Connect with us

Hi, what are you looking for?

UE

Guerre en Ukraine : Andrij Melnyk, le poil à gratter diplomatique de Kiev à Berlin

Andrij Melnyk, l’ambassadeur ukrainien en Allemagne, a osé comparer, mardi, le chancelier allemand Olaf Scholz à une “saucisse vexée”. Ce n’est pas la première provocation de ce diplomate qui n’a pas son pareil pour appuyer là où ça fait mal à l’Allemagne, qui a souvent été critiquée pour ses hésitations dans sa politique à l’égard de l’Ukraine.

Publicité

Ce n’est pas tous les jours que le chancelier allemand, Olaf Scholz, se fait surnommer en public la “saucisse [Leberwurst, littéralement saucisse de foie à tartiner, NDLR] vexée”. C’est encore plus rare quand une telle comparaison sort de la bouche d’un diplomate aguerri, juriste de formation, qui maîtrise parfaitement la langue de Goethe et a la réputation d’être une personne “très raffinée”.

Mais Olaf Scholz n’a pas dû être plus étonné que ça. Cette sortie à la limite de l’insulte à chancelier a été prononcée par Andrij Melnyk, l’ambassadeur d’Ukraine en Allemagne. Depuis le début de la guerre, son langage fleuri et ses coups de gueule l’ont élevé au rang de “diplomate le moins diplomate de l’histoire”, selon le Süddeutsche Zeitung ou encore d’émissaire étranger “le plus étrange que l’Allemagne a[it] jamais connu”, d’après le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung

Advertisement

“Saucisse vexée”, “trou du c…”, “ferme ta gueule”

Si ce diplomate de 46 ans, toujours impeccablement vêtu et adoré par les médias, s’en est pris directement au chef du gouvernement cette fois-ci, c’est parce que ce dernier venait d’annoncer qu’il ne se rendrait pas à Kiev dans l’immédiat. La raison ? Il n’avait pas apprécié le refus du gouvernement ukrainien de recevoir, en avril, le président allemand Frank-Walter Steinmeier. Les Ukrainiens l’accusent d’avoir favorisé la politique conciliante de l’Allemagne envers la Russie sous Angela Merkel.

Face à la réaction d’Olaf Scholz, Andrij Melnyk a voulu remettre les points sur les i : “On parle ici de l’attaque la plus brutale contre un peuple en Europe depuis la Seconde guerre mondiale, ce n’est pas une cour de récréation. Cette attitude de saucisse vexée n’est pas digne d’un chef d’État”, a-t-il déclaré à la télévision allemande.

Les sociaux-démocrates du SPD – le parti d’Olaf Scholz – se sont tous indignés, bien que modérément, regrettant le ton employé par le diplomate ukrainien. Mais sans plus. En fait, tout le monde a accepté que, ces jours-ci, lorsque Andrij Melnyk s’exprime, l’Allemagne déguste.

Les soirées twitter de monsieur l’ambassadeur ont, en effet, rhabillé pour l’hiver bon nombre de protagonistes. “Vous êtes vraiment un trou du c…”, a-t-il ainsi lancé à un politologue allemand qui, début mars, avait appelé Kiev à se rendre pour ne pas “prolonger inutilement la guerre”. Une amabilité qu’il a aussi adressé au député du SPD Michael Roth, coupable à ses yeux de rester trop flou sur l’aide à apporter aux Ukrainiens. Fabio De Masi, un élu du parti de gauche radicale, Die Linke, a écopé, quant à lui, d’un “ferme ta gueule” après avoir voulu parler des éléments d’extrême droite dans l’armée ukrainienne. 

Andrij Melnyk n’a pas la provocation ou même l’insulte gratuite. Chaque soir, “je me demande si j’ai fait avancer la cause de mon pays ou si j’ai énervé un nouveau responsable allemand pour rien”, a-t-il raconté au Frankfurter Allgemeine Zeitung qui lui a consacré un portrait.

Grande gueule de la diplomatie ukrainienne

“Il est convaincu que l’Allemagne ne bougera que si on exerce une pression maximum sur elle”, estime Julia Friedrich, spécialiste des questions de sécurité ukrainienne et des relations germano-ukrainiennes au Global Public Policy Institute de Berlin.

