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Confinement des Français de Shanghai : “Quand mon QR code est passé au rouge, ça a été la panique”

Après plus de 15 jours de confinement, les habitants de Shanghai semblent de plus en plus exaspérés par les difficultés d’accès à la nourriture et par l’isolation forcée des personnes positives au Covid-19 dans des centres de quarantaine au confort et à l’hygiène aléatoires. Pour France 24, plusieurs Français confinés dans la capitale économique de la Chine ont accepté de raconter leur quotidien. 

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Shanghai, capitale économique de la Chine, fait face à sa plus grave flambée épidémique depuis le début de la pandémie de Covid-19. La quasi-totalité des 25 millions d’habitants y sont confinés depuis début avril, avec des difficultés d’accès à la nourriture

Suivant la politique chinoise du “zéro Covid”, les autorités locales isolent les personnes testées positives, même asymptomatiques, en les plaçant dans des centres de quarantaine. Mais avec plus de 20 000 nouveaux cas positifs quotidiens ces derniers jours, elles peinent à suivre la cadence. Après près de 15 jours de confinement strict, des vidéos diffusées sur le réseau social chinois WeChat montrent l’exaspération des habitants de cette mégalopole.  

Près de 7 000 expatriés français vivent à Shanghai, d’après Anne Genetet, députée de la 11e circonscription des Français de l’étranger, et un certain nombre d’entre eux commencent à quitter le pays. Un avion de la compagnie Air France devait décoller vendredi 15 avril, avec près de 300 passagers ayant souhaité rentrer au plus vite. France 24 a interrogé des Français, toujours confinés à Shanghai.  

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  • Géraldine, 40 ans, community manager

“Dans notre résidence, le volontaire français qui livre la nourriture devant nos portes vient de me dire qu’il a pris des billets pour quitter le pays le 14 mai. Moi, je ne veux pas partir sur cette mauvaise expérience, sans avoir dit au revoir à mes amis, sans que ma fille de 4 ans ait pu revoir ses copains d’école. On vit à Shanghai depuis deux ans, j’ai adoré cette ville que nous allons quitter cet été. 

Le variant Omicron, ce n’est pas ma plus grande peur : ce que je crains le plus, c’est d’aller en centre de quarantaine. Ici, on est reliés à une application obligatoire, qui nous suit en temps réel, c’est un peu notre laissez-passer pour tout. Si on passe à côté de quelqu’un qui est positif, le QR code passe au orange.

Quand mon QR code est passé au rouge il y a deux jours [après un test positif], ça a été la panique. On a tout de suite joint l’entreprise de mon mari, le consulat, mes médecins, pour savoir comment ils pouvaient nous aider, tout en faisant attention à ne pas communiquer ce stress à ma fille. Je suis en rémission d’une maladie grave et mes médecins ont immédiatement écrit un certificat attestant que mon état nécessite une certaine surveillance incompatible avec une quarantaine dans ces centres.

Finalement, je suis repassée au vert 24 heures plus tard. Il s’agissait d’une erreur, ce qui est tout à fait possible, étant donné que les 25 millions d’habitants de Shanghai sont testés chaque jour.  

Je vis dans une résidence du centre historique de Shanghai. Il y a 20 à 30 % d’expatriés et les Chinois qui vivent ici sont très aisés. Ça fait une grande différence car on arrive à passer des commandes groupées pour la nourriture, alors que les Chinois qui vivent dans des “lanes”, qui sont de plus petites habitations, ne peuvent pas se le permettre. Ici, nous recevons des colis tous les trois jours environ, avec des commandes de lait, d’eau… Chaque jour, ces fameux volontaires qui habitent la résidence, avec leur tenue de protection de la tête au pied, redistribuent bénévolement les commandes sur chaque palier. Ils peuvent aussi aider au troc dans l’immeuble. J’ai fait passer à une voisine de la viande et de la pâte à modeler pour occuper ses enfants ; elle m’a donné un poisson surgelé.

L'un des paniers distribués à Geraldine par les autorités chinoises.
L’un des paniers distribués à Geraldine par les autorités chinoises. © DR

Comme je suis en rémission d’un cancer, je dois prendre un traitement quotidien, mais il n’était plus disponible. J’ai dû demander aux autorités locales de m’autoriser à aller le chercher dans un hôpital. Ils ont fait venir un chauffeur en tenue de protection, qui m’a acheminée pour l’aller et le retour. J’ai pu dépanner une voisine dans le même cas que moi, grâce à ce convoi spécial. Plus tard, j’ai appris que plusieurs des médecins qui me suivaient à l’hôpital pour mon cancer se sont retrouvés en centre de quarantaine. Je ne sais pas comment se passe le suivi des malades si ces professionnels, dont les métiers sont essentiels, ne peuvent plus exercer.   

