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Les aides à domicile sans-papiers, travailleuses essentielles oubliées de la campagne présidentielle





Les aides à domicile sans-papiers, travailleuses essentielles oubliées de la campagne présidentielle – InfoMigrants
































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Comme Sihem et Hizia, de nombreuses femmes sans-papiers travaillent comme aides à domicile. Crédit : Studio graphique France 24
Comme Sihem et Hizia, de nombreuses femmes sans-papiers travaillent comme aides à domicile. Crédit : Studio graphique France 24

Malgré deux années de pandémie pendant lesquelles elles ont été présentées comme travailleuses essentielles, les aides à domicile, ont été absentes de la campagne pour l’élection présidentielle française. Très majoritairement exercée par des femmes, la profession rassemble également une grande part de travailleuses immigrées, sans-papiers. Elles déplorent des conditions de travail difficiles et une régularisation quasi-impossible.

Sihem* marche sans cesse. Jusqu’à trois heures par jour, entre les domiciles de ses différents employeurs, dans une ville de Seine-Saint-Denis, en région parisienne. “Je fais des heures de ménage, j’accompagne les enfants à l’école, je fais de l’aide aux personnes âgées. En tout, je travaille auprès d’une dizaine de familles”, explique-t-elle à InfoMigrants.

Cette Algérienne sans-papiers de 39 ans n’a pas eu de mal à trouver du travail. Les besoins d’aides à domicile sont grands en France. La profession figure parmi les dix secteurs le plus en recherche de main-d’oeuvre en 2022, selon Pôle emploi. Sihem a pu compter sur des groupes Facebook et le simple bouche à oreille pour trouver du travail.

Hizia* est, elle aussi, algérienne et vit sans-papiers en France à la suite d’un refus de la préfecture de lui renouveler son titre de séjour. En France depuis un petit plus de 5 ans, cette mère de trois enfants cumule quelques heures de travail par jour chez plusieurs employeurs. “J’accompagne une dame en situation de handicap. Je lui fais les course, les repas, un peu de ménage. Ça me fait deux heures de travail par jour. Je fais aussi ponctuellement des petits travaux chez des particuliers, comme du ménage ou du repassage”.

Sihem et Hizia font partie des travailleuses essentielles, ces personnes qui exercent des emplois indispensables à la vie de la société et qui ne se sont pas arrêtées lors des confinements liés à l’épidémie de Covid-19. Pourtant, la situation des aides à domiciles a été très peu abordée lors de la campagne présidentielle. Et encore moins la situation des femmes sans-papiers qui exercent ce métier.

“Les candidats savent pertinemment que les sans-papiers ont besoin de travailler et qu’il y a des besoins d’aides à domicile. Quelques candidats ont soulevé ce problème mais ils ne l’ont pas développé”, regrette Hizia.

“J’ai tout le temps mal au dos et des courbatures partout”

La question mérite pourtant que l’on s’y intéresse car le secteur de l’aide à domicile est en forte progression et la Fédération des particuliers employeurs (Fepem) prévoit de devoir employer des “personnes étrangères” pour faire face aux 700 000 départs à la retraite prévus d’ici 2030. Or les recrutements, sont difficiles, faute d’attractivité d’une profession mal-rémunérée.

En tant que travailleuses sans-papiers, Sihem et Hizia subissent doublement ces bas salaires. “Les auxiliaires de vie régularisées sont payées 22 euros par heure, nous on prend 11-12 euros maximum”, précise Sihem qui assure toujours dire à ses employeurs qu’elle est sans-papiers.

Hizia, elle, ne le signale que si on lui demande. Elle peut tout à fait l’éviter car, vu que sa procédure est en cours d’examen, son numéro de sécurité sociale est toujours valable. Et pour la déclarer en la payant avec des chèques emploi service universels (Cesu), l’employeur n’a besoin que de cette information.

La mère de famille est méfiante car elle a déjà subi des abus en raison de sa situation administrative : “Ça m’est déjà arrivé qu’on ne me donne pas mon dû. Par exemple, un employeur qui me dit : ‘Je vous donne tant et je vous appelle pour vous donner l’autre moitié et finalement je ne l’obtiens jamais'”, raconte cette femme qui travaillait comme assistante commerciale en Algérie. Elle a dû quitter son pays pour faire soigner en France son fils qui souffrait d’un cancer du rein.