Pour un diplomate comme Andrij Melnyk, cela signifie ne pas se contenter d’évoquer les sujets en prenant mille et une précautions pour rester fidèle au sacro-saint principe de réserve des diplomates. L’émissaire ukrainien “n’a pas de filtre et un accès garanti 24h/24 à n’importe quel plateau télé”, souligne la ZDF.

Une combinaison explosive pour quiconque apparaîtrait comme un obstacle à la mission qu’Andrij Melnyk s’est fixée depuis le début de la guerre : convaincre les Allemands à livrer des armes lourdes à l’Ukraine et participer à un embargo sur le gaz et le pétrole russe.

>> À lire aussi sur France24.com : Guerre en Ukraine : le dilemme allemand de la livraison de chars à Kiev

Il ne manque pas une occasion de vilipender les hésitations du gouvernement allemand à ce sujet et épingler ceux qui, à ses yeux, l’incarnent. Il ne s’est pas privé, par exemple, de rapporter aux médias l’entretien qu’il avait eu, au lendemain du début de l’invasion russe, avec Christian Lindner, le ministre des Finances issu des rangs du parti libéral allemand. Ce dernier lui aurait dit ne pas comprendre pourquoi il faudrait imposer des sanctions à la Russie, étant donné que de toute façon la guerre allait être gagnée par les Russes en “quelques heures”. “C’est l’entretien le plus pénible que j’ai eu de toute ma vie”, a raconté l’ambassadeur. Le ministre s’était empressé de contester avoir jamais tenu de tels propos.

Andrij Melnyk ne s’est pas improvisé grande gueule de la diplomatie à la faveur de la guerre. “Avant cela, il était beaucoup moins connu du grand public, mais avait déjà la réputation de dire ses quatre vérités à son interlocuteur”, souligne la chercheuse Julia Friedrich. 

Il a été nommé ambassadeur en 2014, après avoir déjà travaillé au consulat général d’Ukraine entre 2007 et 2010. Il a joué un temps au “bon diplomate” qui ne fait pas de vague dans la presse avant de comprendre que “les politiciens n’ont peur que d’une mauvaise image dans les médias”, raconte-t-il au Frankfurter Allgemeine Zeitung. 

Diplomate critiqué

Il a alors commencé à s’exprimer beaucoup plus fort, notamment pour dénoncer le projet de gazoduc Nord Stream 2 qu’il “voyait comme un préambule à la déclaration de guerre à l’Ukraine”, souligne le quotidien Süddeutsche Zeitung. 

Andrij Melnyk sait aussi qu’il “avance sur un fil très étroit”. Ses inlassables attaques contre les responsables allemands ne lui ont pas valu que des amis. Dans les médias, certains commentateurs le qualifient de “diplomate balourd” qui devrait comprendre qu’on obtient rien en ne se faisant que des ennemis. Le hashtag #renvoyezMelnyk a même eu ses heures de gloire sur Twitter en Allemagne. 

“Une partie des responsables politiques allemands lui en veut parce qu’ils voudraient que l’Ukraine remercie l’Allemagne pour le soutien financier et militaire déjà apporté. Mais Andrij Melnyk est là pour leur rappeler qu’il ne juge pas ça suffisant”, analyse Julia Friedrich.

La chercheuse juge aussi que ceux qui lui reprochent d’être trop peu conciliant pour obtenir des résultats se trompent. Après tout, “l’Allemagne a voté la semaine dernière en faveur de l’envoi d’armes lourdes à l’Ukraine. Ce n’est pas uniquement grâce aux efforts d’Andrij Melnyk, mais il y est forcément pour quelque chose”, conclut la spécialiste.

Advertisement

Trending

Derniers Tweets

You May Also Like

En Vedette

Le parlement polonais accueillera des experts et des organisations le lundi 12 septembre pour aborder le sujet urgent du traumatisme psychologique subi par la...

En Vedette

Les décapeptides, une classe de peptides composés de dix acides aminés, ont suscité un grand intérêt dans le domaine de la biochimie en raison...

Monde

Les sociétés militaires privées sont de nouveaux noms pour un vieux phénomène, les mercenaires.  Depuis les années 1990 le poids de SMP a été...

En Vedette

Grâce aux 642 millions d’euros mis à disposition dans le cadre de l’aide à la relance pour la cohésion et les territoires européens (REACT-EU),...