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Au Yémen, entre trêve et bouleversement politique, l'espoir de la paix ?

Le président yéménite, Abd Rabbo Mansour Hadi, a annoncé jeudi transmettre ses pouvoirs à un nouveau conseil présidentiel pour diriger le pays. Parmi les objectifs affichés derrière ce bouleversement politique : ramener la paix dans ce pays ravagé par la guerre depuis 2014. Une nouvelle lueur d’espoir pour la population, alors qu’un cessez-le-feu fragile est déjà appliqué depuis le 2 avril.

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“Je délègue de manière irréversible mes pleins pouvoirs à ce conseil présidentiel.” Abd Rabbo Mansour Hadi, le président du Yémen, a annoncé, jeudi 7 avril, céder l’ensemble de ses pouvoirs à un conseil présidentiel pour diriger le pays. Figure controversée dans ses rangs, en exil en Arabie Saoudite depuis 2015, il espère ainsi unifier son camp en guerre contre les rebelles Houthis depuis bientôt huit ans et avancer vers un processus de paix. 

Pays le plus pauvre de la péninsule arabique, le Yémen est en proie depuis 2014 à un conflit entre les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, et les forces gouvernementales, appuyées depuis 2015 par une coalition militaire dirigée par l’Arabie Saoudite et qui inclut notamment les Émirats arabes unis. Cette guerre a provoqué l’une des plus graves tragédies humanitaires au monde, causant la mort de près de 380 000 personnes, selon l’ONU et faisant des millions de déplacés.

Ce bouleversement politique est d’ailleurs intervenu au dernier jour de pourparlers sur le Yémen organisés par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) à Riyad, sans la présence des Houthis qui ont refusé tout dialogue en territoire “ennemi”. 

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Le départ d’Hadi, une nouvelle donne politique ? 

“Abd Rabbo Mansour Hadi était un président fictif. Il vit isolé, en exil, dans un palais mis à sa disposition en Arabie Saoudite”, explique auprès de France 24, François Frison-Roche, chercheur au CNRS spécialiste du Yémen. “Et il ne jouit d’aucune légitimité. En 2012, il a été élu alors qu’il était le seul candidat. À l’origine, son mandat devait durer deux ans. Depuis, aucune élection n’a été organisée à cause des combats”, détaille le spécialiste.

Le camp gouvernemental est loin d’être unifié. Le président est contesté par les séparatistes du Sud, eux aussi anti-Houthistes, qui accusent son gouvernement de “corruption”. Et à l’échelle  régionale, ces forces sudistes sont soutenues par les Émirats arabes unis qui ne voient pas d’un bon œil la proximité d’ Abd Rabbo Mansour Hadi avec des figures des Frères musulmans, bêtes noires d’Abu Dhabi dans la région.

En déléguant ses pouvoirs, le président espère unifier son camp. Le conseil présidentiel sera ainsi présidé par l’ancien ministre de l’Intérieur et conseiller du président Hadi, Rashad Al-Alimi. Il comprend huit membres : quatre venant du Nord du pays et quatre du Sud. Le groupe inclut notamment Aidarous al-Zoubaïdi, le chef du Conseil de transition du Sud, organe politique des séparatistes du Sud. Parmi les autres membres figurent Tareq Saleh, le neveu de l’ancien président yéménite, Ali Abdallah Saleh, assassiné par les Houthis en 2017, et Sultan al-Arada, gouverneur de Marib, le dernier bastion du gouvernement dans le Nord, au cœur d’une bataille clé avec les Houthis. Il n’est cependant pas clair si Abd Rabbo Mansour Hadi conservera un poste honorifique de président ou s’il se retirera de la vie politique.

“Cette annonce est “l’un des changements les plus importants survenus au sein du bloc anti-Houthis depuis le début de la guerre”, a salué sur Twitter Peter Salisbury, de l’ONG Crisis Group. “Un changement important devait arriver pour mettre les parties en conflit sur la voie d’un processus politique (…) Ce transfert des pouvoirs présidentiels pourrait être ce changement”, a abondé Elisabeth Kendalll, chercheuse à l’Université d’Oxford, auprès de l’AFP.

