Les médias américains, très préoccupés par la guerre en Ukraine, soulignaient dimanche soir combien l’issue de la présidentielle française, opposant le pro-UE et pro-Otan Emmanuel Macron à la nationaliste Marine Le Pen, pouvait peser sur l’unité du camp occidental face à Moscou. Revue de presse.
Concentrés sur la guerre en Ukraine et la politique intérieure, les médias américains ne se sont pas étendus sur l’élection présidentielle en France. Sur CNN, en début de soirée dimanche 10 avril, le résultat du premier tour faisait l’objet de quelques phrases dans le bandeau en bas de l’écran. Sur les sites des grands journaux, une poignée d’articles résumaient l’issue du scrutin et livraient des clés d’analyse.
Du point de vue américain, la France est d’abord un morceau d’Europe. La course à l’Élysée permet donc de tester la température politique d’un continent encore marqué par le Brexit. “Avec la guerre qui fait rage en Ukraine et l’unité occidentale qui risque d’être mise à l’épreuve à mesure que les combats continuent, la solide performance de Mme Le Pen a démontré l’attrait durable des courants nationalistes et xénophobes en Europe”, écrit ainsi le New York Times. Le quotidien note qu’”une France anti-Otan et davantage pro-Russie, dans le cas d’une victoire de Le Pen, causerait de profondes inquiétudes dans les capitales alliées, et pourrait fracturer la réponse transatlantique à l’invasion russe de l’Ukraine”.
Marine Le Pen, une Trump à la française ?
Plusieurs journaux reviennent sur le profil de la candidate du Rassemblement national, souvent comparée à l’ex-président isolationniste Donald Trump. Ses accointances avec le Kremlin font l’objet d’une attention particulière. CNN rappelle ainsi que Marine Le Pen “a été une fervente admiratrice de Vladimir Poutine”. Et d’ajouter : “Le Pen a rendu visite au président russe lors de sa campagne de 2017, mais, cette fois, à la suite de l’attaque de la Russie sur son voisin, elle a été forcée de retirer un tract arborant une photo d’elle et de Poutine prise lors de ce déplacement.” Pour Dominic Thomas, chroniqueur européen de CNN, c’est là le talon d’Achille de la candidate d’extrême droite : “Elle aura du mal à convaincre l’électorat de ses compétences en politique étrangère, étant donné ses liens de longue date avec la Russie.”
Le Washington Post explique qu’à l’inverse, Emmanuel Macron “a endossé un rôle international plus important pendant la guerre en Ukraine, en servant d’interlocuteur à Vladimir Poutine et de porte-voix à l’Union européenne et à l’Otan. L’invasion russe a secoué le sentiment européen de sécurité. En position de leader en temps de guerre, Macron a donc d’abord vu sa cote de popularité augmenter. Mais cette poussée semble s’être évaporée lors des deux dernières semaines (…).”
L’inflation, nerf de cette guerre
Les points forts d’un candidat peuvent en effet se révéler être aussi des handicaps, comme le souligne le Wall Street Journal. “Les conseillers (d’Emmanuel Macron) à l’Élysée disaient qu’il était trop occupé à téléphoner au président Biden et à son homologue russe Vladimir Poutine à propos de la guerre en Ukraine pour faire campagne sur le terrain ou débattre avec ses rivaux.” “Mme Le Pen, pendant ce temps-là, a traversé le pays de long en large, tenant des meetings dans des petits villages. Sa campagne très disciplinée s’est concentrée sur la plaie économique qu’est l’inflation galopante tout en s’éloignant de la rhétorique enflammée qui a défini le clan Le Pen pendant des années sous le règne de son père, Jean-Marie, condamné pour discours antisémite.”
Fox News note d’ailleurs que si l’invasion de Ukraine peut certes fragiliser Marine Le Pen en jetant le discrédit sur ses alliances à l’international, elle peut aussi lui permettre de se positionner davantage comme la candidate du “pouvoir d’achat”, préoccupation première des électeurs, et ce même quand la guerre arrive aux portes de l’Union européenne : “Macron a fortement soutenu les sanctions européennes contre la Russie, tandis que Le Pen s’est publiquement inquiétée de leurs effets sur le niveau de vie des Français.”
Ce positionnement de Marine Le Pen n’est pas sans rappeler celui aux États-Unis de certains élus conservateurs qui ont fait de l’inflation l’un de leurs thèmes favoris pour la campagne des élections de mi-mandat prévues en novembre. Des “midterms” lors desquelles le président Joe Biden, fragilisé lui aussi par cette vertigineuse hausse des prix (surnommée “Bidenflation” par les républicains) pourrait perdre sa majorité au Congrès.