Alors que la Belgique a remis le 8 juin un masque traditionnel à la République Démocratique du Congo, acheté pendant l’époque coloniale, des utilisateurs affirment que ce masque est un faux. À l’appui, ils publient une photo d’archives censée montrer le véritable masque. En réalité, il s’agit de deux masques différents, comme l’explique le conservateur du musée responsable du prêt.
La vérification en bref :
- Des utilisateurs affirment que le masque n’est qu’une copie. Pour preuve, ils partagent une photo d’archive en noir et blanc montrant un masque “Kakuungu”, qui ne ressemble pas à celui rendu par la Belgique le 8 juin.
- Ces deux photos montrent en réalité deux masques différents, comme l’explique le conservateur du musée Royal de l’Afrique Centrale, le propriétaire du masque traditionnel.
La vérification en détail :
Un “Kakuungu”, un masque congolais rare utilisé lors de rites initiatiques ou de cérémonies de guérison, a été prêté “pour une durée illimitée” par la Belgique à la République démocratique du Congo, lors d’une visite officielle de la famille royale belge le 8 juin dernier.
Depuis, une image en noir et blanc circule, présentée comme une photo de l’objet datant de 1939. Mais le masque de cette photo et celui donné par la Belgique sont différents. Celui qui est désormais visible à Kinshasa a de plus grosses joues, des cheveux plus épais, des yeux plus enfoncés, que celui apparaissant sur la photo d’archive. Pour certains, cela signifie que la Belgique n’a prêté qu’une mauvaise copie du masque Kakuungu et a voulu duper les Congolais.
La photo a été partagée sur Facebook comme ici et ici le 13 juin, et ici le 14 juin, ou sur Twitter, comme ici, le 13 juin. Une vidéo partageant l’intox a également été publiée sur YouTube le 16 juin.
Deux masques congolais “Kakuungu” différents
Contacté par notre rédaction, Julien Volper, conservateur en charge des collections ethnographiques au musée Royal de l’Afrique Centrale (MRAC) à Tervuren, en Belgique, l’établissement responsable du prêt, affirme que le masque Kakuungu prêté est authentique. La photo en noir et blanc en montre un différent, qui n’existe pas dans les collections européennes.
“Le masque envoyé en prêt relève des collections du MRAC et a comme numéro EO.1953.74.4158. Il avait été collecté par l’un de mes prédécesseurs, le docteur Albert Maesen, en 1954, dans le village de Pungu Luala [en RDC]. Le masque avait été sculpté par un dénommé Nkoy.
Le masque qui figure sur le cliché [en noir et blanc] est enregistré sous le numéro EP.0.0.14597 dans les collections d’archives photographiques du musée […]. Il n’a jamais fait partie des collections du MRAC…et je ne l’ai jamais vu dans une autre collection muséale ou privée. Il est fortement plausible qu’il n’ait jamais été collecté.
Si l’iconographie de ces masques kakuungu/kazeba (kazeba est considérée comme la “femme” de kakuungu) est relativement semblable d’un exemplaire à l’autre, les styles en revanche sont différents et expriment l’individualité créative des sculpteurs.
Dire que ce masque est un faux, sous prétexte qu’il ne ressemble pas à celui de la photo, revient à partir du postulat qu’il n’existe qu’un seul masque kakuungu (celui de la photo). Or, le corpus de kakuungu / kazeba comporte plusieurs dizaines d’exemplaires en collections publiques ou privées”.
Le musée a envoyé à notre rédaction une reproduction de la photo d’archive. Le nom du photographe et la date de la photographie sont inconnus.
En 2021, la Belgique avait annoncé son intention de rendre “aliénables” les biens hérités de son passé colonial, c’est-à-dire de les transférer dans le domaine privé, afin de les restituer à la RD Congo. En février 2022, les autorités belges ont donné l’inventaire de ce patrimoine à son ex-colonie, afin que le pays puisse procéder, à partir de ces données, à des demandes de restitution. Plusieurs dizaines de milliers d’objets seraient concernés.
La Belgique a contrôlé la République démocratique du Congo du XIXe siècle jusqu’à ce que le pays obtienne son indépendance en 1960. Environ 10 millions d’Africains sont morts sous le règne du roi Léopold II dans des violences coloniales et des maladies.