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Le vote des séniors, arbitre du duel Emmanuel Macron – Marine Le Pen ?

Dans les pays anglophones, le vote des électeurs les plus âgés a permis aux populistes de droite de se hisser en haut de la scène politique. Mais en France, une dynamique différente semble se dessiner : Emmanuel Macron, qualifié au second tour de la présidentielle contre Marine Le Pen, l’a devancée de plus de quatre points précisément en s’appuyant sur le vote des plus de 60 ans.

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S’il caracole en tête avec 27,8 % des voix au premier tour du scrutin, Emmanuel Macron le doit principalement aux seniors. Selon un sondage Ipsos, Marine Le Pen a, quant à elle, obtenu ses meilleurs scores au premier tour dans les tranches d’âge 35-49 ans et 50-59 ans, tandis que Jean-Luc Mélenchon l’a emporté chez les 18-24 ans et les 25-34 ans. Des résultats choquants pour de nombreux observateurs anglophones qui s’étonnent de voir la candidate d’extrême droite arriver en deuxième position et supplanter Emmanuel Macron parmi les tranches d’âge les plus jeunes.

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À une semaine du second tour, France 24 a interrogé Mathieu Gallard, directeur de compte chez Ipsos, sur la façon dont cet aspect démographique pourrait jouer sur l’issue du scrutin, prévu pour être bien plus serré que le duel qui opposait Emmanuel Macron à Marine Le Pen en 2017 (66,1 % contre 33,9 %).

Selon Mathieu Gallard, la forte performance du président sortant parmi les retraités ne fera qu’augmenter au second tour, lui laissant de bonnes chances de devancer Marine Le Pen sur le terrain des jeunes électeurs. Il pourrait en revanche avoir plus de difficultés à établir une avance solide parmi les électeurs âgés de 35 à 59 ans.

France 24 : Comment expliquer la popularité de Marine Le Pen parmi les électeurs d’âge moyen et, dans une large mesure, parmi les plus jeunes électeurs ?

Mathieu Gallard : La question du pouvoir d’achat est extrêmement importante pour les électeurs français, et c’est de loin le facteur le plus important que les sondés nous ont donné pour expliquer leur vote : 58 % des Français ont répondu que c’était le plus important, suivi de l’immigration avec 27 %. Viennent ensuite le système de santé et l’environnement, tous deux à 26 %.

On voit donc que l’élection a été très polarisée sur cette question du pouvoir d’achat. Un sujet que Marine Le Pen a placé au cœur de sa campagne, contrairement à la précédente en 2017 où le message prédominant portait à cette époque davantage sur des questions relatives à l’immigration et à la sécurité.

Les électeurs âgés de 35 à 60 ans sont plus inquiets pour le pouvoir d’achat. Parmi cette tranche de l’électorat français, environ 65 à 70 % ont déclaré que cette question était le principal facteur de motivation de leur choix dans les urnes. Cela s’explique, tout simplement, par le fait que ces personnes sont actives sur le marché du travail – elles travaillent ou recherchent un emploi. Elles ressentent beaucoup de difficultés, notamment face à la forte augmentation du prix des carburants. Cela a un impact énorme sur leur budget, car, bien sûr, dans de nombreux cas, les gens doivent se rendre au travail en voiture – et de nombreux Français doivent parcourir de très longues distances.

Dans l’ensemble, les moins de 60 ans sont davantage préoccupés par le pouvoir d’achat ; les questions comme l’immigration viennent ensuite. Et leur position sur ces questions ont eu tendance à déterminer si les électeurs anti-Macron étaient favorables à Marine Le Pen ou à Jean-Luc Mélenchon.

Le choix des électeurs entre ces deux candidats était également corrélé au fait d’avoir ou non un diplôme universitaire. En effet, si vous voulez savoir si l’électeur moyen a choisi Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, il est bon de regarder son niveau d’études après le bac.

En ce qui concerne les moins de 35 ans, aucune catégorie d’âge n’est homogène et même parmi les jeunes, certains électeurs sont opposés à l’immigration et conservateurs sur les questions culturelles, même si les jeunes en France sont généralement socialement libéraux.

Toutefois, la principale raison attirant les jeunes électeurs vers Marine Le Pen est d’ordre socio-économique. Pour la plupart, ce sont des jeunes qui vivent loin des grandes villes françaises, dans des régions qui ne se portent pas très bien économiquement, et ils se sont peut-être sentis plus proches de la candidate d’extrême droite que de Jean-Luc Mélenchon, dont la base électorale est beaucoup plus urbaine.


>>  17 avril 2002 : quand Lionel Jospin sous-estimait la menace du FN de Jean-Marie Le Pen

Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il été bien plus populaire parmi les électeurs âgés de 60 ans et plus – et surtout de 70 ans et plus – que ses deux principaux rivaux du premier tour ?

Cela n’a rien d’une surprise, car les sondages que nous avions réalisés pour le second tour en 2017 montraient déjà qu’Emmanuel Macron avait obtenu 78 % des voix chez les personnes âgées de 70 ans. Déjà à l’époque, c’était une énorme majorité.

Certes, au début de son mandat, certaines de ses mesures n’ont pas été très bien accueillies par les retraités. Mais les différentes crises auxquelles Emmanuel Macron a dû faire face – des Gilets jaunes à la gestion du Covid-19 en passant par la guerre en Ukraine – ont par la suite renforcé sa stature aux yeux de cette partie de l’électorat. Aussi, traditionnellement, ces tranches d’âge ont généralement tendance à soutenir le président en exercice.

D’un point de vue historique, il n’est donc pas surprenant que de nouveau cela se produise, et dans le cas d’Emmanuel Macron cela semble très lié aux crises auxquelles il a été confronté. Les électeurs plus âgés considèrent généralement qu’il s’est bien débrouillé, et sont beaucoup plus enclins à le penser que l’électeur moyen.

C’est une partie de l’électorat qui ne veut pas prendre de risques et donc qui pense : Emmanuel Macron a assez bien géré les choses, gardons-le pour cinq ans de plus.

Comment pensez-vous que la dynamique des âges, à laquelle nous avons assisté au premier tour, se traduira au second ?

Je pense que nous verrons les mêmes tendances qu’il y a cinq ans. Lors de la dernière élection présidentielle, nous avions observé une courbe en “U” en termes de vote par âge. Les électeurs de moins de 35 ans ont voté pour Emmanuel Macron à 66 %, soit une énorme majorité. Les personnes un peu plus âgées – de 35 à 49 ans – l’ont elles aussi soutenu, mais seulement à 57 %. Quant aux personnes âgées de 70 ans et plus, elles ont voté pour Emmanuel Macron à 78 %. Je ne serais pas surpris de voir une courbe similaire le 24 avril prochain.

Néanmoins, il est maintenant très clair que le résultat sera beaucoup plus serré qu’il y a cinq ans, donc peut-être que la catégorie d’âge moyen sera très proche entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Il ne serait pas surprenant que les deux candidats se retrouvent au coude-à-coude dans la tranche des 35-49 ans.

Article adapté de l’anglais par Pauline Rouquette. Retrouvez ici la version originale.

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