Des métiers très féminisés

Sihem aussi a fait des études en Algérie. “J’ai un bac+4”, souligne-t-elle. Mais, une fois en France, elle a dû se tourner vers cet emploi peu qualifié.

“D’une manière générale, les femmes migrantes sont cantonnées à certains métiers, notamment les métiers très féminisés : aides à domicile, tout ce qui touche à la restauration, le service en hôtel, le ménage”, souligne Violaine Husson, responsable des questions de genre et de protection à la Cimade. “En France, même pour les femmes qui ont des titres de séjour, c’est difficile de travailler dans des secteurs qui correspondent à leur niveau d’études et à leur travail dans leur pays d’origine, ajoute-t-elle. C’est le croisement des discriminations en tant que femme et en tant que personne étrangère”.

Hizia et Sihem n’ont pas eu le choix. Aide à domicile était le seul emploi disponible. “La seule chose qui m’a attirée dans ce métier, c’est le fait que ce soit un travail déclaré, précise Sihem. Sinon, il n’y a aucun intérêt, c’est très fatigant, je rentre épuisée le soir à la maison. J’ai tout le temps mal au dos et des courbatures partout. Déplacer une personne ou l’aider à prendre sa douche, c’est très physique. Pareil pour le ménage.”

Selon les chiffres de l’Assurance maladie, révélés par le média d’investigation Disclose dans une enquête sur la santé des aides à domicile, les accidents du travail dans cette profession – féminine à 95 % – ont augmenté de 110 % entre 2009 et 2019.

Si Sihem affirme être déclarée, elle ne bénéficie pas en outre de prestations sociales. “Ça n’offre pas la protection. Par exemple, si la personne perd son emploi, elle ne sera pas éligible au chômage vu qu’elle est sans-papiers”, précise Lise Faron, responsable des questions de droit au séjour à la Cimade.

Rendez-vous en préfecture introuvables

Autre handicap de taille pour les aides à domicile sans-papiers : la possibilité d’être régularisée est bien souvent compliquée par le faible taux horaire de la profession. “La régularisation par le travail est très peu encadrée par le droit et ce que dit la circulaire Valls, c’est qu’il y a des conditions d’ancienneté, comme pour tous les emplois. Mais il faut que les personnes arrivent au moins à un smic mensuel”, expose Lise Faron qui concède que les dossiers de régularisation par le travail des aides à domicile sont “particulièrement compliqués”.

Dans une interview accordée à Alternatives économiques, le député France insoumise François Ruffin – également réalisateur du documentaire “Debout les femmes” – soulignait que le salaire moyen des aides à domicile en situation régulière était de 682 euros. “La très grandes majorité est sous le smic et sous le seuil de pauvreté”, ajoutait-il.

Pour tenter de se faire régulariser, les femmes sans-papiers optent souvent pour d’autres motifs de régularisation (liens privés et familiaux, parents d’enfants scolarisés en France…) mais, en Seine-Saint-Denis, elles se heurtent à l’impossibilité de prendre rendez-vous en préfecture pour déposer leur dossier (sites saturés, rendez-vous complets…).

“Je suis là depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron mais maintenant, on ne peut même pas prendre de rendez-vous en préfecture. C’est inhumain”, dénonce Hizia, qui affirme avoir effectué “968 captures d’écran du site de la préfecture de Bobigny” entre octobre 2021 et mars 2022 pour prouver l’impossibilité d’obtenir un créneau.

>> À lire : “Préfets, ouvrez vos guichets !” : des travailleurs sans-papiers mobilisés contre une préfecture inaccessible

Malgré les promesses de certains candidats de gauche et d’extrême-gauche de régulariser les travailleurs sans-papiers, le thème de la régularisation reste absent de la politique française. Au lendemain du premier confinement, entre mars et mai 2020, plusieurs manifestations de sans-papiers avaient porté la question dans le débat médiatique. Mais, cela n’avait pas été suivi de réactions politiques.

“La seule chose qu’il y a eu, c’est la circulaire Schiappa sur la naturalisation des personnes étrangères en première ligne”, rappelle Lise Faron. “Le ministère de l’Intérieur porte un grand désintérêt aux questions d’accès aux titres de séjour, regrette-t-elle. Encore plus dans le cas de la régularisation par le travail parce qu’on est en plein dans le pouvoir discrétionnaire des préfectures.”

*La personne n’a pas souhaité que son nom de famille soit publié

 

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