Plus de 35 000 personnes ont été arrêtées au Salvador depuis le 27 mars, date à laquelle le Parlement a décrété l’état d’urgence pour tenter d’endiguer la violence des gangs. Les personnes détenues sont accusées par les autorités d’appartenir à ces gangs. Mais des innocents ont également été interpellés de façon arbitraire, et leurs droits ont été bafoués, explique dans notre émission Lucrecia Landaverde, une avocate pénaliste.
Le 27 mars, le Parlement salvadorien a décrété l’état d’urgence à la suite de l’assassinat de 87 personnes en trois jours. Des crimes que les autorités ont attribués aux “pandillas” – les gangs.
Initialement prévu pour une durée d’un mois, ce régime d’exception a été prolongé à deux reprises. À ce jour, il est censé durer jusqu’à la fin du mois de juin.
Depuis sa mise en place, plus de 35 000 personnes ont été arrêtées, accusées par les autorités d’appartenir aux gangs. Mais des innocents se trouvent également parmi eux, selon des ONG comme Human Rights Watch et Cristosal (ONG locale). Sur les réseaux sociaux, de nombreux Salvadoriens dénoncent ainsi l’arrestation – à tort, selon eux – de certains de leurs proches.
Cette Salvadorienne dénonce le fait que son frère soit détenu depuis un mois. “Est-ce que c’est juste ? NON, ça ne l’est pas. Nous voulons que justice soit faite, il est innocent, il ne doit pas être [en prison]”, a-t-elle écrit, le 25 mai.
Le 9 mai, les autorités ont d’ailleurs reconnu que 168 personnes arrêtées n’avaient rien à voir avec les gangs et qu’elles avaient ainsi été libérées. Mais elles n’ont fourni aucun nouveau chiffre depuis.
“On nous empêche d’accéder aux dossiers et de connaître les tribunaux où les audiences ont lieu”
Avocate pénaliste, Lucrecia Landaverde vient gratuitement en aide aux familles dont les proches ont été détenus dans le cadre de l’état d’urgence. Outre l’arrestation d’innocents, elle dénonce les obstacles qui existent pour défendre les personnes détenues.
Leur droit à la défense a été bloqué. Par exemple, on nous empêche d’accéder aux dossiers, de connaître les tribunaux où les audiences ont lieu… De plus, avant l’instauration de ce régime d’exception, les accusés avaient droit à une [première] audience 72 heures après leur arrestation. Depuis la mise en place de l’état d’urgence, ce délai est passé à 15 jours, en théorie. Mais il y a des personnes qui restent plus d’un mois en détention [sans que leur cas ne soit présenté à un juge], et leurs familles ne savent pas où elles se trouvent, ni si elles sont vivantes.
Selon Cristosal et Amnesty International, au moins 18 personnes sont mortes en détention depuis le 27 mars. De leur côté, les autorités évoquent onze décès. Des cas de mauvais traitements, voire de torture, ont été dénoncés par les personnes remises en liberté.
Des personnes attendent à l’extérieur de la prison “La Esperanza”, dans l’espoir d’obtenir des nouvelles de leurs proches emprisonnés (mai 2022). © Vidéo tournée par une Salvadorienne souhaitant conserver l’anonymat.
Environ 1,7 % des adultes du Salvador sont actuellement en détention, ce qui correspond à un taux d’occupation des prisons de plus de 250 %.
>> Pour en savoir plus, lire notre article complet sur le sujet : Arrestations massives, détentions arbitraires d’innocents : la méthode du Salvador contre les gangs