Une rue de Shanghai pendant le confinement, lors d'un transport sécurisé entre la résidence et l'hôpital.
Une rue de Shanghai pendant le confinement, lors d’un transport sécurisé entre la résidence et l’hôpital. © DR

Nous avons un groupe [de messagerie en ligne] WeChat de 300 participants pour la résidence. Lorsque j’ai été testée positive, mon test s’est affiché le matin même sur le groupe, avec mon numéro d’appartement. On avait déjà prévenu tous nos amis de la résidence pour s’assurer de leur soutien, en leur disant que je comptais refuser d’aller en camp. Ils ont dit qu’ils prendraient ma défense.  

Comme je sentais venir ce confinement, j’avais anticipé et on a pas mal de réserves à la maison. J’ai rempli mes placards de façon à cuisiner des repas équilibrés et des plats divers pour ne pas s’ennuyer. Ça nous aide à vivre sereinement, même s’il ne nous reste que le dernier petit bout de fromage qu’on avait avant le confinement. 

On n’a pas mis les pieds dehors depuis 14 jours. Comme il y a des résidents positifs, les tests se font dans le hall de l’immeuble et nous n’avons pas le droit de sortir dans le jardin, en bas. Nous sommes accompagnés depuis notre palier jusqu’au rez-de-chaussée.

Un volontaire accompagne les résidents du bâtiment de Géraldine pour passer les tests de détection du Covid-19 dans le hall.
Un volontaire accompagne les résidents du bâtiment de Géraldine pour passer les tests de détection du Covid-19 dans le hall. © DR

Un jour, nous avons remarqué que les portes d’entrée de l’immeuble avaient été cadenassées, nous nous sommes plaints et les scellés ont été retirés. Je pense qu’en tant qu’étrangers, on est davantage écoutés. Je me demande si ces scellés auraient été retirés si des Chinois s’étaient plaints. Psychologiquement, c’est une étape au-dessus que de se savoir enfermés comme dans une prison.

Je nous estime quand même chanceux : on ne manque de rien, ma fille a trois fois 20 minutes de cours à distance [par semaine], on joue beaucoup ensemble. On essaie de se mettre dans notre bulle et la solidarité nous fait tenir. On vit au jour le jour. Mais je n’ai aucune idée de quand je pourrai faire un pas dehors. 

  • Élodie, 41 ans, directrice d’une PME française de peinture  

Je vis en Chine depuis 14 ans et à Shanghai depuis 2013. Je ne suis pas à plaindre car j’ai un balcon et, pour le moment, cet extérieur ne m’a pas été interdit. Il faut dire qu’au 25e étage, je ne risque pas d’attraper le virus qui monterait de la rue.  

À la mi-mars, je me suis réveillée un matin, tôt, pour aller faire mon jogging et les portes de la copropriété de 2 000 résidents avaient été cadenassées. Des tentes de test ont fleuri et les allées et venues ont été soumises à la présentation d’un test négatif de moins de 48 heures.  

Je vis seule donc je n’ai pas besoin de grandes quantités de nourriture. On s’est organisé dans la résidence pour faire des achats groupés. Il y a des voisins qui se lèvent à 5 heures du matin pour passer les commandes, parce qu’à 8 heures il n’y plus rien de disponible. Les autorités m’ont aussi livrée trois fois, une fois j’ai eu 30 œufs, des crevettes, l’autre fois un poulet entier. Ce qui m’inquiète, c’est que les quantités sont les mêmes qu’on soit célibataire ou en famille. Comment font ceux qui vivent à 7 dans leur appartement ? Lors des tests, je croise des familles avec trois générations vivant sous le même toit. Pour le moment, on se débrouille mais je me demande combien de temps la ville va tenir avec ses stocks.  

Du jambon distribué par les autorités chinoises aux résidents de l'immeuble de Géraldine.
Du jambon distribué par les autorités chinoises aux résidents de l’immeuble de Géraldine. © DR

Avant, je prenais l’avion une à deux fois par mois, en Chine, dans la région et en France. Depuis le Covid, je suis devenue sédentaire et, maintenant, je ne peux plus sortir de chez moi. D’habitude, je me rends tous les jours à l’usine. Le confinement à un impact sur mon travail car on produit mais on ne peut pas livrer et on commence à manquer de matière première. Il y a aussi des ouvriers de l’usine qui dorment sur place, en respectant les distances de sécurité. Et ce qu’on redoute le plus, ce sont les accidents car le système de santé ici est ralenti avec tous ces médecins réquisitionnés pour les centres de quarantaine ou confinés.  

Ma plus grande crainte continue encore aujourd’hui d’être testée positive. Dans la résidence, on ne comprend pas pourquoi de nouveaux cas apparaissent après chaque campagne de test, malgré les précautions drastiques prises depuis 15 jours.  

Les résultats des tests mettent entre 8 et 24 heures à tomber. À chaque test, je ne suis pas sereine. L’application bugue souvent et c’est pénible. Certains amis rapportent qu’on est venu les réveiller à 23 heures pour aller passer un test. J’ai toujours une petite crainte que quelqu’un frappe à la porte. Tout ça se cumule et ajoute de l’angoisse. J’essaie de limiter les échanges sur le WeChat de la résidence et sur les réseaux sociaux pour limiter ce qui peut être anxiogène. Au début du confinement, je n’étais pas informée de chaque cas positif dans la résidence et je le vivais mieux. Car chaque nouveau cas signifie 14 jours de confinement pour l’immeuble.  

