Début mai, le pape François est arrivé à une audience en fauteuil roulant. Il vient aussi d’avancer la date d’un Consistoire et effectuera un déplacement à haute portée symbolique fin août. Il n’en fallait pas moins pour susciter les hypothèses les plus variées sur la démission prochaine du souverain pontife argentin.
La santé du pape François est scrutée avec plus d’attention qu’à l’habitude en ce début juin. Comme le rapportent The Guardian et Le Point, plusieurs signes qu’on pourrait croire annonciateurs encouragent dans la cité papale les rumeurs sur une éventuelle abdication.
Le 5 mai, François, qui souffre de douleurs persistantes au genou droit et à la hanche est arrivé en fauteuil roulant à une audience. La veille, place Saint-Pierre, le prélat de 85 ans était apparu en délicate posture, s’appuyant sur deux personnes du protocole pour se lever et marcher à leur bras. Il n’en fallait pas moins pour faire repartir les hypothèses de maladie grave, et donc de démission.
Selon le journaliste suisse, spécialiste du Vatican, Arnaud Bédat, cette apparition publique a surpris tout le monde. Personne n’avait été prévenu au service de presse. L’image d’un pape diminué renvoie à la fois à celle d’un Jean-Paul II opiniâtre et souffrant (presque) jusqu’à son dernier souffle et qui mourut dans ses fonctions. Mais aussi à celle d’un Benoît XVI, pape émérite, prédécesseur de l’actuel, premier pape depuis 1406 à abdiquer… Une abdication forcée en partie à cause d’une santé déclinante et des déplacements, en avion notamment, devenus problématiques alors qu’il avait 85 ans, comme François aujourd’hui.
Le Vatican, “une usine à rumeur”
En 2015, les rumeurs allaient déjà bon train quant à la santé du pape. Mais celles-ci correspondaient plus à des manœuvres visant à déstabiliser ce nouveau pape en train de réformer l’Église et le Vatican de l’intérieur. On attribuait alors au pape une tumeur au cerveau. Des “rumeurs au cerveau”, comme le résume Arnaud Bédat, qui ajoute que le Vatican est “une usine à rumeur”. Chacun scrute, observe le moindre signe de la santé de ce chef d’État… au même titre que la santé d’un président ou de la reine d’Angleterre.
Le jeune Jorge Mario Bergoglio a de longue date une santé dite fragile, rappelle le spécialiste. À l’âge 21 ans, il subissait une ablation d’une partie du poumon à la suite d’une pneumonie – ce qui a entraîné chez lui un rapport traumatique à la médecine, selon Arnaud Bédat, auteur de deux ouvrages sur le pape François.
Après les rumeurs de 2015, une opération au côlon en juillet 2021 qui n’a fait qu’accentuer de nouvelles spéculations sur un cancer et cette récente apparition en fauteuil, le fait que François n’ait pas présidé la messe de Pentecôte, dimanche, a fini de donner un ton de fin de règne aux bruits qui couraient.
Si Jean-Paul II, élu à l’âge de 58 ans, avait montré une grande vitalité physique tout au long de son pontificat, François, élu à l’âge de 76 ans, avait reconnu lui dès 2014, un an après son élection, ne pas exclure l’idée d’une démission.
Autre signe interprété par les exégètes : l’annonce surprise d’un Consistoire le 27 août, soit trois mois avant la date possible [les consistoires se tenant habituellement en février, juin ou novembre]. L’occasion de nommer seize nouveaux cardinaux électeurs en cas de conclave [réunion aboutissant à l’élection du nouveau pape] et accroître le nombre de cardinaux aux idées proches de celles de François.
Une démission au plus tôt fin août
Deux lectures implicites sont possibles, selon Arnaud Bédat. “Avec Bergoglio, on peut toujours tout lire dans les deux sens”, explique d’ailleurs celui qui l’a rencontré par dix fois. Avancer la date de ce Consistoire, c’est soit abréger les souffrances du souverain pontife liées à sa santé déclinante, soit, tactiquement, pousser à faire sortir les potentiels candidats à sa succession et à se dévoiler – ce qui est tout à fait envisageable au regard de l’habileté politique du prélat qui se dit lui-même un peu “furbo” (rusé, en italien).
Dans tous les cas de figure, si la santé du pontife le lui permet, une démission ne serait envisageable qu’après cette réunion.
Pour les observateurs de la vie du Vatican, reste à savoir si le souverain pontife effectuera bel et bien les trois voyages apostoliques prévus à son agenda : en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud du 2 au 7 juillet, et au Canada du 24 au 30 juillet.
Sont donc guettées les décisions du Saint-Siège : une annulation de déplacement en Afrique pourrait être justifiée par la situation au Nord-Kivu (est de la RD Congo) où les conflits ont repris, ce qui donnerait peu de lisibilité sur son état de santé.
Une absence au Canada, en revanche, serait facilement interprétable comme un nouveau signe de santé fragile. La préparation du voyage s’annonce d’ores et déjà “compliquée”, rapporte Radio-Canada. Le bureau du Vatican a posé des conditions relativement drastiques : déplacements les plus limités possibles (pas d’hélicoptère, voiture sur un temps court), un seul grand événement par jour à présider, “à moins que le second ne soit de courte durée”. Enfin, “son état de santé ne lui permet pas de dormir dans un lieu différent chaque nuit”, dévoile Radio-Canada.
Autre symbole fort, laissant croire à une démission papale : sa visite pastorale à L’Aquila, prévue le 28 août, au lendemain du Consistoire avancé. Dans cette ville des Abruzzes est organisé le Pardon célestinien, événement catholique annuel également appelé Grand pardon, mais aussi (et surtout) s’y trouve la dépouille de Célestin V, pape du XIIIe siècle qui, après cinq mois de pontificat, démissionna.
Avant de savoir s’il faudra sous peu guetter de la fumée noire ou blanche sortir de la cheminée de la chapelle Sixtine, il n’en reste pas moins pour Arnaud Bédat, que le pape argentin a une très forte nostalgie d’un pays, d’une terre, d’un peuple auxquels il est très attaché : “Son pays lui manque, c’est certain, conclut-il. Ce n’est un secret pour personne parmi ses intimes en Argentine, cela fait près dix ans qu’il n’est pas revenu sur sa terre natale.”