Des hommes entassés les uns sur les autres, parfois en très mauvaise santé : c’est ce que montrent des images prises dans les cellules de trois postes de police du nord de la Colombie, à la mi-mai. La délégation du Défenseur du Peuple qui a pris ces images dénonce les mauvaises conditions de détention de ces personnes, enfermées parfois depuis plusieurs années.
“Soixante personnes dans une pièce de 4m2, nous ne pouvons pas vivre”, dénonce un homme dans une vidéo, tournée dans une cellule du principal poste de police de Riohacha, le chef-lieu du département de La Guajira, dans le nord de la Colombie. Une vingtaine d’hommes y sont visibles, par terre et dans des hamacs.
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Cette vidéo a été tournée par une délégation du Défenseur du Peuple, une institution de l’État colombien veillant à la protection des droits de l’Homme, dans le cadre d’une mission réalisée à La Guajira, à la mi-mai. À cette occasion, elle a également visité deux autres postes de police, dans les villes de Maicao et San Juan del Cesar.
“Les postes de police ne sont pas conçus pour accueillir des détenus dans la durée, donc pour eux, c’est pire que la prison”
La délégation du Défenseur du Peuple dénonce les conditions de détention dans ces trois postes de police :
Lors de notre visite au principal poste de police de Riohacha, 356 personnes étaient détenues dans deux cellules de 5m2 environ et dans un couloir de 2m2 environ, alors que sa capacité d’accueil est de 80 places. Elles étaient accusées de vol, d’extorsion, d’arnaque, d’homicide, de délit sexuel…
“Le problème de la surpopulation carcérale s’est transféré aux postes de police”
Ce problème de surpopulation date surtout de la pandémie de Covid-19. Avant, si une personne était arrêtée et envoyée au poste de police, une audience devait avoir lieu dans les 36 heures pour déterminer si elle était placée en détention provisoire en prison, ou non. Or, durant la pandémie, les prisons du pays ont cessé d’accueillir de nouveaux détenus, pour limiter les risques de contagion à l’intérieur, et même actuellement, elles reçoivent très peu de nouvelles personnes. Du coup, le problème de la surpopulation carcérale s’est transféré aux postes de police. De plus, il y a très peu de juges à Riohacha pour traiter les cas des personnes arrêtées.
Théoriquement, les personnes arrêtées ne devraient donc pas rester plus de 36 heures au poste de police. Mais à Riohacha, presque tous les détenus étaient là depuis plus longtemps. L’un d’eux était même là depuis cinq ans.
“Aucun médecin ne vient jamais les voir”
Les postes de police ne sont pas conçus pour accueillir des détenus dans la durée, donc pour eux, c’est pire que la prison. Par exemple, sur le plan de la santé, rien n’est prévu, aucun médecin ne vient jamais les voir. La police appelle l’ambulance uniquement en cas d’urgence vitale. Du coup, les détenus sont en mauvaise santé. On en a vu un, enfermé depuis trois ans, qui avait un problème rénal, de la fièvre, et apparemment, il y avait du sang dans son urine : nous avons exigé qu’il voie un médecin à l’extérieur. Mais il a ensuite dû revenir au poste de police.
“Ce n’est pas une façon de traiter un être humain, je ressens une forte douleur depuis deux jours, et ils ne m’ont pas encore fait sortir, ils attendent que je meure”, dit ce détenu, dans une cellule du principal poste de police de Riohacha, à la mi-mai. Il a ensuite pu voir un médecin, avant de revenir au poste de police. © Défenseur du Peuple (vidéo floutée par France 24).
De plus, les détenus ne se lavent presque jamais, même si des bassines leur sont parfois fournies pour cela. Donc beaucoup ont des problèmes de peau, et cela sent mauvais dans les cellules.
En outre, la mairie de Riohacha fournit la nourriture aux détenus, car c’est son devoir, mais en quantité insuffisante, ce qui ne les aide pas à rester en bonne santé.
“Les détenus sont enfermés tout le temps”
L’autre problème des postes de police, par rapport aux prisons, c’est l’absence de cour où les détenus peuvent sortir : ils sont donc enfermés tout le temps. De plus, la police n’est pas en capacité de gérer les visites des familles des détenus. Certains reçoivent donc des visites, mais une fois tous les six mois. Par conséquent, il y a des problèmes de santé mentale chez les détenus.
Dans l’une des cellules du poste de police de Riohacha, il y a un WC, mais dans l’autre, il n’y en a pas : les détenus font donc leurs besoins dans des sachets.
Unique WC dans cette cellule du principal poste de police de Riohacha, à la mi-mai. © Défenseur du Peuple (vidéo floutée par France 24).
“Ils faisaient leurs besoins dans les petites boîtes où ils recevaient la nourriture”
Cela dit, concernant l’insalubrité, le poste de police de Maicao est encore pire. Lors de notre visite, il y avait 170 détenus, pour une capacité d’accueil de 60 places. La plupart étaient dans deux cellules, sans WC, donc ils faisaient leurs besoins dans les petites boîtes où ils recevaient la nourriture. Ils les jetaient ensuite dans un patio, où il y avait de fortes odeurs et des mouches. Certains détenus étaient également dans un hangar – avec WC – et dans un couloir.
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Concernant le poste de police de San Juan del Cesar, il y avait 25 détenus dans deux cellules, pour une capacité d’accueil de cinq places. La mairie ne leur donnait pas à manger, alors que c’est son devoir. C’était donc les familles de quelques détenus qui apportaient la nourriture, qu’ils se partageaient.
Selon le Défenseur du Peuple, près de 21 000 personnes étaient détenues dans les postes de police du pays en mai, pour une capacité d’accueil de 6 983 places. Les endroits les plus critiques se trouvaient sur la côte caribéenne et dans les départements d’Antioquia et Valle del Cauca.