En quatre combats à l’UFC, Khamzat Chimaev est devenu l’attraction de la plus importante ligue d’arts martiaux mixtes. L’invaincu suédois a écrasé tous ses adversaires avec une facilité déconcertante. Le prodige défie samedi le redoutable Gilbert Burns et lorgne déjà le trône des poids mi-moyens, occupé par Kamaru Usman.
La dernière apparition de Khamzat Chimaev dans l’octogone fut un bijou de perfection. C’était le 30 octobre 2021, à Abu Dhabi, face à Li Jingliang, 11e au classement des mi-moyens. Il n’a eu besoin que de dix secondes pour saisir son adversaire à bras le corps et le secouer comme un prunier, puis de s’adresser à Dana White, le patron de l’Ultimate Fighting Championship (UFC), assis au bord de la cage.
Tout en martyrisant Jingliang au sol, Chimaev a lancé à White : “Dana ! Dana ! Dana ! Je prendrai n’importe qui ! C’est moi le roi !”
“Il a joué avec lui comme avec un enfant”, commente Alexandre Herbinet, journaliste et présentateur du podcast RMC Fighter Club. Quelques instants plus tard, Khamzat Chimaev mettait fin au calvaire du Chinois en le battant par soumission, avec un étranglement parfait. Une quatrième démonstration consécutive à l’UFC pour le phénomène.
“Je fracasse tout le monde”
Samedi 9 avril, le combat principal de la réunion UFC 273 à Jacksonville (Floride) va opposer Alexander Volkanovski, champion poids plumes, au “Korean Zombie” Jung Chan-Sung. Une affiche alléchante mais pourtant éclipsée par celle entre Gilbert Burns et Khamzat Chimaev.
Le retour du Suédois au bec-de-lièvre – stigmate d’une chute lorsqu’il était petit – est très attendu après ses précédentes prestations spectaculaires. Khamzat Chimaev, né en Tchétchénie en 1994 et immigré en Suède en 2013 où il a été naturalisé, est une fusion de ce qui marche le mieux en MMA : un talent hors du commun et une grande gueule pour ajouter du piquant.
Illustration le 16 juillet 2020 lors de son premier combat à l’UFC. Khamzat Chimaev, pur produit de l’école de la lutte tchétchène, balaye John Phillips en deux rounds. “Je veux me battre la semaine prochaine, peu importe quand. J’ai trop faim. Donnez-moi n’importe qui et je le détruis comme aujourd’hui”, clame le vainqueur dans la foulée, sans se défaire de son sourire.
Dix jours plus tard, celui que l’on surnomme “Borz” (“Loup” en russe) impose une pression dantesque à Rhys McKee et l’emporte par KO technique en seulement trois minutes. “Je fracasse tout le monde. Donnez-moi les champions des moins de 84 kilos et des moins de 77 kilos, je les bats le même jour”, lance-t-il encore dans son interview post-combat.
Le spécialiste de la lutte démontre ensuite toute la puissance de son punch à son troisième combat à l’UFC, le 19 septembre 2020 : son adversaire, Gerald Meerschaert, est mis KO en 17 secondes, d’un seul coup de poing. Treize mois plus tard, Chimaev ridiculisera Jingliang.
Les chiffres sont à peine croyables : 10 victoires et aucune défaite en carrière, moins de 13 minutes de combat en quatre confrontations à l’UFC, et 254 coups portés pour seulement 2 encaissés sur ces quatre sorties. Un vrai rouleau compresseur qui “marche sur tout le monde”, résume Alexandre Herbinet.
Un stakhanoviste rescapé du Covid-19
Avec ses origines et sa lutte exemplaire, Khamzat Chimaev est souvent comparé à Khabib Nurmagomedov, l’invincible Russe aujourd’hui retraité (29 victoires, aucune défaite). Le parallèle est tentant, mais il a pourtant ce petit truc que n’avait pas son aîné : ce goût pour la provocation, pour la petite phrase qui va faire monter la pression et attirer les spectateurs. Le MMA est aussi une discipline où le show a son importance.