“Mais il y a tout de même une question majeure qui se pose : quelle sera la légitimité de ce conseil présidentiel ? Rien ne prévoit ce type de scénario dans la Constitution yéménite. “On se maintient dans une fiction juridique et politique”, nuance François Frison-Roche. “D’autant plus qu’il risque d’être difficile pour ce groupe hétérogène de travailler ensemble.”

Les rebelles yéménites ont vu dans la création de ce conseil “une tentative désespérée de resserrer les rangs des mercenaires […] Le chemin vers la paix passe par l’arrêt de l’agression, la levée du blocus et le retrait des forces étrangères du pays”, a réagi leur porte-parole, Mohammed Abdelsalam, sur Twitter.

Une trêve “symbolique” au milieu d’un “conflit qui s’enlise”

Cette décision intervient une semaine après l’entrée en vigueur d’une trêve de deux mois grâce à un accord arraché par les Nations unies aux belligérants. 

Selon l’accord, les offensives militaires doivent cesser, permettant l’entrée de pétroliers dans le port d’Hodeida, sur la Mer rouge, et la reprise de vols commerciaux à Sanaa. Deux villes contrôlées par les Houthis. Habituellement, la coalition, qui contrôle l’espace aérien et maritime du Yémen n’autorisent que les vols de l’ONU à atterrir à Sanaa. Des mesures dénoncées comme un “blocus” par les Houthis. 

“Nous sommes en période de Ramadan. Il y a évidemment une forte portée symbolique à décréter une trêve et à permettre à la population de vivre dans un climat un peu moins anxiogène à ce moment-là”, note François Frison-Roche. 

“Du côté des Houthis, notamment, cela répond aussi certainement aussi à une nécessité, après huit ans de guerre, de poser les armes temporairement et à faire cesser des combats quotidiens”, analyse-t-il. “Nous sommes dans un contexte où le conflit s’enlise. Actuellement, la victoire n’est envisageable ni d’un côté, ni de l’autre et aucune des parties n’a envie de céder. Avoir cette trêve permet aux belligérants de reprendre leur souffle.” 

“La guerre en Ukraine fait craindre le pire”

Le 2 avril, le patron de l’ONU, Antonio Guterres, a exprimé l’espoir que cette trêve aboutirait à “un processus politique” pour régler le conflit. De son côté, François Frison-Roche se montre plutôt pessimiste : “Je crains que ce conseil présidentiel et cette trêve ne changent pas vraiment la donne dans une guerre aussi longue que celle-ci”, estime-t-il. “La guerre au Yémen est une guerre nationale, mais aussi régionale et internationale. Rien ne se règlera tant que tous les acteurs ne s’installeront pas tous ensemble autour de la table des négociations.” 

“Sans compter que cette guerre se joue aussi au Conseil de sécurité de l’ONU puisque la France, les États-Unis et le Royaume-Uni y ont des intérêts financiers. Et pour l’instant, leurs yeux sont rivés sur l’Ukraine.”

“Ce qui m’inquiète le plus, c’est que le Yémen est déjà dans une situation humanitaire catastrophique, et cela va encore empirer avec la guerre en Ukraine. Le pays ne sera pas en mesure de faire face à la hausse des prix, notamment du blé”, craint le spécialiste. Le Yémen dépend quasi entièrement de ses importations alimentaires. Et 30 % du blé consommé dans le pays provient d’Ukraine, selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance.

“Cette trêve, pour le temps qu’elle durera, permettra au moins l’arrivée de pétrole qui pourra fournir un peu d’électricité à la population et l’acheminement d’aides alimentaires supplémentaires”, termine-t-il. 

De son côté, le Conseil de coopération du Golfe (CCG) semble vouloir y croire. Dans le communiqué final publié jeudi soir, les participants ont appelé le nouveau conseil présidentiel à “engager des négociations avec les Houthis sous l’égide des Nations unies pour parvenir à un règlement politique global et final”.

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