye. Rien ne dit qu’à l’automne une nouvelle souche, plus proche du variant Delta que d’Omicron, ne voie le jour. Auquel cas un vaccin qui protège contre la forme originelle du Covid-19 – qui a déjà démontré son efficacité contre d’autres souches – serait plus adapté qu’un autre uniquement destiné à protéger contre Omicron et ses sous-variants.
Dans l’attente des données scientifiques précises
Omicron est le premier variant qui semble confirmer ce que certains scientifiques affirment depuis longtemps : le Covid-19 va devenir une maladie qui, à l’instar de la grippe, nécessitera des mises à jour régulières du dispositif vaccinal.
Ce qui fait remonter à la surface le débat autour d’un potentiel vaccin universel contre l’ensemble des coronavirus. “C’est très différent des vaccins multivalents en ce qu’il s’agit d’une molécule capable de créer des anticorps protégeant de toutes les formes, même à venir, d’un virus”, explique Pierre Saliou.
Un remède miracle “encore très loin d’être d’actualité en ce qui concerne le Covid-19”, assure Penny Ward. La faute à “tout ce qu’on ne sait pas encore sur l’action du virus sur le système immunitaire”, précise Jonathan Stoye. Preuve que la quête du vaccin universel est difficile à mener à bien : “On n’en a toujours pas trouvé pour la grippe alors qu’on y travaille depuis beaucoup plus longtemps”, note Penny Ward.
Mais ce n’est pas parce qu’un laboratoire sort son vaccin 2.0 qu’il faudra forcément l’administrer à tout le monde tout de suite. “L’annonce de Moderna est une bonne nouvelle, mais il manque encore les données scientifiques qui nous permettraient – à nous, la communauté scientifique – de mieux comprendre comment ce vaccin bivalent fonctionne”, affirme Christine Dahlke, spécialiste des vaccins au Centre allemand de recherche sur les maladies infectieuses.
Une donnée qui manque, par exemple, est celle qui permettrait de comparer “le niveau de protection contre BA.4 et BA.5 de ce vaccin par rapport à celle dont disposent des personnes qui ont déjà été infectées par Omicron”, souligne cette experte. Une telle information permettrait, d’après elle, de savoir s’il ne convient pas de réserver ce rappel aux personnes âgées et à ceux qui ont une comorbidité. Du moins, dans un premier temps.