En raison de la guerre en Ukraine, certains pays s’inquiètent d’une hausse des prix, notamment l’Espagne, qui connaît la plus forte inflation de son histoire, à près de 10 %. Nous recevons la ministre espagnole de l’Économie, Nadia Calviño, l’un des piliers de l’équipe du socialiste Pedro Sanchez. La numéro 2 du gouvernement avec le titre de première vice-présidente chargée de l’Économie et de la Transformation numérique attend l’autorisation de la Commission européenne pour pouvoir déconnecter le marché énergétique et l’électricité de son pays de l’évolution des prix du gaz au niveau international : “L’Espagne est moins exposée vis-à-vis de la Russie et de l’Ukraine, parce qu’on n’est pas dépendants en ce qui concerne le gaz, le pétrole, le charbon, et on a moins d’exposition dans le domaine de l’agroalimentaire.”
Favorable au développement d’infrastructures, comme le projet abandonné Midi-Catalogne qui permettrait par le biais d’un pipeline d’augmenter les livraisons de gaz algérien à la France, Nadia Calviño estime qu’il faut “renforcer les interconnexions, tant du gaz que du secteur de l’électricité : il faut que ces interconnexions soient prêtes aussi pour les énergies de l’avenir, c’est-à-dire l’hydrogène vert, l’Espagne a une position assez privilégiée parce qu’on a presque 50 % de notre production de renouvelable, du soleil, du vent et aussi de l’eau, et on va investir dans le plan de relance, une partie importante des investissements vont développer aussi l’hydrogène vert, et ça veut dire aussi que l’Espagne pourrait être un acteur majeur dans la production énergétique en Europe.”
Si Vladimir Poutine exige maintenant le paiement du gaz russe en roubles, Nadia Calviño pense que “la réponse du G7 a été assez claire, les nouvelles qu’on a reçues depuis hier sont positives, dans le sens qu’on peut continuer à payer le gaz en euros, et je crois que la réponse européenne unie est importante” pour la suite en Ukraine.
Son gouvernement socialiste a offert le même statut de protection temporaire à tous les Ukrainiens sur son sol depuis longtemps : “Nous avons accueilli à peu près 30 000 personnes ces dernières semaines, nous allons bientôt atteindre les 70 000, nous avons (…) quatre centres d’accueil, et notre approche est celle de la solidarité.” Même s’il y a un coût politique à payer : la montée de l’extrême droite dans son pays – qui a pourtant subi 40 ans de dictature franquiste –, galvanisée par les crises migratoires, avec l’arrivée de Vox au pouvoir dans la région de Castille-et-Leon. Même si elle comprend une certaine grogne des Espagnols “qui viennent de subir deux années très dures avec la pandémie, et en Espagne on a eu entre-temps aussi un volcan dans les îles Canaries, et maintenant on a cette guerre qui a un impact négatif en termes de croissance et d’inflation”.
Commentant le sommet UE-Chine en visioconférence de vendredi, elle juge que “les plaques tectoniques sont en train de changer : ces deux dernières années, on s’est rendu compte de notre dépendance en ce qui concerne les semi-conducteurs pour l’industrie automobile, de notre dépendance en ce qui concerne les masques, les capacités de production de vaccins et d’autres médicaments, et maintenant on voit en ce qui concerne l’énergie, les produits agroalimentaires… donc il faut vraiment que l’Europe soit unie et qu’on trouve la façon d’être plus autonomes d’un point de vue stratégique.”
Si elle se félicite que Joe Biden soit à la Maison Blanche le garant d’une complicité retrouvée avec l’UE, Nadia Calviño espère un lien pérenne : “C’est crucial de protéger cette relation privilégiée transatlantique face à tous les tremblements géopolitiques.”
Émission préparée par Isabelle Romero, Georgina Robertson, Sophie Samaille et Perrine Desplats.