“Tu ne deviens pas une star à l’UFC si tu n’es pas ultradominant dans la cage et/ou si tu n’es pas une grande gueule. Mais pour être une vraie superstar, il faut les deux. C’était le cas de tous les gros comme Brock Lesnar, Ronda Rousey à sa grande époque, Conor McGregor… Ils avaient le charisme qui allait avec les performances”, explique Alexandre Herbinet. “Borz” suit le même chemin, d’où son énorme popularité.
Khamzat Chimaev ne vit que pour le combat. Au Allstar Training Center de Stockholm, où il s’entraîne, “tous les mecs qui le côtoient le décrivent comme un stakhanoviste fou : il ne fait pas de pause, il n’a pas de jour off, il est tout le temps là et il s’entraîne toujours à haute intensité”, développe le journaliste de RMC. Un dévouement proche de l’obsession qui s’est retourné contre lui.
Fin 2020, l’ascension de Borz s’est interrompue quand il a contracté le Covid-19. Durement atteint, Chimaev a quand même continué à s’entraîner, aggravant son état. Très diminué, démoralisé, il a annoncé sa retraite en mars 2021 avant de changer d’avis. Le soutien de son grand ami, le dirigeant tchétchène controversé Ramzan Kadyrov, y fut pour beaucoup. Son combat de retour contre Li Jingliang a prouvé qu’il n’avait pas changé.
Kamaru Usman, le boss final
Onzième au classement des mi-moyens de l’UFC, Chimaev tient une occasion en or avec ce combat contre Gilbert Burns, n°2 de la catégorie derrière le champion Kamaru Usman et le n°1 Colby Covington. Le Brésilien est un sacré client. Il représente le premier vrai test du Suédois. Une défaite briserait toute la passion soulevée ces deux dernières années.
Dana White, lui, a un plan : si Gilbert Burns est croqué à son tour par Chimaev, plus rien ne s’opposera à un combat de ce dernier pour la ceinture. C’est, en creux, ce que tout le monde du MMA attend : un combat entre Khamzat Chimaev, le jeune loup à l’appétit féroce, et le prédateur au sommet de la chaîne alimentaire, Kamaru Usman.
Ça fait maintenant plus de trois ans que le Nigérian écrase la catégorie des mi-moyens. Le champion a défendu son titre cinq fois. Colby Covington, le prétendant le plus sérieux ? Battu deux fois. Jorge Masvidal ? Même tarif, avec en prime le plus beau KO de l’année 2021. Gilbert Burns ? Emporté par “The Nigerian nightmare” (“Le Cauchemar nigérian”) malgré une belle résistance. Kamaru Usman domine sans partage et occupe la place de n°1 toutes catégories confondues.
Le combat de samedi va donc servir, pour “Borz”, d’examen et d’antichambre vers une chance pour le titre. Alexandre Herbinet voit un “côté inéluctable” dans ce duel en filigrane : “Si Chimaev domine Burns, deux mecs ultradominants se retrouveraient pour la ceinture. S’il bat Burns samedi, Usman-Chimaev serait de loin le plus gros combat de l’année. Et sans doute le plus gros combat depuis très longtemps. Le pay-per-view vendrait vraiment bien. Bien plus que Ngnannou-Gane, qui était pourtant un combat attendu.”
Khamzat Chimaev n’a jamais caché qu’il vise Kamaru Usman, et même Israel Adesanya, l’autre Nigérian qui règne chez les poids moyens. Avant cela, il doit franchir l’obstacle Gilbert Burns. Ce qui, à l’écouter, ne sera qu’une formalité. “Je vais l’écraser et le mettre KO en une minute, les gars, je vous le promets”, a-t-il dit, sous les yeux de l’intéressé, à deux jours du combat.