Malgré tout, je tiens à rappeler que je ne me sens pas physiquement en danger. On ne vit pas en Ukraine, je relativise. La communauté chinoise et mes collègues sont très solidaires, ils veillent à ce que je ne manque de rien, je me sens entourée. Pour le moment, je n’ai pas envie de rentrer en France mais on verra comment la situation évolue. 

  • Thibaut, 29 ans, informaticien 

Je pense avoir attrapé le virus juste avant le confinement, le 26 mars au soir. Je me suis rendu à un anniversaire. Avec le recul, je n’aurais pas dû. J’ai eu des symptômes quelques jours plus tard, de la fièvre. À ce moment-là, à Shanghai, on commençait déjà à sentir venir un gros confinement. J’ai fini par être testé positif le 4 avril, après plusieurs tests négatifs. J’ai été le premier cas positif de ma résidence. 

Le comité de quartier [autorité locale] m’a envoyé un message pour me demander de préparer mon sac, car ils allaient m’envoyer dans un de ces centres de quarantaine. Puis ils sont venus à ma porte et, comme je parle chinois, je leur ai expliqué que lorsque j’ai effectué mon test, ne sachant pas que j’avais le Covid, j’ai fait la queue avec tous les résidents du bâtiment. Mon bâtiment fait 26 étages, avec environ 300 appartements et, dans ma résidence, il y a trois immeubles de cette taille. Ils se sont retrouvés face au dilemme de devoir transférer tout le bâtiment vers un centre de quarantaine, car à ce moment-là il était question d’envoyer les cas contacts proches en centre également. Ça les a fait changer d’avis, je pense. Ils ont placé un capteur sur ma porte pour en détecter toute ouverture. Et les jours suivants, je recevais un message pour me donner le créneau autorisé pour sortir ma poubelle. 

J’ai eu de la chance, car je crois qu’ils manquaient d’ambulance à Shanghai à cette période-là, c’est peut-être pour ça que je suis passé entre les mailles du filet. J’ai mis quelques jours à y croire. Les nuits suivantes, je n’ai pas fermé l’œil. J’avais peur qu’ils passent me chercher au milieu de la nuit pour m’emmener en quarantaine.  

Je suis le seul étranger de ma résidence et ça se passe bien avec mes voisins. J’ai fait ce choix pour progresser en langue et pour vivre mon expérience chinoise à fond. Je participe à la vie du bâtiment avec sa salle commune, ses repas partagés, ses moments de propagande communiste. 

Ici vivent beaucoup de personnes âgés,  souvent avec leurs petits-enfants que les parents font garder car ils travaillent ailleurs jusqu’à très tard le soir. Comme ce sont des personnes âgées et que le taux de vaccination est faible, les résidents ont très peur d’attraper le Covid. Parfois, ils font brûler de l’encens dans les escaliers, pensant que ça fera fuir le virus. Quand je suis passé au QR code rouge [positif au test], la moitié des habitants du bâtiment a réclamé mon transfert immédiat. Je les comprenais mais j’étais très stressé à l’idée qu’on m’emmène de force dans ces centres.  

J’ai déjà été confiné une fois, quand je vivais à Nankin [au nord de Shanghai], mais la ville était beaucoup plus petite et le confinement mieux organisé car l’accès à la nourriture était garanti. Dès les premiers jours du confinement ici à Shanghai, mon entreprise m’a fait livrer de quoi tenir un mois. Dans ma résidence, seuls deux achats groupés de café et de pain ont été proposés. Sinon, le comité de quartier nous apporte régulièrement et gratuitement de l’eau, car l’eau de Shanghai, même bouillie, contient du plomb. Si un voisin demande quelque chose sur le WeChat du bâtiment, on le dépanne. Celui du 20e étage avait besoin d’huile et de riz, on lui en a donné. 

J’aurais peut-être dû me faire vacciner, mais ici on ne propose que le vaccin chinois et il me fait peur. Dans la résidence, les autorités offraient un pack de yaourts à chaque dose de vaccin, je trouvais ça un peu bizarre.  

Des voisins de Thibaut le félicitent pour son test négatif sur le WeChat de la résidence.
Des voisins de Thibaut le félicitent pour son test négatif sur le WeChat de la résidence. © DR

Hier, pour mon deuxième test consécutif, je suis passé au QR code vert [négatif au Covid-19]. Sur le groupe WeChat, des voisins que je ne connais pas m’ont félicité. En revanche, sur ma porte, le capteur est toujours là.  

J’ai pris un billet à 4 000 euros pour la France, pour un retour fin mai. Est-ce que je vais revenir ? Je ne le sais pas encore. Pour moi, vivre à Shanghai dans les trois prochaines années, c’est accepter l’idée de passer environ deux mois de quarantaine sur un an. Je ne suis pas sûr d’être prêt à revivre ça.  

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