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Présidentielle : Emmanuel Macron, une victoire à la Pyrrhus ?

Le président sortant a été réélu pour cinq ans de plus avec 58,8 % des voix, dimanche, face à Marine Le Pen (41,2 %). Une victoire obtenue grâce à un “front républicain” plus fragile que jamais et qui pourrait ne plus tenir dans cinq ans.

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Le calcul est tombé juste. En remportant son duel face à Marine Le Pen avec 58,8 % des voix, contre 41,2 % pour la candidate d’extrême droite, Emmanuel Macron est devenu, dimanche 24 avril, le premier président de la Ve République à être réélu depuis Jacques Chirac en 2002. Mais avec une abstention de 28,2 % et un chiffre cumulé de l’abstention, des votes blancs et des votes nuls estimé à 34,7 %, selon notre partenaire Ipsos Sopra-Steria, Emmanuel Macron est aussi un président qui va devoir faire face à un procès en légitimité encore plus prononcé qu’en 2017.

Vingt ans après la première accession de l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle et les 82,21 % obtenus par Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen grâce au “front républicain”, Emmanuel Macron est donc réélu en 2022 avec “seulement” 58,8 % des voix. Le signe d’une lassitude des électeurs à devoir faire barrage à une extrême droite qui ne cesse de progresser en France.

>> À lire : Présidentielle : Emmanuel Macron, l’insolente réélection

Emmanuel Macron, qui ne pourra pas se représenter en 2027 selon les termes de la Constitution qui interdit de faire plus de deux mandats consécutifs, l’a bien compris.

“Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi, non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Et je veux ici les remercier et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir. Je suis dépositaire de leur sens du devoir, de leur attachement à la République et du respect des différences qui se sont exprimées ces dernières semaines”, a-t-il déclaré dimanche soir devant ses soutiens réunis sur le Champ-de-Mars à Paris.

“Je pense aussi à tous nos compatriotes qui se sont abstenus. Leur silence a signifié un refus de choisir auquel nous nous devrons aussi de répondre, a-t-il poursuivi. Je pense enfin à ceux qui ont voté pour Mme Le Pen, dont je sais la déception ce soir. (…) La colère et les désaccords qui les ont conduits à voter pour ce projet doivent aussi trouver une réponse. Ce sera ma responsabilité et celle de ceux qui m’entourent”, a assuré le chef de l’État, tout en promettant que “dès à présent”, il n’était “plus le candidat d’un camp, mais le président de toutes et tous”.

Marine Le Pen comme seule adversaire

Un discours qui rappelle celui de sa première victoire, le 7 mai 2017, lorsqu’il déclarait au sujet des électeurs de Marine Le Pen qu’il ferait “tout pour qu’ils n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes”. Cinq ans plus tard, la promesse n’est pas tenue : ce sont finalement plus de 4 millions d’électeurs supplémentaires qui ont fait le choix de mettre un bulletin Marine Le Pen dans l’urne.

Il faut dire qu’en remplaçant le clivage gauche-droite par celui opposant les “progressistes” aux “nationalistes”, le président de la République a fait de Marine Le Pen sa principale opposante, faisant, selon ses opposants de gauche comme de droite, le calcul qu’un second tour face à l’extrême droite lui assurerait sa réélection grâce au fameux front républicain. Ainsi, Emmanuel Macron a régulièrement occupé le terrain et des thématiques chères à l’extrême droite, ramenant régulièrement le débat national, comme lors des mois qui suivirent la crise des Gilets jaunes, sur les questions liées à l’immigration, l’islam ou la sécurité.

>> À voir : Discours d’Emmanuel Macron après sa victoire au 2nd tour de l’élection présidentielle 2022

Au soir de sa réélection, Emmanuel Macron aborde son deuxième mandat dans un contexte bien différent de celui de 2017. La fraîcheur de la jeunesse et de la nouveauté qui l’avait porté il y a cinq ans et qui lui avait permis d’obtenir la majorité absolue lors des élections législatives qui suivirent, a disparu. Et rien ne dit qu’il parviendra à reprendre le contrôle de l’Assemblée nationale cette fois-ci.

Dans une France désormais divisée en trois blocs – le bloc libéral d’Emmanuel Macron, le bloc nationaliste de Marine Le Pen et le bloc de gauche radicale de Jean-Luc Mélenchon –, 56 % des Français souhaitent que les législatives des 12 et 19 juin aboutissent à une cohabitation, selon un sondage de notre partenaire Ipsos/Sopra-Steria.

“Le troisième tour commence ce soir”

Les opposants politiques du président de la République ont d’ailleurs ce rendez-vous en ligne de mire. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se sont empressés, quelques minutes après l’annonce des résultats, de se tourner vers ce qu’ils appellent le “troisième tour” de la présidentielle.

“La partie n’est pas tout à fait jouée”, a lancé Marine Le Pen devant ses soutiens. “Nous lançons ce soir la grande bataille électorale des législatives, je mènerai cette bataille (…) avec tous ceux qui ont eu le courage de s’opposer à Emmanuel Macron au second tour”, en soulignant que “le score historique de ce soir place notre camp dans d’excellentes dispositions pour obtenir un grand nombre de députés en juin prochain”.

>> À lire : Présidentielle : Le Pen et Mélenchon déjà tournés vers “le troisième tour” des législatives

“Ma pensée se tourne vers les futures victimes de cette situation, les personnes usées qui partiront à la retraite trois ans plus tard, les personnes prises à la gorge financièrement et qui ne verront pas les prix être bloqués, les personnes qui savent à quel point l’inaction écologique de M. Macron est un crime”, a énuméré de son côté Jean-Luc Mélenchon. “Ne vous résignez pas”, leur a-t-il lancé. “Entrez dans l’action franchement, massivement, la démocratie peut nous donner de nouveau le moyen de changer de cap. Le troisième tour commence ce soir.”

Pour contenir les colères et les mécontentements, Emmanuel Macron a promis une “ère nouvelle” qui “ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève, mais l’invention collective d’une méthode refondée”. Le chef de l’État a désormais sept semaines avant les législatives pour convaincre.

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