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Maroc : les migrants subsahariens pris dans une nouvelle vague d’arrestations

Des familles arrêtées en pleine nuit à leur domicile, jetées dans des bus et abandonnées à leur sort dans des villes en plein désert : plusieurs migrants issus d’Afrique subsaharienne et vivant au Maroc ont contacté notre rédaction depuis le 17 juin, s’inquiétant d’une vague d’arrestations particulièrement féroce à Laâyoune, une ville connue pour être un point de départ des candidats à l’immigration vers les îles Canaries, en Espagne.

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Koffi (pseudonyme) est ivoirien, il habite dans le quartier “25 mars”, à Laâyoune, au Maroc, où vivent de nombreux  migrants dans l’attente de pouvoir rejoindre les îles Canaries, en Espagne, via l’océan Atlantique. Il dénonce des arrestations violentes :    

La police débarque au milieu de la nuit, parfois vers 5 heures du matin, quand tout le monde est endormi. Ils frappent deux ou trois fois, et si personne n’ouvre, ils défoncent la porte et font sortir tout le monde, y compris les femmes et les enfants. Pour échapper à la police,  certains sont prêts à prendre tous les risques : un ami s’est cassé le bras en sautant par la fenêtre.

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Ces migrants sont originaires de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Mali ou encore du Togo. Dans une vidéo, tournée dans une chambre d’hôpital de la ville, l’un d’eux, le bras dans le plâtre, raconte comment il s’est blessé en sautant du troisième étage pour échapper à la police, début juin.   

Dans cette vidéo, un migrant raconte comment il s’est cassé le bras en sautant du balcon dans sa tentative de fuite. 

Il était 6 h du matin. On dormait et, d’un coup, on a entendu des bruits dehors. On a sorti la tête et on a vu que c’était la police. Elle nous a poursuivi. On a voulu descendre par le balcon. On était plusieurs personnes. Certains sont descendus sans problème. Mais nous, bon….

Sur le coup on n’a pas ressenti de douleurs, mais trente minutes après, on avait du mal à marcher. On ne savait pas quoi faire, alors on est venus à l’hôpital, ici.  

Je suis à l’hôpital depuis dix jours. Je dois normalement avoir des opérations chirurgicales.

Selon Hassan Amari, militant au sein de l’association marocaine des droits humains (AMDH) qui suit la situation, ces arrestations de migrants ne sont pas faites dans les règles, “car les policiers font irruption dans les domiciles sans disposer d’une décision de justice”. 

Après leur arrestation, plusieurs migrants disent avoir été enfermés pendant plusieurs jours dans un centre de rétention qu’ils décrivent comme insalubre, en périphérie de Laâyoune. Certains ont été par la suite embarqués dans des bus et emmenés vers d’autres régions, souvent en plein désert, près de la frontière avec l’Algérie. 


Cette vidéo a été filmée par Aminata (pseudonyme). Elle montre des migrants en train de marcher dans la rue, dans la ville de Tata, dans la nuit de samedi à dimanche 19 juin. 

Dimanche 20 juin, Aminata a pu retourner à Laâyoune avec plusieurs autres migrants : 

Nous avons pris un taxi de Tata jusqu’à Agadir, à 120 dirhams (environ 11 euros) par personne. 

De là, nous avons pris un bus pour Tan-Tan, [à 330 kilomètres au sud d’Agadir, non loin de la côte atlantique, NDLR], à 150 dirhams (environ 14 euros).

Nous sommes descendus du bus avant d’entrer dans la ville de Tan-Tan pour éviter un barrage de police. Nous avons donc marché 5 kilomètres pour entrer dans cette ville. 

À partir de là, nous avons pris une ‘auto-mafia’ pour rentrer à Laâyoune, que nous avons payé 350 dirhams (environ 33 euros).

Plusieurs migrants que nous avons contactés évoquent l’existence de ces “auto-mafias” : il s’agit de contrebandiers qui transportent les candidats à l’immigration vers les villes points de passage, comme Laâyoune et Dakhla, dans le Sahara occidental. 

“Pour éviter les arrestations, on part se cacher dans des chantiers”

Koffi (pseudonyme) a pris ce type de véhicules à plusieurs reprises pour se rendre depuis Agadir à Laâyoune :   

Les ‘auto-mafias’ transportent les migrants dans des 4X4 dont ils arrachent les sièges pour avoir le maximum de places. Ils les entassent parfois à 14 personnes à l’arrière du véhicule. Ces voyages coûtent chers. Selon la distance, le prix peut atteindre plus de 100 euros. Les conducteurs sont des Marocains et des Sahraouis. Ils conduisent sur des pistes à travers le désert car s’ils empruntent la route ils se font repérer et arrêter par la police et les gendarmes.

Koffi affirme que les autorités marocaines ont considérablement durci les contrôles depuis la reprise de la coopération avec l’Espagne en matière de migration, début mai. Cette coopération était interrompue pendant deux années en raison de la pandémie de Covid-19 et d’une crise diplomatique entre les deux pays. 

Depuis deux semaines, la police mène des opérations pratiquement toutes les nuits dans les quartiers de migrants. Alors, pour éviter les arrestations, on quitte nos maisons à 17 heures tous les jours et on part se cacher dans des chantiers en dehors de la ville. On revient chez nous à 10 heures du matin pour dormir, prendre un peu de repos. Puis, à 17 heures, on recommence…C’est épuisant. 

En outre, désormais, quand la police arrête les migrants, elle leur enlève les téléphones portables pour qu’ils ne puissent pas filmer. Comme ça il n’y a pas de preuves s’ils sont maltraités ou battus. Cela explique pourquoi il y a peu de vidéos des arrestations qui circulent sur les réseaux sociaux.


Vidéo transmise à la rédaction des Observateurs de France 24, qui montre deux migrants prendre la fuite quand deux véhicules de police qui tentent de les arrêter. 

Les autorités marocaines n’ont pas communiqué le nombre des personnes arrêtées depuis le début de cette vague. Hassan Amari, de l’AMDH, estime lui que plus de 1 000 migrants ont été arrêtés depuis le début du mois de juin. 

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